Une région riche en pétrole aggrave la crise du Soudan

Les chefs du Sud Soudan sont en conflit avec Khartoum au sujet de la démarcation de la région d’Abyei.

Une région riche en pétrole aggrave la crise du Soudan

Les chefs du Sud Soudan sont en conflit avec Khartoum au sujet de la démarcation de la région d’Abyei.

Wednesday, 16 January, 2008
La région soudanaise contestée d’Abyei reste la source de tensions continues entre la région semi-autonome du Sud Soudan et le gouvernement soudanais du président Omar al-Bashir.



Bien que le Sud ait récemment accepté de mettre fin à un boycott du gouvernement de coalition mis en place par l’accord global de paix de 2005, affirmant que la plupart de ses problèmes avec al-Bashir avaient été résolus, la délimitation de la région riche en pétrole d’Abyei pourrait saboter la paix fragile.



Le contrôle de la région d’Abyei, où la plupart des 6 millions de barils de réserve de pétrole se trouvent, entraînera un immense profit pour qui s’assurera le contrôle de la région. Le Soudan produirait déjà quelques 500 000 barils de pétrole chaque jour, ce qui le place au rang des premiers producteurs en Afrique.



Un certain nombre de pays poursuivent actuellement des activités pétrolières dans la région, y compris la Chine, l’Inde, la Malaisie ainsi que la France et l’Angleterre. Une firme américaine, Marathon Oil, s’est récemment retirée suite à des sanctions américaines contre le Soudan. Selon certains rapports, le Japon et la Chine sont les principaux consommateurs de pétrole soudanais.



La Chine est l’un des principaux exploitants en pétrole au Soudan, ayant investi près de six milliards de dollars US au cours de la précédente décennie, et apporté des millions de dollars de prêt au Soudan.



La valeur stratégique du pétrole de la région d’Abyei n’est pas passée inaperçue pour les rebelles de la région soudanaise troublée du Darfour, où plus d’une douzaine de groupes se battent contre la milice Janjawid soutenue par le gouvernement soudanais.



En novembre, des membres du Mouvement pour la justice et l’égalité ont kidnappé cinq employés pétroliers travaillant pour Greater Nile Petroleum Operating Company, un consortium dirigé par une compagnie pétrolière chinoise.



Les rebelles ont à l’origine déclaré que les travailleurs ne seraient pas libérés avant que la Chine n’arrête de travailler avec le gouvernement soudanais, et ont en outre accusé la Chine d’approvisionner le Soudan avec des armes utilisées contre les villageois du Darfour.



La Chine a été critiquée pour son échec à faire pression sur le gouvernement d’al-Bashir pour stopper le bain de sang continu au Darfour, un conflit qui aurait fait plus de 200 000 morts et plus de deux millions de déplacés.



La Cour pénale internationale, CPI, a inculpé deux soudanais en lien avec le Darfur. Ahmed Harun, le ministre soudanais des affaires humanitaires, et le chef de milice Janjawid Ali Kushayb ont été accusés par la Cour d’avoir coordonné la violence contre les civils innocents du Darfour.



Le Soudan a refusé remettre l’un ou l’autre de ces hommes ou de coopérer avec la Cour, et les actes d’accusation de la CPI ont eu peu d’effet dans l’arrêt des violences.



Plus tôt ce mois-ci, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU, qui avait demandé à la CPI d’enquêter au Darfour, que “des crimes de masse ” continuaient à être commis au Darfour et semblaient être très bien organisés.



Les meurtres illégaux, la détention illégale et la violence sexuelle font partie des crimes commis de manière routinière, a-t-il indiqué, alors que ceux qui vivent dans les camps pour déplacés internes sont toujours sans ressources. Des obstacles à l’acheminement de l’aide font partie d’une pratique systématique d’attaques, a-t-il dit.



L’obtention d’un accord sur les frontières de la région d’Abyei sans avoir recours à la guerre pourrait cependant être difficile alors que les deux parties semblent réticentes à abandonner leurs revendications.



En septembre dernier, al-Bashir a rejeté les conclusions d’une commission chargée de décider de la frontière d’Abyei et qui avait placé la majorité des terres riches en pétrole sous le contrôle du sud.



La commission de 15 membres a été conduite par Douglas H Johnson, un historien et auteur britannique qui fait des recherches depuis 40 ans sur l’histoire du Soudan.



Al-Bashir a indiqué que son gouvernement soutenait une frontière de l’Abyei qui existait en 1905 et avait été déterminée par le chef arabe Sadiq al-Mahadi, alors au pouvoir à l’époque.



Le sud, comme on pouvait s’y attendre, a rejeté la frontière de 1905 proposée pour l’Abyei.



“Ils (NCP) veulent mettre en oeuvre le protocole d’Abyei moins les zones qui ont du pétrole parce qu’ils veulent forer le pétrole du Sud Soudan,” a indiqué Riek Machar, le vice président du gouvernement du Sud Soudan, GdSS.



Pagan Amum, le secrétaire général du parti dominant dans le Sud, le Mouvement de libération du peuple du Soudan, MPLS, a indiqué à l’IWPR que le président du sud Salva Kiir et al-Bashir avaient récemment réglé leurs différents, excepté en ce qui concerne la région contestée d’Abyei.



“Nous avons beaucoup atteint …nous avons résolu tous les problèmes en suspens qui causaient les tensions, à l’exception d’Abyei,” a indiqué Amum.



Dans un geste de coopération, le MPLS a accepté de fournir des fonds pour la démarcation de la frontière et un l’obtention d’un consensus national, comme l’a indiqué Amum, ce qui ouvrira la voie à des élections nationales en 2009 et à un référendum sur l’indépendance éventuelle du Sud en 2011.



En plus d’Abyei, le partage des revenus provenant du pétrole a été une question controversée depuis la signature de l’accord de paix. Le Sud prétend que plus d’un milliard de dollars lui reviennent.



“Nous sommes également tombés d’accord pour mettre en place un système absolument transparent dans la gestion du secteur pétrolier,” a indiqué Amum, mais cela n’a pas encore donné lieu à un flot de revenus régulier en direction du Sud.



Début novembre de cette année, le MPLS et le gouvernement de Khartoum sont tombés d’accord pour retirer leurs forces de la région d’Abyei et lui permettre d’être contrôlée par une force militaire conjointe, un geste qui pourrait apaiser les tensions de manière significative.



Les deux parties devraient compléter le retrait, d’ici le 8 janvier, un jour avant le troisième anniversaire de la signature de l’accord de paix de 2005, mais elles ont été très lentes à le faire.



Cependant, afin de sortir de l’impasse au sujet de la région de l’Abyei, certains responsables soudanais ont indiqué qu’ils pourraient accepter la médiation internationale.



En novembre, la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, aurait suggéré à Kiir lors de sa visite à Washington que la Chine, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis proposent une solution face à l’impasse représentée par l’Abyei.



“Si toutes les tentatives de régler la crise de l’Abyei sur le plan politique ou au travers de mécanismes internes échouent, alors nous n’aurons aucun problème à recourir à la médiation internationale,” a indiqué le Dr Mutrif Siddiq Ali, le sous-secrétaire du ministère soudanais des affaires étrangères au journal Al-Sharq Al-Awsat basé à Londres



Le retour à la guerre au sujet de l’Abyei n’est pas une option, a-t-il dit.



Cependant, malgré ces assurances, le différend frontalier fait rage et la situation sécuritaire de l’Abyei reste instable.



Peter Eichstaedt est le rédacteur Afrique à l’IWPR et Hamid Taban est un collaborateur de l’IWPR.

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