Un procès important renforce la confiance dans la justice congolaise

La condamnation pour meurtre du fils d’une personnalité politique de haut rang a rétabli une certaine confiance dans un système de justice sujet à la corruption et à l’ingérence politique.

Un procès important renforce la confiance dans la justice congolaise

La condamnation pour meurtre du fils d’une personnalité politique de haut rang a rétabli une certaine confiance dans un système de justice sujet à la corruption et à l’ingérence politique.

Le matin du 4 janvier, les habitants de Lubumbashi se réveillent apprenant que les choses ne vont pas très bien dans la ville.

Quelques jeunes avaient passé la nuit ensemble en discothèque. Parmi eux se trouvait Ali Mohammed, le fils d’une femme politique connue de la ville, et son ami, Tony Grigorakis.

En rentrant de boite aux premières heures du matin, Mohammed avait tiré sur son ami, provoquant sa mort. Il avait été immédiatement arrêté et traduit devant un tribunal militaire.

Au cours du procès qui s’était ensuivit, les juges s’étaient entendu expliquer les raisons du meurtre. Grigorakis avait été tué suite à une dispute sur la manière de répartir l’argent gagné par la vente de minerai. Grigorakis était le directeur des opérations d’une compagnie minière travaillant à Kolwezi, à quelques 320 kilomètres au nord-ouest de Lubumbashi.

Ceux qui avaient assisté à son arrestation, et suivit le procès de près, ne croyaient pas qu’il puisse être reconnu coupable – le reflet du manque de confiance des gens dans le système de justice congolais.

En tant que fils de Thérèse Maloba Ngoy, directrice provinciale de l’institut de sécurité national, de nombreuses personnes pensaient que Mohammed serait à l’abri de la loi.

Mais, le 5 février, juste un mois après son arrestation, Mohammed fut reconnu coupable du meurtre et condamné à mort - mais, étant donné le moratoire sur les exécutions qui existe dans le pays, pour le moment, il est peu probable qu’il soit exécuté.

Le procès, largement rediffusé à la radio et sur les chaînes de télévisions, a captivé la population de Lubumbashi.

Pendant que les audiences avaient lieu, l’activité économique était paralysée, personne ne voulant rater une minute du procès. Les avenues étaient désertes, mis à part les quelques personnes qui marchaient la radio collée à l’oreille pour pouvoir suivre le procès.

La pièce où le procès avait lieu était bondée, des milliers de gens voulant y assister.

Dany Kilangu, qui fait partie de ceux qui ont suivi de près le procès, jubilait à l’annoncée du verdict.

“Nous voulions assister au procès pour voir s’il allait se dérouler normalement,” a-t-il expliqué. “Ce n’est pas tous les jours que le fils d’une personnalité haut placée est arrêté. Je pense que c’est la première fois que je vois le fils d’une riche famille jugé en public. Cette fois-ci, nous avons confiance en notre système de justice et nous pensons qu’une nouvelle ère s’ouvre dans notre pays.”

Ces impressions sont partagées par Nadine Kilongozi, également originaire de Lubumbashi.

“Aujourd’hui, nous pouvons dire que les tribunaux congolais ne sont pas là que pour les pauvres,” a-t-elle dit. “Nos magistrats ont prouvé que, s’ils le veulent, ils peuvent travailler sans être corrompus. Étant donné la manière dont s’est déroulé le procès, j’encourage les magistrats à continuer sur cette lancée, que les coupables soient jugés selon la rigueur de la loi.”

Suite à ce jugement, le président du tribunal militaire de Lubumbashi, le Major Gabriel Shungu Yuma, a déclaré que le pays était maintenant dans une période de “tolérance zéro”.

“Ce principe ne concerne pas seulement les gens pauvres, mais toute la population de la RDC, quelle que soit son statut social,” a-t-il dit. “Nous sommes là pour rendre une justice équitable. Nous n’avons pas d’intérêt à acquitter ceux qui commettent des crimes. L’accusé a été jugé par un tribunal militaire parce qu’il avait utilisé une arme de guerre pour tuer. Tout le monde a vu comment le procès avait été mené ; il n’y a pas grand’chose d’autre à dire.”

La famille Grigorakis a également exprimé sa satisfaction quant à l’issue du procès.

Leur avocat, Dominique Lutumba, a déclaré, “Nous sommes satisfait du verdict de ce tribunal. Nous avions réclamé la peine de mort, et c’est cette sentence qui a été rendue. On peut dire aujourd’hui que la justice existe vraiment dans notre pays.”

Cependant, les avocats de Mohammed, indiquent qu’ils vont faire appel du jugement devant la Cour suprême de justice à Kinshasa. Ils affirment que l’accusé aurait du être jugé par un tribunal civil plutôt qu’un tribunal militaire, étant donné qu’il n’est pas soldat.

Le caractère important de l’affaire a aussi ravivé le débat sur la peine de mort, de nombreuses voix appelant à ce que Mohammed soit exécuté publiquement.

“Nous souhaitons que la peine de mort soit mise en oeuvre contre [Mohammed] étant donné que notre pays ne l’a toujours pas abolie, a déclaré Thomas Monga, un habitant de Lubumbashi. “Il a tué et nous voulons qu’il soit tué en public pour dissuader d’autres criminels.”

Un autre habitant, Joël Ntumba, a ajouté, “Ce verdict est le bienvenu, mais s’il est envoyé en prison nous ne savons pas s’il y restera pour toujours parce qu’il pourrait s’échapper. Puisqu’il a été condamné à la peine de mort, pourquoi ne pas simplement l’exécuter?”

Mais l’avocat Vincent Mavungu a indiqué qu’il est peu probable que Mohammed soit exécuté.

“Bien que la peine de mort n’ait pas encore été abolie [des textes de lois] en RDC, elle n’est pas appliquée pour le moment,” a-t-il dit. “Tous ceux qui sont condamnés à cette peine finissent en prison. Ils ne sont pas exécutés. La population devrait se calmer parce que son souhait ne va pas se réaliser ou ne pourra pas être mis en oeuvre.”

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