Nkunda sera-t-il jugé?

Par Eugène Bakama Bope, analyste sur le Congo auprès de l’IWPR

Nkunda sera-t-il jugé?

Par Eugène Bakama Bope, analyste sur le Congo auprès de l’IWPR

Wednesday, 27 May, 2009
IWPR

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Institute for War & Peace Reporting

Cela fait maintenant plus de 100 jours que l’ancien chef rebelle congolais Laurent Nkunda est en détention à Gisenyi, au Rwanda. En attendant, sa famille et ses amis indiquent qu’ils n’ont eu aucun contact avec lui depuis son arrestation sur le sol rwandais le 22 janvier.



La question qui préoccupe les Congolais est de savoir si Nkunda sera effectivement jugé et le cas échéant par qui.



Le Congo veut qu’il soit jugé dans son pays et a fait une demande d’extradition formelle aux autorités rwandaises, mais de nombreux obstacles demeurent avant que cela ne puisse se produire.



Un obstacle majeur est le fait que le Congo maintient la peine de mort dans sa législation. Le Rwanda a supprimé la peine capitale en 2007 et répond aux demandes d’extradition uniquement “si l’État requérant donne des assurances formelles que la peine de mort ne sera pas exécutée”.



Nkunda se trouve actuellement sur le sol rwandais et ainsi le droit rwandais doit être pris en compte dans la procédure d’extradition. Cependant, le Congo ne veut pas abolir la peine de mort uniquement pour obtenir son transfert.



Il est important de noter que bien que la peine de mort existe encore au Congo et qu’un moratoire sur l’exécution ait expiré, chacun sait que cette peine n’est pas appliquée en pratique. Ne s’agit-il pas là d’une garantie de la non exécution de la peine de mort qui pourrait faciliter le transfert de Nkunda depuis le Rwanda?



Les ministres de la justice du Rwanda et du Congo se sont rencontrés à Kigali le 5 mai dernier pour discuter de la demande d’extradition. Les deux ministres ont reconnu que Nkunda est un citoyen congolais accusé d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au Congo et qu’il est ainsi susceptible d’être poursuivi devant un tribunal congolais.



Cependant, pour parler plus concrètement il semble que le gouvernement rwandais ne veuille pas extrader l’ancien chef rebelle, non seulement pour les raisons énoncées ci-dessus, mais aussi en raison du fait que Nkunda, un Tutsi, s’est battu contre le groupe rebelle rwandais, les FDLR.



Les FDLR ont été fondées par les rebelles Hutus qui fuyaient vers le Congo suite au génocide de 1994. A ce titre, il bénéficie de la sympathie des Tutsis dans l’entourage du président Paul Kagamé.



Il y a aussi le fait que Nkunda en sait trop et que Kigali ne voudrait pas qu’il révèle le moindre détail confidentiel au sujet de sa politique envers les provinces du Kivu. Le Rwanda a longtemps été accusé de soutenir Nkunda et a par le passé envoyé ses troupes au Nord Kivu à la poursuite des FDLR. Il a également été accusé d’exploiter les richesses minérales de la région.



Des rumeurs circulent selon lesquelles Kagamé pourrait être en train de chercher un pays de refuge pour Nkunda, ou que le Rwanda aimerait qu’il soit jugé dans un pays neutre.



L’Afrique du Sud a été mentionnée comme une possibilité bien que cela n’ait pas été confirmé. Le ministre de la justice congolais est catégoriquement opposé à cette idée d’un état neutre.



Le Congo et le Rwanda ont reconnu que Nkunda est un citoyen congolais accusé d’avoir commis de graves crimes sur le territoire congolais. Par conséquent, les tribunaux congolais ont compétence contre lui.



Cependant, les avocats de Nkunda et d’autres personnes ont exprimé des inquiétudes quant au fait qu’il pourrait ne pas bénéficier d’un procès équitable au Congo.



Dans ce cas-là, une autre possibilité serait la Cour pénale internationale, CPI. Les Congolais veulent que Nkunda soit tenu responsable de ses crimes. S’il y a des difficultés au niveau national, un tribunal international pourrait le poursuivre.



Cependant, la voie de la justice internationale n’a pas toujours été aisée au Congo.



Le paradoxe dans cette affaire est que d’un côté le gouvernement congolais peine à obtenir l’extradition de Nkunda au nom de la lutte contre l’impunité et que, d’un autre côté, il refuse d’exécuter le mandat d’arrêt émis par la CPI contre Bosco Ntaganda.



Le Congo procède également à l’intégration des compagnons d’armes de Nkunda dans l’armée nationale – tout cela au nom de la paix. Certains des anciens rebelles sont à Kinshasa et attendent leur entrée au gouvernement.



Au stade actuel, rien ne permet de dire si Nkunda sera jugé au Congo ou ailleurs. Seul le Rwanda peut répondre à cette question.



Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de l’IWPR.
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