Un témoin avoue avoir menti

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 218, 18-June-09)

Un témoin avoue avoir menti

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 218, 18-June-09)

Friday, 19 June, 2009
Un témoin protégé qui devait témoigner cette semaine contre le chef de milice congolais accusé Thomas Lubanga a indiqué aux juges qu’il avait donné un faux nom et des fausses informations aux enquêteurs.



Ce témoin est le deuxième témoin à charge à revenir sur son témoignage dans le procès Lubanga. Le premier avait finalement témoigné, et le deuxième devrait faire de même.



“Juste après que [le témoin] ait été appelé pour donner des preuves, il a indiqué qu’il avait fourni au BdP [Bureau du Procureur] un faux nom et que la déclaration qu’il avait faite était, en grande partie, inexacte,” a déclaré le juge président Adrian Fulford.



Bien que le témoin, identifié par le nombre 15, ait fait cette déclaration à huis clos, Fulford a lu une partie des comptes-rendus de session à voix haute en session ouverte, indiquant qu’il voulait que le public sache ce qui s’était passé.



“Donc votre déclaration au BdP est en grande partie inexacte?” a lu Fulford, se citant dans les comptes-rendus.



“C’est ça,” avait répondu le témoin, selon les comptes-rendus. “C’est une fausse déclaration.”



Lubanga est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats, définis comme combattants de moins de 15 ans, dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans la région de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC) de 2002 à 2003.



Fulford a indiqué qu’une nouvelle déclaration serait obtenue du témoin 15 “énonçant qu’il dit la vérité.”



Une personne du Bureau du Procureur qui ne travaille pas sur l’affaire Lubanga prendra sa déposition en dehors de la salle d’audience, a déclaré Fulford.



Le Procureur Nicole Samson a suggéré que la nouvelle déposition du témoin soit enregistrée pour les archives audio et vidéo. Un membre de l’équipe de défense sera également présent, a-t-elle dit, qui a accepté de ne pas poser de questions.



La Cour a déclaré qu’elle ne pouvait pas prédire ce que le témoin allait dire. “Nous n’avons aucune idée de ce que [le] résultat va être,” a déclaré Fulford. “Mais on peut envisager un résultat où la défense pourrait vouloir appeler ce témoin elle-même.”



Avant de lever la séance pour la journée, Fulford a indiqué que le témoin 15 devrait être conseillé sur la question de l’auto-incrimination et qu’il devrait obtenir accès à un avocat.



“Les conseils donnés au témoin…devraient inclure un avertissement contre le fait de donner un faux témoignage,” a-t-il ajouté.



Le premier cas de témoignage rétracté dans le procès Lubanga avait eu lieu le 28 janvier, à peine deux jours après le début du procès, lorsque le témoin principal de l’Accusation avait déclaré au Procureur adjoint Fatou Bensouda qu’il avait menti au cours de son témoignage et qu’il avait reçu des instructions sur ce qu’il devait dire.



Ce témoin, un ancien enfant soldat connu sous le nom de Dieumerci, était finalement retourné devant la Cour pour parler de son expérience en tant qu’enfant soldat dans la milice de Lubanga.



Les raisons évoquées au départ pour ces inventions portaient sur des craintes de voir Lubanga à l’audience et la confusion sur le fait de savoir si oui ou non il pouvait être poursuivi en RDC à son retour sur place.



“Beaucoup de choses me sont passées par la tête [ce jour là],” a expliqué Dieumerci à la Cour le 10 février. “Je me suis mis en colère et je n’étais pas en mesure [de témoigner].”



Cette semaine, les Procureurs ont assuré aux juges que le témoin 15 ferait sa deuxième déclaration dès que possible. Il comparaîtra probablement en audience la semaine prochaine.



D’autre part, un témoin expert a passé deux jours cette semaine à apporter un contexte sur l’histoire de la RDC.



Roberto Garreton, un avocat chilien et ancien envoyé spécial des Nations Unies sur les droits de l’Homme en RDC, a indiqué à la Cour que les milices dans la région de l’Ituri avaient souvent fait des déclarations contradictoires sur l’utilisation d’enfants soldats.



“[Les chefs de milice] disaient, ‘Nous n’utilisons pas d’enfants soldats, mais ils sont utiles parce que …’ — c’était souvent contradictoire,” a-t-il expliqué.



Les enfants étaient largement utilisés comme soldats, a-t-iI dit, en dépit de la condamnation de cette pratique par les groupes internationaux de défense des droits de l’Homme.



Interrogé par le Procureur Nicole Samson sur le fait de savoir si les gens dans la région de l’Ituri étaient conscients du fait que la communauté internationale avait condamné l’utilisation d’enfants soldats, Garreton a dit, “Le public n’avait pas accès à cette information. Cette guerre, comme toute autre guerre, n’a pas été menée dans une démocratie.”



Seules les élites éduquées de Kinshasa, a-t-il dit, avaient accès aux informations et opinions internationales qui s’opposaient à l’utilisation d’enfants soldats.



A une occasion, alors qu’il était en RDC au début des années 2000, il avait vu des enfants armés à l’aéroport de Bunia et avait estimé qu’ils étaient âgés de neuf à 12 ans, a-t-il dit.



Garreton a expliqué que quelques jours plus tard, il était allé chez Jean-Pierre Bemba, le chef du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) qui attend actuellement son procès à la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.



Garreton avait dit à Bemba qu’il avait vu des enfants soldats à Bunia. Bemba avait apparemment répondu que “ici il y a des ethnies où les gens sont très petits,” impliquant que les soldats qu’il avait vu n’étaient en fait pas des enfants.



La violence qui fit rage en RDC eut souvent des effets secondaires, selon Garreton comme pour cette femme qu’il avait rencontrée et dont le mari était parti après qu’elle ait perdu une jambe dans une attaque.



“Elle n’était plus une femme pour lui,” a-t-il dit.



Garreton a expliqué que les civils étaient les plus affectés par l’extrême violence qui avait englouti le pays.



“Dans la folie absolue de ces guerres, les gens tués … étaient les femmes, les enfants et les personnes âgées,” a-t-il dit. “Une balle atterri là où elle atterri.”



Rachel Irwin est reporter de l’IWPR à La Haye. Ses mises à jour quotidiennes sur le procès Lubanga sont disponibles sur le site www.lubangatrial.org
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