La Cour devrait émettre un nouvel acte d'accusation sur la RDC

Mais on ne sait toujours pas quels noms y figureront.

La Cour devrait émettre un nouvel acte d'accusation sur la RDC

Mais on ne sait toujours pas quels noms y figureront.

Plus d’un an a passé depuis que le chef de milice Thomas Lubanga Dyilo a fait sa première apparition devant les juges de la Cour pénale internationale, CPI.



En République démocratique du Congo, RDC, où il aurait commandé un groupe armé responsable de crimes de guerre très diversifiés commis dans le district nord-est de l’Ituri, des observateurs affirment que les gens sur place sont impatients, et que la frustration grandit face à la lenteur de la justice de la CPI.



Mais cela pourrait changer. Des bruits courent que le procès de Lubanga pourrait bientôt commencer et que celui-ci serait prochainement amené à recevoir de la compagnie à l’Unité de détention de Scheveningen à La Haye, où il est détenu depuis mars 2006.



Lubanga, fondateur et chef de l’Union des patriotes congolais, UPC – un groupe constitué en premier lieu de membres de la communauté Hema et de son aile armée, le FPLC, est accusé d’avoir commis des atrocités en Ituri.



Aux dires des gens du milieu de la justice internationale, et de la CPI elle-même, un nouveau mandat d’arrêt pourrait être bientôt dévoilé.



Un porte-parole du Bureau du Procureur, BdP, a déclaré à l’IWPR cette semaine qu’il a conclu une deuxième enquête portant sur la RDC au sujet de crimes prétendument commis par un autre groupe armé en Ituri.



« Nous pensons pouvoir présenter l’affaire aux juges dans un futur proche », a déclaré le porte-parole. « Et nous sommes en train de sélectionner une troisième affaire qui nous amènera à enquêter en RDC, ce que nous ferons avant la fin de l’année 2007 ».



Ce qui est moins clair, cependant, sont les noms qui font figurer sur les mandats d’arrêt.



Certains observateurs affirment que la deuxième affaire va viser un membre du groupe ethnique Lendu – les opposants des Hema en Ituri dans une guerre qui a coûté des milliers de vies et déplacé des centaines de milliers de personnes.



Il pourrait s’agir de rivaux de l’UPC le Front national intégrationniste, FNI. Le FNI était dirigé par Floribert Ndjabu Ngabu et Etienne Lona jusqu’à leur arrestation en 2005 pour un engagement présumé du FNI dans le meurtre de gardiens de la paix en Ituri. Peter Karim leur avait succédé mais il a aujourd’hui intégré l’armée en tant que Colonel, dans le cadre d’un plan visant à désarmer et démobiliser les milices.



« Il faudrait qu’il s’agisse d’un autre groupe en Ituri », a déclaré Suliman Bando, un directeur adjoint au Centre international pour la Justice transitionnelle.



« Il s’agit ici d’un conflit qui a été ethniquement polarisé, et l’espoir subsiste que la Cour se penche sur les crimes commis de l’autre côté de la [frontière] ethnique. Autrement, elle donnerait l’impression de ne poursuivre qu’une des deux parties dans un conflit où toutes deux ont commis des atrocités ».



« Aussi longtemps que cette image prévaut, elle affecte la réputation de la CPI. Tout ceci nous permet de penser que le deuxième acte d’accusation concernera sûrement quelqu’un de la communauté Lendu ».



D’autres, cependant, pensent que Moreno-Ocampo ne va pas céder à la pression visant à apaiser la communauté Hema en délivrant des mandats d’arrêt pour des suspects Lendu.



« Le procureur... résiste à cette approche », a déclaré John Washburn, coordinateur de la coalition des ONG américaines pour la CPI. « Il ne procède pas comme avec un menu de restaurant chinois en choisissant quelque chose dans la colonne A et quelque chose dans la colonne B ».



« Il dit ‘si vous pensez que quelqu’un mérite d’être jugé par la Cour, donnez-moi les preuves et je m’en occuperai’ »



Golzar Kheiltash, une avocate pénaliste basé à Washington également analyste légale de la CPI, pense que la crédibilité de celle-ci dépend de son habilité à résister aux pressions politiques.



Selon elle, tout acte d’accusation doit être basé uniquement sur des faits et l’intérêt des victimes doit toujours être une priorité.



« La politique est toujours là mais la Cour est un corpus juridique et son succès réside dans son adhésion à sa nature et à ne pas se laisser rattraper par la politique dans ces affaires », a affirmé Kheiltash.



