UNE ATTAQUE 'IMPRUDENTE' PRÉVUE CONTRE L'ARS

Craintes au sujet d’un raid sur la base de l’armée rebelle en RDC qui pourrait déclencher une nouvelle guerre dans le nord de l’Ouganda.

UNE ATTAQUE 'IMPRUDENTE' PRÉVUE CONTRE L'ARS

Craintes au sujet d’un raid sur la base de l’armée rebelle en RDC qui pourrait déclencher une nouvelle guerre dans le nord de l’Ouganda.

Thursday, 24 January, 2008
Une attaque militaire prévue contre la base de l’Armée de résistance du Seigneur, ARS, en République démocratique du Congo pourrait conduire à un nouvel éclatement de la guerre, selon des hommes politiques de l’opposition.



Les plans d’une attaque visant le chef de l’ARS Joseph Kony et ses combattants ont en premier lieu fait surface après que Kinshasa et Kampala eurent signé un accord visant à expulser les rebelles hors du Parc de Garamba, en RDC si un accord de paix n’était pas signé avant le 31 janvier.



Le président ougandais Yoweri Museveni et son homologue de RDC Joseph Kabila ont signé en septembre derier à Arusha, Tanzanie, cet accord prévoyant un plan pour l’attaque.



Leur proposition semble provenir d’une certaine frustration par rapport aux pourparlers de paix entre l’ARS et les autorités ougandaises qui avaient lieu à Juba, la capitale du Sud Soudan, mais avaient été suspendus en novembre de l’année dernière.



L’ARS a été basée au Garamba depuis qu’elle a quitté ses anciennes bases du Sud Soudan en 2004. Depuis juillet 2006, Kony a coordonné une équipe de négociateurs de paix à Juba.



Kony et ses principaux commandants ont échappé aux mandats d’arrêt délivrés en 2005 par la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye. Ils sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, qui auraient pour la plupart été commis en 2003 et 2004.



Selon certains rapports, le second de commandement de l’ARS, Vincent Otti aurait été exécuté par des officiers membres de l’ARS au domicile de Kony en octobre 2007.



L’attaque prévue, qui devrait apparemment être menée par les forces congolaises et celles des Nations Unies, a provoqué de vives critiques des chefs et des parlementaires dans le nord de l’Ouganda ravagé par la guerre.



Morris Ogenga Latigo, leader de l’opposition politique en Ouganda, a indiqué à l’IWPR que le plan visant à frapper Kony était “totalement déraisonnable et d’une grande imprudence”.



Plutôt que d’accélérer le processus de paix, il pourrait avoir l’effet inverse a-t-il indiqué.



Selon Latigo, il y aurait des rapports faisant état de certains membres de l’ARS ayant déjà fui la base.



“Il y a une rumeur selon laquelle il y aurait déjà des éléments de l’ARS dans le district de Pader, au nord de l’Ouganda,” a-t-il déclaré. “Les gens qui sont partis chasser à Palabek dans le district de Kitgum se sont retrouvés face à l’ARS, mais [les rebelles] ne leur ont pas fait de mal.”



Des critiques à l’encontre de l’attaque prévue l’ont comparée à l’opération Iron Fist - l’offensive menée par les forces armées de l’Ouganda, UPDF, en 2002, contre le camps de l’ARS dans le Sud Soudan. A l’époque, nombreux furent ceux à affirmer que cette attaque n’avait fait qu’intensifier la guerre dans le nord de l’Ouganda, qui atteint son point culminant en 2004.



“Nous avons déconseillé le gouvernement de procéder ainsi, mais ils ne nous ont pas écoutés,” a indiqué Latigo. “Cette opération n’a fait qu’intensifier la révolte.”



Latigo, qui appartient à la tribu Acholi, vivant au nord du pays, émet des doutes quant au succès d’une attaque sur le quartier général des rebelles pour obtenir la capture de Kony.



Il a noté que le chef de l’ARS avait déjà réussi à échapper à la capture en Ouganda du nord et au Sud Soudan.

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“Cette partie de la RDC est totalement vierge de toute présence du gouvernement de Kabila. C’est une forêt dense et il n’y a pas d’infrastructures routières,” a-t-il dit.



