Sinistre avenir pour les orphelins de guerre

Avec la fermeture des camps de réfugiés et des abris de nuit, ils sont livrés à eux-mêmes.

Sinistre avenir pour les orphelins de guerre

Avec la fermeture des camps de réfugiés et des abris de nuit, ils sont livrés à eux-mêmes.

Même si l’optimisme est aujourd’hui de rigueur en Ouganda du Nord après plus d’une année de paix relative, l’avenir s’annonce sombre pour des centaines d’orphelins de guerre.



Alors que la confiance dans le processus de paix augmente, les camps de réfugiés du nord du pays sont en train d’être démantelés, ce qui signifie que des dizaines de milliers d’Ougandais déplacés sont aujourd’hui capables de retourner chez eux.



Des orphelins qui vivent toujours dans des camps de réfugiés, où ils luttent souvent pour s’en sortir sont inquiets de savoir ce qui va leur arriver lorsqu’ils quitteront finalement ces lieux.



Scovia Akello, 16 ans, assise devant sa hutte délabrée au camp de réfugiés de Koch Goma à Amuru, a déclaré qu’elle était inquiète de savoir ce qu’elle allait pouvoir donner à manger à ses frères et soeurs.



« Ma mère a été tuée il y a trois ans alors qu’elle était partie pour [chercher à manger] », se rappelle Akello. « Elle était sourde alors elle n’a pas pu entendre les tirs quand les gens se sont enfuis pour sauver leurs vies. Mon père est aussi décédé cette année alors je suis la seule personne ‘mûre’ dans cette maison ».



« Il n’y a pas de nourriture et je n’ai pas d’argent. Je ne sais pas ce que nous allons manger aujourd’hui. J’ai quatre sœurs, et les voir affamées [joue] encore plus sur mes nerfs ».



Akello ne sait pas où elle et ses soeurs iront une fois que le camp où elles vivent fermera finalement ses portes. Elle ne sait pas grand’ chose sur son village natal ou sur ses proches.



« Ma mère nous a dit un jour que notre village est à Olwiyo, mais je ne sais pas où est le village. Je ne connaît personne là-bas, et je ne sais même pas où notre maison était située », a indiqué Akello.



A côté de sa hutte, Everlyn Apiyo âgée de 14 ans surveille ses trois plus jeunes soeurs.



« Nous ne pouvons pas aller à l’école parce que nous n’avons pas d’argent pour les livres, mais l’enseignement primaire gratuit existe », explique Apiyo, alors que ses yeux se remplissent de larmes.



Comme Akello, Apiyo ne connaît pas non plus son village d’origine. « Mon père a été enlevé par les rebelles en 2003 », a-t-elle indiqué. « Ma mère est morte du sida cette année ».



Au plus fort de l’insurrection, près de 30 000 enfants, connus comme « les migrants de la nuit », quittaient leur village chaque jour pour rejoindre des abris dans des villes en raison de leur crainte d’être enlevés lors de raids nocturnes menés par l’Armée de résistance du seigneur, ARS.



Les abris pour les migrants de la nuit – 21 dans la seule zone de Gulu – fonctionnaient comme des foyers pour de nombreux orphelins, mais à la suite de la diminution des attaques et de l’amélioration de la situation sécuritaire, les centres ont fermé, ne leur laissant nulle part où aller.



Denis Olanya, 11 ans, se réfugiait auparavant dans l’un de ces abris, et il dépend aujourd’hui d’une proche, dont il affirme qu’elle le maltraite.



« Ma mère est morte du virus Ebola en 2000. Mon père était soldat, il est mort suite à une dispute d’argent. Nous étions trois enfants, mais deux sont morts de la rougeole. Je suis tout seul maintenant », a indiqué Olanya.



Olanya passe ses journées dans les rues avec d’autres garçons ramassant des bouteilles en plastique à Gulu et dans les environs.



« Certain des plus grands nous maltraitent la nuit », a-t-il dit. « Les voleurs nous attaquent aussi. Ils nous fouillent la nuit, nous font les poches, et prennent le peu d’argent que nous avons réussi à récolter ».



« Je dors sous la véranda avec mes amis parce que ma tante me maltraite à la maison. Si je ne ramène pas d’argent, je n’ai rien à manger. Même quand je ramène de l’argent, je reçois seulement de la nourriture, mais pas de draps ».



De nombreuses filles orphelines dont les camps de réfugiés et les abris de nuit ont été fermés atterrissent dans des villes ont-elles se livrent à la prostitution afin de survivre.



Un enquête d’août 2007 menée par le Ministère de la Santé et l’Organisation mondiale de la Santé dans les districts nord d’Apac, Gulu, Kitgum, Lira et Pader, a révélé que des filles aussi jeunes que 11 ans sont dans le commerce sexuel.



« Je préférerai mourir du sida, parce qu’avec le sexe au moins vous pouvez acheter des produits basiques comme du sel, du savon et des serviettes hygiéniques », comme a déclaré une jeune fille de 17 ans au journal New Vision à Lira.



D’autres ont déclaré qu’elles proposaient des relations sexuelles pour une somme aussi modique que 200 shillings ougandais (11 cents US).



La dépendance à la drogue chez les orphelins des rues est aussi un problème grandissant.



Il y a un mois, quelque 30 enfants des rues ont tout saccagé, jetant des pierres et des débris. Des responsables ont indiqué plus tard que les enfants étaient sous l’influence de drogues.



Immaculate Akello, un psychiatre à l’unité de santé mentale de Gulu, a indiqué à l’IWPR, « Quatre des enfants furent amenés ici et nous avons diagnostiqué qu’ils avaient pris du mirungi (une plante qui contient une certaine quantité de cocaïne) ».



Akello a indiqué que ces enfants développaient souvent des problèmes comportementaux et émotionnels qui se transformaient en maladie mentale s’ils n’étaient pas traités correctement.



« Les enfants … pourraient devenir des délinquants, des drogués, être déprimés et ne pas arriver à s’adapter à une vie normale », a-t-elle dit.



Des responsables municipaux de Gulu disent que près de 200 orphelins sont maintenant dans la rue et dans les camps de réfugiés de la zone. A l’inverse de ce qui se passe dans le nord, les perspectives de paix leur ont amené peu d’espoir pour l’avenir.



Caroline Ayugi est journaliste de l’IWPR en Ouganda.

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