Travaux difficiles pour les enfants congolais
La pauvreté pousse des milliers d’enfants à s’adonner à des activités dangereuses et épuisantes.
Travaux difficiles pour les enfants congolais
La pauvreté pousse des milliers d’enfants à s’adonner à des activités dangereuses et épuisantes.
Apollinaire, un nom d’emprunt, est âgé d’à peine 13 ans, mais il passe de longues heures sur un chantier, à préparer du ciment et à transporter de lourdes pierres que son petit corps peut à peine porter.
Il est assistant maçon, un travail qui ne doit pas être exercé par les moins de 18 ans selon le droit congolais.
Le droit congolais interdit l’exercice de tout travail aux enfants de moins de 14, et l’exercice de travaux difficiles par les moins de 18 ans.
Le chantier où Apollinaire travaille est un endroit bruyant, poussiéreux au centre de Goma. Il a commencé à travailler là-bas en 2007, quelques mois après son dixième anniversaire.
Depuis lors, il a été scolarisé par intermittence, essayant de poursuivre sa scolarité là où il peut. Mais ces derniers mois, il n’a pas suivi le moindre cours - bien qu’il se soit inscrit au début de l’année.
Apollinaire a le sentiment qu’il n’arrivera jamais à rattraper le retard qu’il a accumulé dans ses études, et veut maintenant se concentrer sur sa carrière de maçon.
Bien que cette pratique soit illégale, des milliers d’enfants de moins de 18 ans s’adonnent à des travaux pénibles afin de récolter assez d’argent pour la survie de leurs familles.
Le patron d’Apollinaire dit qu’il connaît bien la loi, mais soutient que le fait d’employer un jeune garçon pour l’aider à gagner sa vie est mieux que de le laisser errer dans les rues de Goma.
"Je n’aime pas employer des enfants pour ce genre de travail, mais quand Apollinaire me raconte la misère dans laquelle il se trouve, je pense que je dois l’aider," a-t-il dit. "C’est pourquoi je lui ai demandé de porter des pierres légères. Le travail que je lui donne l’aide à se procurer des chaussures, des produits d’hygiène. Je lui conseille de toujours donner l’argent à sa mère une fois rentré chez lui, pour acheter des haricots par exemple."
Mais, pour les employeurs qui choisissent de recourir au travail des enfants, il s’agit aussi d’une manière d’économiser de l’argent. Le salaire normal d’un maçon est de 5 dollars US par jour, mais Apollinaire reçoit seulement la moitié de ce montant, parce que, selon son patron, il se fatigue plus vite.
"Depuis l’indépendance, nous avons fonctionné avec le système de la débrouille," a expliqué Dufina Tabu de l’Association des Volontaires, ASVOCO, une ONG basée à Goma. "C’est pourquoi quand les parents n’ont pas de salaire, et qu’il est difficile pour eux de subvenir aux besoins de leurs enfants, les enfants se débrouillent avec ce qu’ils ont et se prennent en charge eux-mêmes. Il est facile pour toute personne de les exploiter."
Apollinaire est le deuxième d’une famille de six enfants. Ses parents sont aujourd’hui séparés et il vit avec sa mère qui a des difficultés à subvenir aux besoins de sa famille.
Sachant que les travaux pénibles sont illégaux pour les enfants, la mère d’Apollinaire était réticente à accepter que son fils travaille sur un chantier.
"Parmi [mes six enfants] les deux plus âgés travaillent," explique-t-elle. "Les autres sont petits. Apollinaire aide à s’occuper d’eux à la maison. Parfois, il revient avec un petit peu d’argent mais je ne pose pas de questions."
Bien qu’il soit de la responsabilité des parents de protéger leurs enfants et de subvenir à leurs besoins, les problèmes auxquels ils doivent faire face rendent les choses difficiles pour quelqu’un comme la mère d’Apollinaire.
Le Parlement des enfants du Nord Kivu, une initiative mise en place par le fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’UNICEF, pour donner une voix plus importante aux jeunes de la région, déclare que le gouvernement congolais devrait faire plus pour mettre un terme à l’exploitation des mineurs sur les lieux de travail.
"Aujourd’hui, certains enfants doivent travailler dans des conditions difficiles parce que leurs familles sont désespérées," a expliqué Junior Museke, un représentant du parlement. "Il s’agit d’un problème pour lequel l’État doit intervenir. Il doit mettre en place des solutions de relais (où l’État assume les responsabilités des parents) pour protéger les enfants."
Interviewé par l’IWPR, Tsongo Kataka, directeur d’une organisation régionale qui se consacre à la protection des femmes et des enfants a expliqué que l’organisation essaye "de sensibiliser les familles et la population, mais [qu’elle] a des moyens limités".
Apollinaire se blesse souvent au travail et rentre chez lui épuisé. Il n’a pas le temps de jouer ou de s’amuser comme les enfants de son âge, confie-t-il.
"Je suis maçon. Je transporte des pierres et du sable. Le travail que je fais est douloureux et difficile. Parfois les pierres me tombent dessus et je me blesse. Une fois j’ai été gravement blessé au pied et au bras et j’ai été transporté à l’hôpital," raconte-t-il.
Mélanie Gouby est reporter à l’IWPR. Passy Mubalama et Désanges Kihuha sont des reporters formés par l’IWPR à Goma.