“Ceux qui prévoient d’attaquer vont être vulnérables aux embuscades et ne seront pas en mesure de transporter de l’équipement militaire. “



“Si Kony ne peut être battu dans le nord de l’Ouganda, qu’en est-il de la vaste RDC?”



Reagan Okumu, membre parlementaire de l’Acholi du nord est également sceptique, et pense que les autorités devraient persévérer avec les pourparlers de paix.



"Comme une solution militaire n’a pu être atteinte depuis 21 ans, nous pensons que le processus de paix est la seule [chose] que nous devrions poursuivre," a-t-il dit.



Okumu pense qu’une attaque mettrait également en danger les enfants qui ont été enlevés par l’ARS.



“Ils vont être tués s’il y a une attaque militaire. En tant que chefs, nous demandons que Museveni et Kony retournent à la table des négociations à Juba."



Selon Okumu, de nombreuses personnes dans le nord craignent que l’attaque puisse "provoquer le lancement par Kony de nouvelles attaques en Ouganda du nord".



Bosco Otim, un Acholi vivant à Kampala, a exprimé des craintes qu’une attaque contre Kony puisse mettre complètement fin aux pourparlers de paix.



"Pourquoi ne pouvons nous pas nous servir du processus de paix de Juba jusqu’au bout?” a demandé Otim. “Nous avons souffert depuis de nombreuses années. Le gouvernement devrait donner une chance aux pourparlers de Juba - ou alors Kony reviendra faire des dégâts."



La paix qui s’est installée en Ouganda du nord depuis le début des pourparlers en juillet 2006 serait détruite, a-t-il dit, et la plupart des 1,8 millions de réfugiés internes devraient retourner dans les camps éparpillés dans le nord du pays.



Le porte-parole des UPDF, le capitaine Paddy Ankunda à indiqué à l’IWPR que le raid sur la base de Kony en RDC avait fait l’objet d’un accord entre les responsables militaires de l’Ouganda et du Congo le 4 janvier dernier, et que l’attaque allait avoir lieu le 31 janvier.



"Si Kony ne pars pas se réinstaller à Ri-Kwangba, alors une mission conjointe des forces de l’ONU et de la RDC l’attaquera," a confirmé Ankunda.



Bien que Kony ait donné son accord en 2006 de rassembler ses forces à Ri-Kwangba - le point de ralliement sur la frontière entre le Soudan et le Congo - l’ARS est aujourd’hui encore dans le parc de Garamba.



"Kony n’est pas un homme qui peut s’engager pour la paix en l’absence de toute pression," a indiqué Ankunda, qui s’est battu contre l’ARS en Ouganda du nord.



"Si nous n’exerçons pas de pression militaire, Kony restera simplement dans le Garamba," a indiqué Ankunda. "C’est pour cela qu’il a tué Vincent Otti. Otti s’était engagé pour un accord de paix."



Ankunda a écarté les craintes que sans élément de surprise, l’armée de RDC, qui a récemment enduré des défaites des mains d’autres milices du pays, ne serait pas à la hauteur des combattants endurcis de Kony.



"Kony n’a nulle part où aller," a indiqué Ankunda.



Alors que certaines forces de l’ARS avaient fait le trajet à pied vers la République Centrafricaine en 2007 - lors d’une action que certains transfuges rebelles ont décrit comme un élément du plan de fuite de Kony - ils étaient finalement revenus après plusieurs semaines.



Toute tentative de réessayer cela pourrait être bloquée par un accord récent entre Museveni et le président centrafricain François Bozizé.



Une source au sein des services de renseignement en Ouganda, qui prétend avoir infiltré les rangs de l’ARS, a indiqué à l’IWPR sous condition d’anonymat que Kony était à court d’options.



"Il n’a maintenant aucun autre choix que d’aller à Ri-Kwangba," a indiqué cette source, bien qu’elle n’ait pas expliqué pourquoi.



Le ministre des affaires étrangères ougandais Henry Okello Oryem, qui est également directeur adjoint de l’équipe ougandaise de négociation aux pourparlers de paix, a indiqué que le gouvernement restait engagé dans les négociations.



Mais une reprise des pourparlers et un éventuel accord de paix semblent de plus en plus improbables.



Emma Mutaizibwa est journaliste de l’IWPR à Kampala.
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