Appel à une répression des FDLR après l'arrestation d'un dirigeant
L’arrestation d’un responsable de haut rang marque une nouvelle étape dans l’enquête de la CPI sur le Kivu, mais pour certains observateurs, d’autres actions devraient suivre pour prévenir de nouvelles atrocités.
Appel à une répression des FDLR après l'arrestation d'un dirigeant
L’arrestation d’un responsable de haut rang marque une nouvelle étape dans l’enquête de la CPI sur le Kivu, mais pour certains observateurs, d’autres actions devraient suivre pour prévenir de nouvelles atrocités.
Malgré l’arrestation récente à Paris du chef d'une milice hutu opérant à l'Est de la République démocratique du Congo, RDC, les experts ont averti que son groupe rebelle va continuer à semer la terreur en l’absence d’un effort concerté visant à poursuivre les dirigeants sur le terrain ainsi que ceux qui financent le mouvement.
Callixte Mbarushimana, le secrétaire exécutif de la milice hutue des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, FDLR, a été arrêté le 11 octobre suite à un mandat d’arrêt sous scellés émis contre lui en septembre dernier par la Cour pénale internationale, CPI.
Le Bureau du Procureur de la CPI a indiqué que d’autres mandats devraient suivre, par rapport aux crimes commis dans les provinces du Nord et Sud Kivu en RDC.
“L’arrestation de Mbarushimana envoie un message clair aux auteurs d’atrocités contre la population, que l’impunité n’est pas garantie,” a déclaré Guy Mushata, un avocat congolais du Centre international pour la justice transitionnelle au micro de Radio Okapi. “C’est un message de soulagement envers la population, qui considère qu’il y a une certaine complaisance ou même une complicité de la part de la communauté internationale.”
Raphael Nyabirungu, député national élu du territoire de Rutshuru, au Nord Kivu, a précisé que l’arrestation montre clairement que la CPI étudie aujourd’hui de près les crimes commis dans les Kivus.
L’arrestation de Mbarushimana fait suite à celles intervenues en novembre 2009 du chef du FDLR Ignace Murwanashyaka et de son adjoint Straton Musoni.
Les deux hommes détenus en Allemagne attendent aujourd’hui leur procès sur place pour les atrocités commises dans l’est de la RDC.
Mbarushimana, un ressortissant rwandais, a été arrêté sur demande de la CPI et il revient maintenant aux tribunaux français de décider s’il peut être extradé vers La Haye pour y être jugé. Une audience formelle est prévue pour le 20 octobre.
Mais alors que l’arrestation de Mbarushimana a une valeur indéniablement symbolique, les experts avertissent que pour avoir un véritable impact, sur les activités des groupes armés dans la région, la CPI va avoir besoin de s’en prendre aux commandants qui dirigent les opérations militaires sur le terrain ainsi qu’à ceux qui les financent.
Les FDLR reposeraient en grande partie sur l’exploitation minière dans les Kivus pour leur financement. En 2009, un groupe d’experts des Nations Unies avait estimé que le groupe réalisait des profits “probablement à hauteur de plusieurs millions de dollars par an grâce au commerce de minéraux”. Il avait aussi averti que les FDLR “disposent d’un vaste réseau de diaspora internationale impliqué dans la gestion quotidienne du mouvement, la coordination de l’armée et les activités de trafic d’armes ainsi que la gestion des activités financières”, appelant les états membres de l’organisation à agir contre ceux qui violent les sanctions et aident à financer les FDLR.
Les atrocités continuent à être commises dans l’est de la RDC. Une attaque particulièrement brutale a eu lieu début août à Walikale, dans le territoire de Masisi, au cours de laquelle plus de 200 femmes et enfants ont été violés.
Les victimes ont identifié des membres des FDLR comme auteurs des viols de masse et la CPI a indiqué qu’elle enquête sur ces crimes, bien que le mandat d’arrêt émis contre Mbarushimana n’inclue pas ces crimes particuliers.
Laura Seay, experte sur la RDC et professeur assistante au Morehouse College d’Atlanta, a déclaré que bien que le mandat puisse démoraliser les autres membres des FDLR, il est peu probable qu’il ébranle de manière significative la structure du groupe.
“Une des raison pour laquelle le mouvement [des FDLR] a duré si longtemps est qu’il ne dépend pas d’une seule personne pour sa continuité,” a-t-elle dit. “Il est construit autour d’une idéologie et d’un ensemble d’objectifs politiques plutôt que sur le charisme ou la vision d’une seule personne.”
En effet, Mbarushimana a été nommé secrétaire général du mouvement suite à l’arrestation de Murwanashyaka et Musoni l’année dernière.
A l’époque, Anneke van Woudenberg, chercheuse principale auprès de Human Rights Watch, avait déclaré à l’IWPR que cela soulignait l’importance d’arrêter Mbarushimana, et avait averti de la détermination du mouvement.
Bien que Van Woudenberg salue aujourd’hui cette récente arrestation, elle pense que davantage devrait être fait pour mettre un terme aux opérations clefs du mouvement.
“Nous avons vu que l’arrestation d’Ignace Murwanashyaka n’a eu qu’un impact très limité sur le terrain et que le mouvement s’en est vite remis,” a-t-elle dit. “Nous ne pouvons pas nous arrêter à la direction politique. J’espère que la CPI va émettre des mandats d’arrêt contre les dirigeants militaires sur le terrain.”
Pascal Turlan, conseiller principal au sein du Bureau du Procureur de la CPI, a déclaré que les enquêteurs avaient étudié de près le cas d’autres chefs des FDLR lors de leurs recherches sur les atrocités.
Mbarushimana est la première personne à avoir été arrêtée dans le cadre de l’enquête de la CPI sur les Kivus et le premier non Congolais accusé de crimes commis en RDC.
Il avait déjà comparu devant un tribunal international par rapport à son engagement dans le génocide rwandais de 1994, alors qu’il travaillait pour l’ONU. Il avait ensuite été acquitté et avait reçu des dommages et intérêt pour avoir été écarté injustement, ce qui avait provoqué la consternation de certains activistes des droits de l’Homme.
Le mandat d’arrêt contre Mbarushimana établit un lien avec les FDLR pour plusieurs attaques menées contre des villages dans les Kivus en 2009, accusant la milice d’avoir mis le feu à des maisons, assassiné des centaines de civils, violé et mutilé des femmes, leur ouvrant parfois le ventre pour en retirer les foetus.
Le chef des FDLR est accusé d’avoir contribué à la planification de ces opérations afin de créer une crise humanitaire et d’exercer une pression sur les gouvernements rwandais et congolais dans le but d’obtenir le pouvoir politique pour sa milice.
Mbarushimana est inculpé de 11 chefs d’accusation pour torture, viol et meurtre.
“D’après nos informations, Mbarushimana a personnellement dirigé cette campagne en accord avec d’autres cadres des FDLR et, comme l’a conclu la chambre préliminaire lorsqu’elle a décidé d’émettre le mandat d’arrêt, il existe des motifs raisonnables de croire qu’il a contribué en personne à l’élaboration du plan. Ainsi, il est personnellement pénalement responsable,” a déclaré Turlan, le conseiller de la CPI.
Contacté à Paris, l’avocat de Mbarushimana, Nick Kaufman, a indiqué que son client rejette toutes les charges portées contre lui et “dément fermement toute implication dans les crimes” qu’il est accusé d’avoir commis. Mbarushimana a fait une demande de libération immédiate et va plaider contre son extradition à La Haye.
Mélanie Gouby est reporter auprès de l’IWPR.