« Il y a des rebelles, des contre rebelles et des factions. C’est vraiment, vraiment complexe. Mais un élément qu’on retrouve dans tous ces affaires est la raison d’être de la Cour – rendre justice aux victimes - … au lieu de mettre l’accent sur des intérêts et des problèmes politiques ».



Mais les gens sur place affirment que l’approche de la Cour a jusqu’à présent créé des problèmes en Ituri.



Ils disent que certains membres de la communauté Hema se sentent discriminés, en raison du fait qu’eux seuls ont été désignés par la Cour comme des criminels de guerre.



Le manque d’information sur la CPI en Ituri a aussi causé la circulation de rumeurs infondées, comme l’a indiqué un activiste des droits de l’homme qui a récemment visité le Nord-Est.



« A Bunia [la ville principale de l’Ituri] la situation est très tendue. D’anciens membres de l’UPC tiennent à l’œil les gens susceptibles de parler aux enquêteurs », a déclaré Géraldine Mattioli de Human Rights Watch. « Il existe un climat de menace à Bunia en ce moment pour les gens extérieurs à la communauté Hema ».



Elle a parlé d’une atmosphère d’impatience sur place et a confié que de nombreux Congolais sont frustrés que le travail de la Cour dans la région progresse lentement.



On ne peut pas encore dire si la situation en Ituri va s’améliorer ou se dégrader avec le début du procès de Lubanga pour des chefs d’accusation de recrutement d’enfants soldats.



Lors d’une conférence de presse récente, le Greffier Bruno Cathala a indiqué que le procès commencerait en septembre, même si cela paraît peu probable compte tenu des récents revers subis dans le cadre de ce procès.



Certains observateurs affirment que le plus grand retard subi jusqu’à présent a été provoqué par la démission de l’avocat de Lubanga, Jean Flamme ainsi que par le long délai nécessaire à la désignation de son successeur, Catherine Mabille.



Lubanga a mis peu de temps à se décider pour Mabille, une avocate française très reconnue, mais elle-même a attendu, pour signer, de recevoir la garantie que le Greffe de la Cour fournisse suffisamment d’argent pour organiser une véritable défense. Bien que Flamme avait motivé sa démission par des raisons de santé, des voix au sein de la Cour parlent de problèmes quant au montant alloué pour la défense.



« [Mabille] voulait savoir combien elle allait être payée et de quel soutien elle disposait pour favoriser la diligence voulue et l’enquête de la défense », a indiqué Washburn.



Le porte-parole du Greffe, Claudia Perdomo a confirmé que Mabille et son équipe avaient commencé à travailler ce mois-ci, ajoutant que les juges de première instance sont conscients du fait qu’ « ils vont avoir besoin de temps pour préparer l’affaire ».



Et il y a d’autres complications.



Les procureurs se sont vu refuser la permission de faire appel d’une décision des juges de la Chambre préliminaire ayant qualifié le conflit d’international.



Ils espéraient pouvoir prouver les chefs d’accusation contre Lubanga dans un contexte de guerre locale entre tribus rivales.



Cette décision a été critiquée par beaucoup de gens qui disent qu’il est impossible d’ignorer le rôle des troupes ougandaises et rwandaises en Ituri.



Washburn pense que les procureurs ont choisi de ne pas tenir compte de « preuves claires de la présence de forces étrangères au Congo » et de la relation de Lubanga avec elles afin de garder leur affaire « aussi claire que possible ».



« Lubanga est un homme qui n’est pas lié au gouvernement de la RDC. Vous avez un individu isolé, ce qui simplifie la présentation d’une affaire simple », a-t-il dit. « Les preuves à son encontre semblent claires et bien étayées, c’est pourquoi ils l’ont choisi parmi les chefs de guerre susceptibles de les intéresser ».



Mais maintenant que les juges de la CPI ont reconnu le caractère international du conflit en Ituri, certains affirment que les procureurs vont être obligés de faire des enquêtes plus poussées au Congo, pour faire le lien entre les forces étrangères et l’UPC de Lubanga.



« J’imagine qu’iIs vont devoir y retourner et trouver plus de preuves pour étayer la thèse du conflit international armé ayant impliqué le Rwanda et l’Ouganda », a indiqué Mariana Goetz, une conseillère sur la CPI au sein de REDRESS, une association qui œuvre pour la réparation pour les survivants de torture.



Le BdP est silencieux au sujet d’enquêtes plus poussées mais insiste sur le fait que l’aspect international ne va pas retarder le procès. « Nous disposons d’un dossier solide contre Thomas Lubanga, nous sommes impatients de commencer le procès et nous sommes prêts », a indiqué le porte-parole.



Lisa Clifford est reporter de l’IWPR à La Haye.

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