Bemba: pour la défense, le Procureur s'en prend à la mauvaise personne
Bemba: pour la défense, le Procureur s'en prend à la mauvaise personne
L’Accusation indique que l’ancien président de la RCA, Ange-Félix Patassé avait fait appel aux troupes du Mouvement de libération du Congo, MLC, de Bemba pour mater une révolte en RCA voisine, menée par l’actuel président François Bozizé, et qu’entre 2002 et 2003, Patassé et Bemba avaient coperpétré des actes de violence contre les civils pour les dissuader de soutenir les rebelles de Bozizé.
Au cours de cette audience de quatre jours à La Haye, à laquelle ont assisté des foules de supporters de Bemba ainsi que sa famille, l’avocat de la défense Karim Khan a indiqué que lorsque Bemba avait répondu à l’appel de Patassé pour venir l’aider et déployer les troupes du MLC en RCA, elles étaient automatiquement subordonnées au commandement de Patassé.
“Ces troupes n’agissaient pas sous la direction de Bemba, mais sous la direction d’un autre État souverain ” a indiqué Khan, ajoutant que Patassé avait fourni de la nourriture, des uniformes, un soutien logistique et des instructions au MLC.
Cherchant à distancer le chef du MLC des actions présumées des soldats en RCA, la défense a souligné que le MLC n’était que l’un des nombreux autres groupes de troupes étrangères intervenues en soutien à la présidence de Patassé, et que Bemba était seulement venu rendre visite à ses troupes en RCA à quelques occasions.
Les juges de la Chambre préliminaire ont maintenant 60 jours pour évaluer s’il existe suffisamment de preuves crédibles contre Bemba pour passer à un vrai procès.
L’Accusation insiste sur le fait que Bemba et Patassé avaient un plan commun - Bemba aidait Patassé à battre Bozizé, et Bemba serait responsable de la protection de la zone frontalière entre la RCA et la RDC, d’une grande importance stratégique.
Le Procureur a indiqué que loin d’être subordonné à Patassé, Bemba avait pris des décisions par rapport au mouvement et aux actions de ses troupes, et que ses commandants sur le terrain étaient sous ses ordres et recevaient leurs instructions de sa part sur une base quotidienne, et que l’une des instructions qu’il avait données avait été de violer.
Le viol a été utilisé comme une arme pour punir les civils pour leur soutien présumé aux rebelles, selon l’Accusation.
Au cours de l’audience, l’équipe du Procureur a lu le témoignage d’un chef de communauté qui avait été forcé à se coucher sur le sol comme un cheval pour être sodomisé pendant des heures par un gang de soldats du MLC sous les yeux de sa femme et de ses enfants. Il avait ensuite été forcé à assister au viol de sa femme et de ses filles, ce qui, pour l’Accusation, constitue un acte de torture.
Les troupes du MLC ont pris la fille d’un autre témoin, qu’ils ont décrit comme un rebelle, et ont ensuite frappé ce père, forcé à se coucher face à terre. Un soldat a mis son pied sur sa nuque pour l’empêcher de bouger et a ensuite dit qu’il allait se marier avec sa fille.
L’Accusation a indiqué que les deux soldats du MLC avaient ensuite emmené la fillette de dix ans derrière la maison, et que quand elle était revenue, il y avait du sang sur sa jupe, ce que l’Accusation apparente à un acte de torture.
“Les preuves indiquent que tous les incidents de torture ont été perpétrés contre des civils en RCA, et sont associés avec un conflit armé. Toutes les victimes étaient des civils, ne prenant aucune part aux hostilités. Bemba est pénalement responsable. Les auteurs physiques ont exécutés ces crimes pour servir le plan existant entre lui et Patassé” indique l’Accusation.
Elle a ajouté que les soldats du MLC avaient humilié les civils au moyen de viols en réunion, souvent en public, après avoir lacéré leurs habits avec des couteaux.
Les civils ont été violés par des équipes de soldats du MLC, les violant tout à tour, l’un après l’autre. Dans l’un des cas, un soldat a retenu une femme au sol en se tenant sur ses bras, pendant qu’elle était forcée à se livrer à une fellation. Tous les témoins indiquent qu’il y avait des armes à proximité ou pointé sur eux, lors des viols.
“Certains membres de famille ont été violés en même temps. Un homme est intervenu pour s’opposer au viol de sa femme, et les soldats lui ont dit de se taire ou qu’ils allaient aussi le violer par derrière parce qu’il était aussi une femme” indiquent l’Accusation.
Elle a également relaté des cas de viols d’une grande brutalité – le cas d’un bébé en train d’être nourri au sein par sa mère qui avait été jeté à terre, puis la mère frappé et violée jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
Les Procureurs ont indiqué qu’après s’être attaqué à des civils, les soldats du MLC avaient pillé. Ils réclamaient de l’argent, et menaçaient de tuer si les civils n’obéissaient pas, emmenant les matelas, les télévisions, et les outils agricoles, chargeant les camions de biens volés.
Marie Edith Douzima-Lawson, une avocate de RCA représentant les victimes, a indiqué à la Cour que les victimes avaient souffert d’actes de violence particulièrement barbares tels que se voir insérer des canons de fusils dans leurs vagins, et qu’elles vivaient avec leur traumatisme jour et nuit. “Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont eu lieu. Bemba n’a jamais interdit la commission de ces crimes. Les victimes demandent à ce que ces charges soient confirmées – la justice est essentielle à la paix”.
Un autre avocat de la défense de Bemba, Aime Kilolo-Musamba, a soutenu que le MLC avait un code militaire de conduite et que les soldats étaient formés à respecter les droits de l’Homme. Il a également indiqué que le MLC avait reçu des vivres de Patassé et qu’il n’avait donc pas eu recours au pillage comme le Procureur l’avait suggéré.
Bemba est la seule personne inculpée par la CPI pour les crimes commis en RCA, bien que le Procureur ait souligné que les enquêtes continuent. Les groupes de défense des droits de l’Homme s’attendent à ce que d’autres actes d’accusation suivent.