Un témoin: le viol, un acte courant au sein des milices

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 219, 26-June-09)

Un témoin: le viol, un acte courant au sein des milices

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 219, 26-June-09)

Tuesday, 25 August, 2009
Les jeunes femmes recrues étaient fréquemment violées par les commandants au sein de la milice de Thomas Lubanga, comme l’a expliqué un ancien soldat de l’Union des patriotes congolais, UPC, devant la Cour cette semaine.



“Je voyais des femmes être prises par la force,” a déclaré le témoin, qui entraînait des jeunes recrues au centre de Mandro, à quelques 20 kilomètres de la ville de Bunia en Ituri. “C’est ce que j’ai vu.”



Nombre de ces femmes étaient des jeunes filles qui tombaient ensuite enceintes de leurs commandants, a déclaré le témoin.



“Les filles étaient prises par [les commandants] et tombaient enceintes, puis elles devaient quitter le camp et [revenir] au village,” a déclaré le témoin, qui parlait en Swahili, son visage et sa voix étant camouflés.



Lubanga est accusé du recrutement, de la conscription, et de l’utilisation d’enfants soldats, définis comme combattants de moins de quinze ans, dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans la région de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003.



Le témoin fait partie des nombreux témoins à avoir parlé du viol des jeunes femmes recrues. Les filles, a-t-il dit, n’avaient pas d’autre choix que de se soumettre aux commandants.



“Il fallait obéir aux ordres que vous le vouliez ou non,” a expliqué le témoin. “Les recrues n’étaient pas considérées comme des êtres humains, alors si quelqu’un – une fille – était prise par un commandant …cela devait être accepté.”



Certaines des filles enceintes étaient âgées d’à peine 14 ou 15 ans, a estimé le témoin.



Il a aussi relaté avoir vu des enfants de cet age, garçons et filles, participer aux combats pour la prise de Mongbwalu, une ville du nord de l’Ituri connue pour ses mines d’or.



“Savez vous si les enfants utilisaient leurs armes?” a demandé le procureur Manoj Sachdeva.



“Quand vous participez à une bataille, vous devez vous battre,” a répondu le témoin. “[Les enfants] utilisaient des armes.”



L’UPC n’avait pas gagné cette bataille initiale à Mongbwalu, a déclaré le témoin. Le témoin a expliqué qu’après que la milice soit revenue à ses quartiers généraux de Bunia, il avait surpris des officiels de haut rang, y compris Lubanga, en train de discuter d’une deuxième attaque sur la ville.



“Que disait Thomas à la réunion?” a demandé Sachdeva.



“Tout ce qu’il faisaient, c’était de répéter le nom de Mongbwalu,” a répondu le témoin, qui a ajouté qu’il avait reçu l’instruction de monter la garde en dehors de la pièce où la réunion avait eu lieu.



Deux jours plus tard, a expliqué le témoin, l’UPC était revenue à Mongbwalu pour reprendre le combat. La milice avait eu du succès cette fois-là, a-t-il dit, et les soldats avaient pillé la zone pendant toute une semaine après cela.



Au cours du contre-interrogatoire, les avocats de la défense ont interrogé le témoin sur la raison de savoir pourquoi il avait à plusieurs reprises caché son arme après avoir quitté l’UPC.



“Si vous étiez pris avec votre arme, ils vous la prenaient et vous étiez arrêté,” a expliqué le témoin à Marc Desalliers, un des avocats de Lubanga.



Le témoin n’a pas expliqué en session ouverte comment ou pourquoi il avait quitté l’UPC. Mais après avoir quitté la milice, il avait décidé d’enterrer son arme et de se débarrasser de son uniforme.



“J’ai mis [l’uniforme] dans un sac en plastique et puis je l’ai jeté [dans une rivière],” a indiqué le témoin.



Poussé, à s’expliquer sur la raison de savoir pourquoi il n’avait pas aussi jeté son arme, le témoin a répondu qu’une arme était “un objet précieux qui doit être conservé.”



“Votre arme est restée enterrée pendant deux ans, est-ce correct?” a demandé Desalliers.



“Oui, parce que quand je me déplaçais, je prenais mon arme avec moi,” a déclaré le témoin. “Je l’enveloppais et je la cachais dans le sol.”



Le témoin a expliqué qu’il avait fini par échanger son arme pour de l’argent et des vêtements, apparemment auprès d’une organisation non gouvernementale dans la région de l’Ituri.



Entre-temps, la cour a appris cette semaine qu’un précédent témoin, qui avait fourni une fausse déclaration aux Procureurs, pourrait revenir.



Catherine Mabille, avocate principal de Lubanga, a indiqué aux juges qu’une nouvelle déposition avait été obtenue du témoin 15, et qu’il pouvait être à la disposition de la Cour à partir de mardi prochain.



Rien ne permet de dire pour l’instant si l’Accusation va rappeler le témoin 15 à la barre.



Interrompant le procès par surprise cette semaine, Lubanga s’est levé en audience pour se plaindre au sujet d’une personne assise dans la galerie du public.



“J’ai des difficultés avec le comportement de quelqu’un dans le public et j’ai l’impression qu’il veut faire un dessin de moi,” a expliqué Lubanga au juge président Adrian Fulford. “Il m’a été impossible de me concentrer depuis le début.”



“Je vois bien que cela vous dérange beaucoup,” a déclaré Fulford, qui a ensuite ordonné que cette personne dans la galerie cesse immédiatement ce qu’elle était en train de faire.



Rachel Irwin est reporter de l’IWPR à La Haye. Ses mises à jour quotidiennes sur le procès Lubanga sont disponibles sur le site www.lubangatrial.org
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