Travaux lourds pour les enfants des rues de Goma
Dans cette ville de l’est du pays, de nombreux enfants n’ont pas d’autre choix que de se soumettre à des travaux lourds pour s’en sortir.
Travaux lourds pour les enfants des rues de Goma
Dans cette ville de l’est du pays, de nombreux enfants n’ont pas d’autre choix que de se soumettre à des travaux lourds pour s’en sortir.
Ils sont prêts à tout pour gagner leur croûte. Vivant en marge de la société, ces enfants doivent souvent accomplir des travaux lourds et il semble que les autorités provinciales, les organisations non gouvernementales, les ONG, ou autres défenseurs des droits des enfants ne puissent faire que très peu.
Le destin des enfants est en grande partie du aux tensions civiles qui subsistent dans la région depuis le génocide de 1994 au Rwanda voisin. Goma avait attiré plusieurs milliers de réfugiés fuyant les zones de conflit.
Selon les sources officielles, moins de 40 pour cent des enfants déplacés qui ont atterri à Goma vont à l’école. Le reste d’entre eux travaillent comme porteurs ou vendeurs ambulants – marchant des dizaines de kilomètres par jour à travers la ville - ou chukudeurs, conducteurs de trottinettes locales utilisées pour transporter des marchandises.
Ils effectuent ce travail épuisant pendant des heures pour très peu d’argent.
Un chukudeur, Patrick Shamamba, 15, a déclaré qu’il avait été obligé de terminer ses études et de trouver un travail après la mort de son père, “Je me suis retrouvé seul sans argent pour payer mes frais de scolarité... j’ai pris n’importe quel travail que j’ai pu trouver pour être capable d’acheter de la nourriture et des vêtements pour ma famille et moi-même.
“ Il m’arrive de transporter sur ma trottinette 2 sacs de farine de manioc, 4 planches et je peux facilement gagner 2000 francs (2.20 US dollars) ou plus par course. Tout dépend des jours.”
La pauvreté force souvent les enfants à sortir pour travailler. “Par le petit job quotidien, je parviens à faire manger ma famille, à la vêtir et je peux facilement gagner l’équivalent de 5 dollars par jour. Mais ce n’est pas du tout facile car c’est très fatiguant,” explique Moussa Mubawa, 16 ans.
Il a expliqué que parfois, les enfants étaient exploités et que les autorités n’étaient pas intéressées à agir, “Les gens parlent des droits des enfants, des travaux qui ne devraient pas être donnés aux enfants. Qui viendra alors subvenir aux besoins vitaux de ma propre famille? Les gouvernants ne nous connaissent pas et s’occupent plus de leur intérêt propre. Personne ne sait évaluer la politique de protection des droits des enfants chez nous. Nous sommes des condamnés Je n’aime pas du tout ce travail mais que faire?”
Kiza Chirimwami a expliqué qu’il travaille comme porteur et videur de poubelles, “J’ai 17 ans. Je paye les frais de scolarité de mes deux jeunes frères. Je gagne difficilement [environ 3 dollars] par jour. Au nom de la survie, il m’arrive de tripoter dans les affaires et dans le travail qui m’est demandé.“
“Si je reste honnête, je ne gagne pas bien mais avec la ruse, j’ai parfois des surplus intéressant. La pauvreté, l’irresponsabilité des parents, la démission de l’Etat me jettent dans le gouffre des travaux lourds. Je ne pourrais pas faire autre chose, car je n’ai pas étudié.”
La manière dont de nombreux enfants grandissent sans référence par rapport à leurs parents ou aux valeurs morales est une préoccupation pour les gens de Goma.
La RDC a une section de la police consacrée aux questions des femmes et des enfants mais à Goma, cette unité se concentre davantage sur les problèmes judiciaires, arbitrant des conflits au sein des familles, déclenchés par des problèmes entre les parents et les enfants. Elle fait ce qu’elle peut pour réconcilier les parents et leurs enfants mais n’agit pas par rapport aux racines du conflit ou aux travaux lourds auxquels sont soumis des milliers d’enfants.
Au sein du gouvernement local, les départements qui s’occupent des questions relatives aux femmes, à la famille et aux services sociaux n’ont pas établi de programme de gestion de ce phénomène. Ils reconnaissent l’importance du problème mais préfèrent laisser les ONG et agences des Nations Unies, comme l’UNICEF, traiter du problème.
“Nous n’avons ni la politique ni les moyens pour faire face,” a déclaré un responsable politique.
Bien que Goma ait un soi-disant Parlement des enfants mis en place par les Nations Unies en 2002 avec 150 membres, cela ne rassure pas les enfants des rues.
“Il est marqué par une configuration politique aux allures d’Assemblée Nationale mais n’affronte pas directement les vrais problèmes que connaissent des milliers d’enfants issus de familles pauvres, qui ne savent ni lire ni écrire. Il s’agit plus d’une affaire pour les enfants des nantis, et nous, pauvres, nous n’y sommes pas et ça ne nous concerne pas,” a déclaré Matumaini Katehero, âgé de 15 ans.
Deux ONG actives in Goma se consacrent à la protection et la promotion des enfants vulnérables: Don Bosco, une organisation de prêtres salésiens et l’orphelinat de Maman Jeanne.
Un porte-parole de la section qui s’occupe des enfants des rues au sein de l’association Don Bosco a déclaré que l’organisation était très sensible au destin des enfants de Goma et que ce travail représente un défi pour les responsables du gouvernement.
“Il nous appartient d’apprendre à cette jeunesse délaissée des métiers pour son intégration sociale et sa libération par une auto-prise en charge responsable et professionnelle. Tout enfant a droit à une vie épanouie et non à une vie meurtrie par des travaux lourds et des pratiques immorales... Certes, il n’est pas du tout pas facile de convaincre un enfant de renoncer à des activités qui sont devenues un moyen de survie. Il faut du courage et un appui pour y parvenir,” a-t-il dit.
Nicole Tambite Mahungu est une journaliste formée par l’IWPR à Goma. Cet article fait partie d’une série de reportages réalisés par des journalistes ayant récemment suivi un cours de journalisme international d’IWPR Netherlands à Goma.