Goma: L'armée s'attaque au crime
La police militaire est intervenue pour mettre un terme à une série de crimes commis par des officiers de police.
Goma: L'armée s'attaque au crime
La police militaire est intervenue pour mettre un terme à une série de crimes commis par des officiers de police.
Il habitait dans un des quartiers les plus sûrs de la ville, connus sous le nom de “triangle de sécurité ”, en raison du fait que la résidence du gouverneur de la province et les bureaux des renseignements militaires s’y trouvent et que le Parquet de Goma est également tout proche.
Outre le fait qu’il était propriétaire de certains des hôtels les plus connus de Goma, Ngezayo était aussi un guide réputé au sein du Parc national congolais de Virunga - célèbre pour ses gorilles des montagnes menacés - où il avait travaillé pendant 30 ans.
Alors que Ngezayo s’approchait de sa maison, il fut tué par balle en plein jour par des agresseurs non identifiés. Personne ne fut arrêté en lien avec le crime et la police indique qu’elle n’a pas de suspects.
Ce meurtre brutal, le dernier d’une série de crimes violents à avoir balayé Goma, a provoqué une onde de choc au sein de la communauté, provoquant la terreur de nombreux résidents.
De manière ironique, la montée des crimes, dont la plupart ont lieu pendant la journée et en début de soirée, intervient à la suite d’un accord de paix signé en juillet par quelques 20 milices guerrières qui ont transformé la région de l’est du Congo en l’une des régions les plus meurtrières d’Afrique.
La famille de Ngezayo est convaincue que sa mort est un assassinat ciblé, mais elle ne parvient pas à trouver un motif. Sa fille aînée, Isabelle Ngezayo, suspecte que son père ait pu avoir eu des problèmes avec certains des négociateurs influents de la ville.
“Nous ne lui connaissions aucun problème, si ce n'est quelques litiges fonciers qui impliquent des acteurs économiques de la ville et le gouvernorat de la province,” a indiqué Isabelle à l’IWPR.
La famille est convaincue que la mort de Ngezayo a été préméditée. “Notre père était seul dans sa voiture. C’est lui et lui seul qui était visé ce jour là. On lui a tiré dessus sept fois,” indique-t-elle.
Malgré la présence de nombreux policiers dans la zone, Isabelle prétend qu’aucun d’entre eux n’a essayé d’arrêter les agresseurs.
“Aucun militaire du T2 et aucun policier gardant la résidence officielle du gouverneur de province, dont les bases sont situées à moins de 50 mètres du drame, ne sont intervenus lors des tirs,” a-t-elle indiqué.
La famille a perdu espoir lorsque, quatre jours après l’assassinat, le gouverneur régional, Julien Paluku, leur a dit qu’il n’était pas en mesure de faire quoi que ce soit au sujet du crime, indiquant à la famille, “l’autorité provinciale n’est pas en mesure de faire quoi que ce soit dans cette affaire.”
La famille a fait un appel à témoins, et a également demandé l’ouverture d’une enquête indépendante et réclamé des mesures de protection pour elle et les témoins.
A ce jour, trois semaines après l’assassinat, la seule preuve concrète dont dispose la famille est la jeep de l’auteur présumé des coups de feu - mais toujours pas de trace de ses occupants.
Depuis le meurtre de Ngezayo, plus de dix personnes ont été tuées à Goma. Plutôt que de se tourner vers la police pour obtenir de l’aide, de nombreux locaux la montrent plutôt du doigt comme une partie intégrante du problème.
Au centre de toutes les critiques se trouve la Police d’intervention rapide, PIR, une nouvelle unité de police arrivée au début de l’année de la capitale, Kinshasa, pour renforcer la sécurité lors de la conférence de paix de janvier.
Ce faisant, cependant, la PIR a interdit les patrouilles nocturnes très efficaces - mises en place pour aider la police locale - qui avaient été établies dans de nombreux quartiers.
Lorsque les patrouilles citoyennes disparurent, les crimes augmentèrent rapidement, et les victimes commencèrent à accuser la police.
Jean, un habitant de Keshero, qui a préféré, comme la plupart des gens à Goma, utiliser uniquement son prénom, a déclaré qu’il avait été volé par la police locale alors qu’il s’éloignait de la scène du crime avec des membres de la PIR.
“Appeler la police devient très dangereux lorsque le voisin est pillé,” indique Louise, une femme qui vit à Ndosho, un quartier situé au nord-ouest de la ville.
Louise a expliqué que si quelqu’un contactait la police pour aider un voisin, cette même personne serait ensuite la cible du prochain pillage.
Des habitants locaux en colère demandent le départ de la PIR, et les autorités ont donné leur accord, en la remplaçant par la 8ème unité de la police militaire.
Le Colonel Delphin Kayimbi, commandant de cette unité au Nord Kivu, a indiqué que celle-ci était ravie de combler le vide. “ L'incapacité de la PIR à protéger la population a donné à l'armée le pouvoir de le faire,” a-t-il indiqué.
Depuis le 30 mars, un couvre-feu a été imposé dans trois des quartiers les plus marqués par le crime.
Alors que la police militaire a apporté une certaine sécurité, de nombreux résidents continuent à vivre dans la peur, a indiqué Jason, un habitant de Goma.
“Le danger pour notre population, c'est que quelqu'un qui va au lit ne sait pas s'il va se réveiller le matin, alors que nous sommes censés être dirigés par des institutions issues des urnes,” a-t-il ajouté.
Néanmoins, il y a des signes de progrès.
Depuis le meurtre de Ngezayo, douze personnes ont été arrêtées, suspectées du meurtre d’un agent du service d’immigration et de sa femme. Et cinq autres ont été détenus en lien avec le meurtre du chef du bureau de l’aéronautique civile à Goma.
Selon des sources au sien de la police, il y a eu des progrès dans le dénouement des liens entre les groupes suspectés d’être derrière ce qui semble être un cercle criminel solidement organisé.
“Les preuves sont là. Nous avons découvert que de ombreux groupes travaillent ensemble. Le premier groupe nous a amené aux autres,” a indiqué une source au sein de la police qui a demandé a ne pas être identifiée.
Taylor Toeka Kakala est un reporter basé à Goma.