Un témoin parle de “terribles” scènes de bataille
Un ancien enfant soldat a pris la barre au procès de Lubanga pour relater les épreuves endurées.
Un témoin parle de “terribles” scènes de bataille
Un ancien enfant soldat a pris la barre au procès de Lubanga pour relater les épreuves endurées.
Le témoin anonyme est l’une des trois victimes participantes s’étant vu accorder la permission de comparaître en personne à la Cour pénale internationale, CPI, afin de venir relater leur expérience au procès de Thomas Lubanga.
“Ce jour là j’ai vu des gens mourir à côté de moi,” a déclaré le témoin, qui s’exprimait en français, bénéficiant de mesures de distorsion de la voix, son visage apparaissant flouté sur les écrans. “Ils tombaient comme des mouches. Même les amis avec qui nous étions, ils étaient morts. Les commandants mourraient aussi. C’était terrible. J’ai été touché au mollet droit... j’ai fait semblant d’être mort.”
Le procès Lubanga est le premier procès international auquel des victimes ont eu la possibilité de participer. Jusqu’à présent, 103 victimes ont reçu l’autorisation de participer à la procédure. Elles sont représentées par plusieurs avocats en salle d’audience.
La présentation des éléments de preuve de la Défense commencera seulement une fois que les trois victimes auront terminé leur témoignage. Le procès a repris la semaine dernière après avoir été interrompu pendant près de six mois. Les juges d’appels étudiaient une demande d’ajout de nouvelles charges à l’acte d’accusation de Lubanga, qu’ils rejetèrent finalement.
Lubanga, l’ancien président de l’Union des patriotes congolais, UPC, est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats pour les faire participer au conflit inter-ethnique dans la région de l’Ituri en République démocratique du Congo, RDC, en 2002 et 2003.
Le témoin a déclaré qu’il avait été touché par un tir alors qu’il se battait contre des milices rivales dans le village de Bogoro, en Ituri, en 2003, bien qu’il ne puisse pas se rappeler de la date précise.
Cependant, rien ne permet d’affirmer que le témoin faisait référence à un incident survenu le 24 février 2003, au cours duquel des groupes de milice auraient réduit une grande partie de Bogoro en cendres et massacré près de 200 personnes.
Le massacre de Bogoro fait l’objet d’un procès séparé devant la CPI, dans le cadre duquel les anciens chefs de milice Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo sont inculpés pour avoir planifié l’attaque. Leur procès avait commencé en novembre et devrait reprendre le 26 janvier.
“C’était terrible à Bogoro,” a déclaré le témoin, qui a ajouté que les commandants de l’UPC avaient donné du cannabis aux enfants soldats ainsi qu’un certain liquide à prendre avant la bataille. Grâce à cela, les soldats “n’avaient pas peur de l’ennemi” lorsque les combats commençaient, a-t-il expliqué.
Le témoin a déclaré qu’il avait été forcé à rejoindre l’UPC après avoir été enlevé par des soldats qui avaient menacé de le tuer s’il ne venait pas avec eux.
Il a raconté qu’après avoir été emmené dans un camp d’entraînement militaire, les recrues étaient systématiquement fouettées et forcées à manger de la nourriture cuisinée avec du sable à la place du sel. Cela lui avait causé de graves problèmes digestifs pour lesquels il n’avait pas reçu de soins.
Il a également décrit ce qui arrivait aux jeunes recrues qui essayaient de s’enfuir ou violaient d’autres règles du camp. D’abord, a-t-il expliqué, la personne recevait l’ordre de se tenir debout contre un arbre pendant que les soldats se mettaient en ligne à quelques mètres de là.
“[Les soldats] lui tiraient dessus…et ils continuaient à tirer jusqu’à ce que le corps se soit désintégré en petits morceaux,” a-t-il dit.
Plus tôt dans la semaine, une autre victime participante – un professeur – avait parlé à la Cour de ce jour de février 2003 où les soldats de l’UPC étaient venus dans son école et avaient essayé de forcer les élèves à s’engager.
“Ils étaient mineurs, de petits enfants,” a déclaré le témoin, s’exprimant aussi de manière anonyme, bénéficiant de mesures de distorsion de la voix, son visage apparaissant flouté sur les écrans.
Le témoin a raconté qu’il avait plaidé la cause de l’enfant auprès des soldats mais ceux-ci avaient alors réclamé 500 dollars US en échange. Quand il avait expliqué qu’il n’y avait pas d’argent pour les payer, les soldats avaient perdu patience.
“Ils ont pensé que je devenais un obstacle... [alors] ils m’ont frappé avec la crosse d’une arme,” a déclaré le témoin. “Puis ils sont partis avec l’enfant.”
Il a expliqué que les blessures qu’il avait endurées lui causaient encore des problèmes de concentration.
“Parfois j’ai des moments d’absence,” a-t-il dit.
Plus tard, un avocat des victimes, Joseph Keta, a demandé pourquoi le témoin avait choisi de participer au procès.
“C’est l’occasion pour nous de dire au monde ce qui s’est passé dans le territoire de Mahagi [en RDC] et de réclamer des réparations si possible,” a répondu le témoin.
Cette semaine, les deux témoins ont comparu en grande partie à huis clos. Le juge président Adrian Fulford a souligné qu’il s’agissait d’une mesure nécessaire pour protéger leur identité.
La troisième victime participante devrait terminer son témoignage la semaine prochaine.
Rachel Irwin est reporter de l’IWPR à La Haye.