La milice, une 'famille' pour un enfant soldat
Par Meribeth Deen (AR No. 206, 20-Mar-09)
La milice, une 'famille' pour un enfant soldat
Par Meribeth Deen (AR No. 206, 20-Mar-09)
Le huitième témoin de l’Accusation, dont l’identité a été tenue secrète, a expliqué comment il était devenu soldat à l’âge de 10 ans, après avoir entendu des tirs et avoir vu des gens courir dans les rues un jour à la sortie de l’école.
Lorsqu’il était rentré chez lui, la porte était fermée à clef, et, pensant que sa famille était partie, il s’était rendu dans un camp militaire proche accompagné de son cousin.
Sur place, il avait rencontré un homme, désigné par la Cour comme le commandant A, un des chefs au sein de la milice de l’Union des patriotes congolais de Lubanga.
Quand le témoin avait indiqué au commandant qu’il avait 10 ans, celui-ci s’était mis à rire, et avait emmené le garçon dans un camp où il fut entraîné et armé avec d’autres.
Le témoin a expliqué que sa première tâche avait été de s’occuper du bétail du commandant, et c’est à ce moment-là qu’il s’entendit être désigné pour la première fois comme kadogo, le terme swahili pour désigner un enfant soldat.
Le témoin était devenu l’un des gardes personnels du commandant A, le suivant partout et faisant tout ce qu’il demandait, qu’il s’agisse de faire des courses, de donner des coups, d’arrêter de gens, ou d’apporter des filles au commandant à des fins sexuelles.
Le jeune homme a décrit comment, à une occasion, il avait été battu et obligé à fixer le soleil comme punition pour avoir menti sur la raison pour laquelle il n’avait pas amené une très jeune fille au commandant.
Le témoin rencontrait occasionnellement en dehors du camp d’anciens amis qui étaient toujours des civils, mais ils le fuyaient.
Il a reconnu avoir arrêté certains de ses amis, qui furent gardés par le commandant jusqu’à ce que leurs parents donnent de l’argent pour qu’ils soient relâchés.
Six ou sept autres enfant soldats étaient aussi des gardes, a-t-il dit, et reçurent des uniformes mal adaptés qu’il échangèrent finalement contre de meilleures tenues.
Interrogé par le Procureur Olivia Struyven qui lui demanda s’il avait envisagé de quitter le camp et de rentrer chez lui, le témoin répondit que non parce que son village avait été détruit.
“Je considérais mon commandant comme mon supérieur,” a indiqué le témoin, “mais aussi comme ma famille.”
Le témoin suivit le commandant A dans la bataille et, dans des moments pareils, les autres enfants soldats et lui observaient la règle que si l’un d’entre eux était tué, ils ne le diraient pas aux civils. Ils ne voulaient pas que ces derniers pensent que la milice se faisait battre.
Le témoin a raconté que lors d’un affrontement particulier, le commandant A avait abandonné sa section et pris une des armes lourdes de l’unité avec lui.
Enervés par ce geste, les enfants soldats avaient décidé de le traquer et de le tuer. Le commandant avait cependant été tué, ayant apparemment sauté sur une mine anti-personnelle.
L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval avait cuisiné un témoin précédent en raison de divergences entre son témoignage devant la Cour et les déclarations qu’il avait faites en 2005, 2006 et 2008.
Biju-Duval avait institué dans son contre-interrogatoire sur des dates liées à l’époque où il était au sein de la milice de Lubanga, mais le témoin ne put pas confirmer ces dates.
La Défense va probablement adopter une approche similaire la semaine prochaine par rapport aux témoins de l’Accusation. Les contre-interrogatoires ont cependant eu lieu à huis clos pour la plupart.
Meribeth Deen est une journaliste canadienne et une collaboratrice de l’IWPR à Londres. Ses mises à jour quotidiennes sur le procès Lubanga peuvent être trouvées sur www.lubangatrial.org.