Sombre avenir pour les enfants nés de viol

Souvent rejetés par leur famille et par la société, ils finissent par se débrouiller seuls dans la rue.

Sombre avenir pour les enfants nés de viol

Souvent rejetés par leur famille et par la société, ils finissent par se débrouiller seuls dans la rue.

Wednesday, 6 January, 2010
Mwinja n’a connu que le rejet au cours des sept années de sa vie.



Sa mère Julienne est tombée enceinte après avoir été violée par des soldats qui l’avaient retenue prisonnière dans la brousse pendant 14 jours. Elle a encore des difficultés à accepter sa fille et l’utilise souvent comme bouc émissaire lorsque les choses vont mal.



“Je suis malheureuse à cause de cet enfant,” explique Julienne “je pourrais volontiers la donner à un bienfaiteur éventuel afin d'oublier le malheur qui m'a frappé.”



Et la vie de Mwinja n’est pas meilleure en dehors de sa maison ; comme à l’école où elle est souvent stigmatisée par ses camarades de classe. “Quel péché ai-je commis et jusqu’à quand demeurerais-je une victime innocente?” interroge la petite fille.



La violence sexuelle est une épidémie dans l’est de la République démocratique du Congo, RDC, où des groupes armés continuent de se battre contre l’armée, les civils étant pris au milieu. Les enfants conçus lors de viols sont souvent considérés comme une malédiction par leurs familles et leurs communautés, et font face à un futur marqué par la honte et le rejet.



Les cas de viol ayant récemment grimpé à l’est, Human Rights Watch, HRW, accuse la campagne de l’armée congolaise contre les rebelles rwandais hutus, qui a été soutenue par les Nations Unies.



Les rapports de HRW selon lesquels plus de 7 500 cas de violence sexuelle contre les femmes et les filles ont été enregistrés dans les centres de santé à travers le Nord et le Sud Kivu dans les neufs premiers mois de 2009. Cela représente pratiquement le double des chiffres de 2008 mais constitue seulement une fraction du total étant donné que la plupart des viols ne sont pas recensés.



HRW a déclaré que la majorité des cas étaient des viols en réunion, et que certains étaient si violents qu’ils entraînaient la mort de la victime. Nombre d’entre elles sont retenues comme esclaves sexuelles par l’armée des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, FDLR, pendant des semaines ou des mois. Un des cas les plus récents documentés par HRW faisait état d’une attaque contre une petite fille âgée de neuf ans par des soldats des FDLR. Après avoir violé sa mère, et introduisirent ensuite un bâton dans son vagin, provoquant sa mort. La petite fille fut violée lorsqu’elle poussa des cris.



Les femmes congolaises qui ont été sexuellement agressées sont souvent rejetées par leurs maris et leurs familles. Si on accepte qu’elles reviennent chez elles, l’enfant né d’un viol est rarement accueilli.



Une mère de quatre enfants, tombée enceinte après avoir été violée, a déclaré que son fils avait été rejeté et humilié par son mari. La femme, qui a demandé à rester anonyme, avait peur de prendre position en faveur de son enfant. Il ne va pas à l’école et est promis à un avenir sombre.



Les enfants comme lui se retrouvent souvent dans la rue où ils rejoignent des groupes d’enfants sans domicile appelés “maibobo” et recourent à la mendicité ou au vol pour survivre.



Nyombé, âgée de neuf ans, est l’un de ces enfants et indique qu’elle n’a nulle part ailleurs où aller. “Je n’ai ni père ni mère. Ma mère a disparu,” explique-t-elle.



La présence de ces enfants provoque des tensions au sein de la communauté, et certains sont visés par la police et les forces de sécurité.



“Pour nous, il y a peu de différence entre la vie et la mort,” a déclaré un enfant des rues.



Sur place, les habitants ont peu de compassion. “Nous mènerons la lutte jusqu'au bout pour que ces enfants quittent le milieu et que notre population vive en paix,” a déclaré l’un d’eux. “Ce groupe sans avenir ne doit pas nuire à l'avenir de tout le monde.”



Dans le quartier Mabanga de Goma, les commerçants ont incendié un abri de fortune dans le coin du marché, utilisé par un groupe de maibobo, y compris deux jeunes enfants nés de viols.



Ces femmes tombées enceintes après avoir été victimes d’abus sexuels ne peuvent pas compter sur l’État si elles veulent avorter. L’avortement est illégal en RDC, même dans les cas d’inceste, et il peut seulement être pratiqué pour sauver la vie de la femme.



Bien que les autorités congolaises et de vastes pans de la société de la société fassent peu d’efforts pour aider les enfants nés de viol, il existe certains groupes qui essayent de les aider.



Après avoir été rejetée par son mari, la mère de Mwinja, Julienne a trouvé le chemin de l’ONG Synergie, qui aide à prendre en charge les victimes de viol. Synergie s’occupe désormais de Mwinja et a donné à Julienne un petit crédit pour l’aider à monter sa propre affaire.



Le mandat de l’ONG est de soutenir les victimes de viols de diverses manières, y compris par des conseils et des soins prénataux. Synergie prend également en charge les coûts de la scolarisation. Pour les femmes, des cours de formation à la couture, au tissage ou à la peinture leur donnent les compétences qui leur permettent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.



“Nous soutenons les femmes qui ont été victimes de viol, pour le bien-être de leurs enfants,” a déclaré Florence Masika de Synergie.



Nsimire Sara est un reporter formé par l’IWPR à Goma.



Cet article fait partie d’une série de rapports produits par des journalistes ayant assisté au récent cours de journalisme international de l’IWPR Netherlands à Goma.
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