Nouvelles preuves d'abus sexuel des prisonnières

D’anciens détenus ont expliqué comment le personnel de prison corrompu s’associe à l’exploitation sexuelle des détenues.

Nouvelles preuves d'abus sexuel des prisonnières

D’anciens détenus ont expliqué comment le personnel de prison corrompu s’associe à l’exploitation sexuelle des détenues.

Wednesday, 11 November, 2009
Un ancien détenu de la prison centrale de Kasapa à Lubumbashi a raconté que le viol et l’abus sexuel des femmes prisonnières étaient très répandus, ce qui a pour conséquence que de nombreuses femmes tombent enceintes et accouchent en prison.



Masudi Sangwa, qui a passé près de cinq ans à Kasapa pour détournement de fonds et agression, a expliqué que les détenus masculins payaient souvent les gardes de prison pour que ces derniers leur fournissent une femme détenue avec laquelle ils peuvent avoir des relations sexuelles. Les femmes n’ont souvent pas leur mot à dire dans l’histoire, selon lui.



Vers la fin de son séjour en prison, Masudi avait été fait chef de bloc, un rôle qui consistait à s’occuper des autres détenus et de leurs biens, et à aider les gardes à maintenir la discipline.



Sangwa a expliqué que cela lui avait donné une image de la vie en prison qui n’est normalement pas accessible aux autres prisonniers, et lui avait permis de voir comment la corruption et la mauvaise gestion des prisons jouent un rôle dans l’exploitation sexuelle des femmes prisonnières.



En tant que chef de bloc, Sangwa avait aussi la possibilité de rester à l’extérieur des bâtiments de la prison plus tard que les autres prisonniers, qui devaient être ramenés à leurs cellules avant 17h30.



“C’est pendant ces heures nocturnes que se passent beaucoup de choses à l’extérieur,” a-t-il dit. “Les chefs de blocs se rassemblent à partir de 19h00, avec les geôliers dans la salle d’attente de l’hôpital du centre pénitentiaire, transformée en boîte de nuit. L’alcool traditionnel “Lutuku“ est servi à loisir.”



Sangwa a déclaré que l’argent utilisé pour faire tourner la “boîte de nuit” était extorqué d’autres prisonniers, “cette collecte est en fait utilisée pour acheter de l’alcool à la base militaire [à côté de la] prison.”



Il a ajouté que ceux qui ne payaient pas risquaient de recevoir les corvées du lendemain, comme le nettoyage des toilettes.



Les relations sexuelles entre les prisonniers sont courantes lors de ces fameux rassemblements nocturnes, a déclaré Sangwa, de nombreuses femmes y étant soumises contre leur volonté.



“Si un prisonnier veut faire l’amour, il n’a qu’à donner de l’argent au chef de bloc en lui désignant la femme qu’il désire,” explique-t-il. ”A son tour, le chef de bloc contacte sa collègue du pavillon des femmes moyennant une commission. De gré ou de force, la prisonnière désirée, mariée ou non, est amenée le soir à l’hôpital de la prison.”



Selon Sangwa, en conséquence de cela, de nombreuses femmes tombent enceintes et quittent la prison avec plusieurs enfants.



Les conditions dans les prisons congolaises sont désastreuses et la vie est particulièrement difficile pour les enfants qui ont passé leurs premières années là-bas, a-t-il ajouté.



Sangwa a déclaré que les femmes qui ont des enfants en prison ont ensuite à faire face à des problèmes avec leurs familles après avoir purgé leur peine.



“J’ai même vu une femme qui, après avoir purgé sa peine de cinq ans, avait quitté la prison avec ses deux enfants, pour être ensuite rejetée par son mari,” a-t-il dit.



Hubert Mpanda, un activiste des droits de l’homme et journaliste indépendant, a déclaré que l’exploitation sexuelle des détenues était un problème courrant dans de nombreuses prisons de la République démocratique du Congo, RDC, qui ne devrait pas être toléré.



“La loi reste la loi et doit être appliquée partout où il y a une infraction,” a-t-il dit. “Les choses sont encore plus graves lorsque ces actes sont encouragés par les gardes de prison. L’impunité et la passivité détruisent les valeurs de notre pays.”



Gisèle Nsadi, une activiste pour les droits des femmes auprès d’une ONG locale Centre d'intégration sociale de la femme, a déclaré que les faits étaient clairs – lorsque vous visitez le bloc des femmes à la prison, vous voyez de nombreuses femmes avec de jeunes enfants, à qui elles ont donné naissance pendant leur séjour ici.



“Comment nos autorités peuvent-elles ne pas protéger les femmes prisonnières [alors même que] la violence sexuelle est comme une épidémie en RDC?” interroge-t-elle.



Valentin Lumbala, sociologue à l’université de Lubumbashi a déclaré qu’un important pas en avant vers l’éradication d’une exploitation sexuelle endémique serait d’offrir aux gardiens de prison de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires.



“Autrement, ils continueront à profiter de ces femmes,” a-t-elle dit. “Pour les gardes, cela représente un commerce facile.”



L’IWPR a essayé d’interroger les autorités de Kasapa au sujet des violations présumées ayant eu lieu sur place. Justin Kasongo, l’un des gardiens de la prison, a répondu en disant que les officiers de police basés à la prison étaient chargés de protéger les prisonniers et a insisté sur le fait qu’il n’avait pas connaissance de l’existence de ces boîtes de nuits.



Mais dans une interview avec l’IWPR, Jean Marie Dikanga Kazadi, le porte-parole du gouvernement provincial du Katanga, a déclaré, “Nous sommes au courant de ce qui se passe à la prison de Kasapa. C’est pourquoi le gouvernement provincial du Katanga averti tous les officier qui s’adonnent à des pratiques de corruption.”



Il a déclaré que l’administration essayait d’améliorer les conditions de travail des officiers de police de la prison, y compris en leur donnant de la nourriture le week-end.



“Nous avons aussi demandé à toutes les femmes victimes d’abus sexuels en prison de nous le faire savoir dès que possible. L’inspecteur de police provincial a déjà reçu l’instruction de punir tous les gardes indisciplinés,” a-t-il dit.



Entre-temps, Jacques Ilunga, l’inspecteur provincial de police, a exhorté les officier à s’abstenir de recourir à des pratiques de corruption.



“Vous ne devriez pas être une police de mendiants,” a-t-il dit lors d’une parade de police le 18 octobre dernier. “Vous en demandez trop à la population et c’est pour cela que vous êtes facilement corrompus. Le jour où nous attraperons un policier qui veut se laisser corrompre, je peux vous dire que sa place est en prison.”



Héritier Maila est un journaliste formé par l’IWPR.
Frontline Updates
Support local journalists