Nkunda répond au sujet d'une éventuelle inculpation par la CPI

Dans une interview rare, le chef rebelle tutsi déclare qu’il est disposé à faire face à la Cour pour autant que son peuple puisse enfin vivre en paix.

Nkunda répond au sujet d'une éventuelle inculpation par la CPI

Dans une interview rare, le chef rebelle tutsi déclare qu’il est disposé à faire face à la Cour pour autant que son peuple puisse enfin vivre en paix.

Wednesday, 12 March, 2008
Le général déchu Laurent Nkunda, qui commande une bande de Tutsis congolais rebelles dans l’est du Congo, a indiqué que cela lui était égal d’être arrêté par la Cour pénale internationale, CPI, si son combat abouti à ce que son peuple obtienne justice.



Dans une interview exclusive accordée à l’IWPR, Nkunda a également nié avoir recruté des enfants soldats - une accusation lancée par la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo, MONUC, et divers groupes internationaux d’aide travaillant dans la province du Nord Kivu.



Nkunda a insisté sur le fait que sa mission avait été de défendre ses compatriotes de l’ethnie tutsie des combattants hutus rwandais, responsables du génocide ayant eu lieu dans leur pays en 1994.



Nombre de ces mêmes Hutus, connus sous le nom d’Interahamwe, ont fui le Rwanda vers le Congo. Certains d’entre eux formèrent le Front Démocratique de Libération du Rwanda, FDLR - les ennemis de Nkunda.



“Mon combat est bien connu,” a indiqué Nkunda à l’IWPR, affirmant que si la CPI l’arrête aujourd’hui, cela ne lui fera rien, du moment que son combat résulte en la justice pour les Tutsis congolais.



Nkunda, qui aurait par le passé été soutenu par le Rwanda, a refusé de rejoindre l’armée congolaise malgré s’y être vu offert le rang de général.



Au lieu de cela, il a maintenu sa force dans l’est du Congo et a combattu avec succès contre les FDLR, d’autres milices et l’armée congolaise.



Son but, a-t-il dit, était d’aider ses compatriotes tutsis congolais. Mais bien que Nkunda ait prétendu qu’il protégeait son groupe ethnique, il a également été accusé d’enlèvement d’enfants qu’il aurait forcés à devenir des enfants soldats et des esclaves sexuels pour ses forces, pas plus tard qu’à la fin de l’année dernière.



Selon un rapport des Nations Unies de décembre dernier, des centaines d’enfants soldats ont été utilisés sur les lignes de front pour des combats entre les forces de Nkunda et l’armée congolaise.



Les Nations Unies ont déclaré que le Congrès National pour la Défense du Peuple, CNDP, de Nkunda et les FDLR était les deux principaux groupes à avoir de manière routinière enlevé des enfants au sein de leurs écoles et des camps de réfugiés internes.



Les Nations Unies ont également indiqué que nombre des 8 500 anciens enfants soldats qui ont été secourus depuis 2004 ont depuis été à nouveau recrutés.



Un nombre estimé à 800 000 Congolais a été déplacé au Nord Kivu. Ce nombre comprend 170 000 personnes qui furent forcées l’année dernière à fuir les combats, ayant cessé depuis à la suite d’un accord signé cette année par plus de 20 milices guerrières, y compris celle de Nkunda.



Nkunda, a cependant nié avoir recruté de nouveaux enfants soldats. Il a indiqué, "Je n’ai pas d’enfants sous mon contrôle dans l’armée. Vous pouvez venir voir par vous-même si vous voulez, et vous n’en trouverez pas."



Nkunda a cependant déclaré qu’il avait hérité d’enfants soldats du Ralliement pour la démocratie congolaise, RDC, une ancienne faction rebelle qui aurait été soutenue par le Rwanda et qui opérait dans l’est du Congo de 1998 à 2003. Nkunda était un officier principal du RDC, l’un des principaux groupes rebelles à se battre sur place.



En juin 2004, il conduisit une force de plusieurs milliers de soldats à Bukavu, la capitale de la province du Sud Kivu qui se trouve sur les rives sud du lac Kivu. Bien que Nkunda se soit retiré après seulement une semaine d’occupation de la ville, ce fut un épisode sanglant qui donna lieu à de nombreux rapports faisant état de meurtres et de viols.



Nkunda a ensuite justifié son occupation pour des raisons humanitaires, affirmant qu’il avait contrecarré un génocide planifié contre les Tutsis congolais. Il a déclaré qu’un peu plus tard cette année-là, 160 Tutsis congolais avaient été tués au Burundi voisin.



Nkunda a également indiqué par la suite qu’il refusait d’être intégré aux forces congolaises parce que cela impliquerait de travailler avec ses anciens ennemis auxquels il ne fait pas confiance.



En septembre 2005, les Congolais avaient émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Nkunda, l’accusant de nombreux crimes de guerre et de violations des droits de l’homme.



Nombre de ceux-ci ont été documentés par des groupes tels que Human Rights Watch, et comprennent des exécutions sommaires, la torture, et le viol commis par les soldats sous le commandement de Nkunda à Bukavu en 2004 et à Kisangani en 2002.



Alors que le mandat d’arrêt ne fut jamais exécuté, certains spéculent sur le fait que les preuves du gouvernement contre Nkunda pourraient constituer la base des actes d’accusation contre lui devant la CPI.



“Certaines organisations ne veulent rien relever de positif de mon côté,” a indiqué Nkunda à l’IWPR. “Depuis 2004, j’ai déjà démobilisé 2 600 enfants soldats que j’ai remis à Caritas [l’agence humanitaire de l’église catholique].”



Oswald Musoni, le directeur de Caritas à Goma, a reconnu que Nkunda avait remis de nombreux enfants soldats.



“Des 2 226 enfants que nous avons démobilisés entre 2004 et 2006, 2 003 provenaient des forces armées de Nkunda, dans la mesure où il contrôlait presque la totalité de la région,” a indiqué Musoni.



De toutes les charges qui ont été soulevée contre Nkunda, le recrutement forcé d’enfants soldats pourrait s’avérer le plus problématique pour lui.



Thomas Lubanga, un seigneur de guerre de la région de l’Ituri, adjacente au Nord Kivu, fut arrêté et transféré à la CPI pour avoir recruté des enfants soldats en 2006. Bien que le début de son procès ait été programmé pour la fin mars, il semble aujourd’hui probable qu’il soit retardé jusqu’à l’été prochain.



Nkunda, cependant, doute que le recrutement d’enfants soldats ait été la raison de l’arrestation de Lubanga, et suspecte qu’elle a plutôt été provoquée par les meurtres de membres de l’ethnie lendue qu’il aurait commis dans la région de l’Ituri.



“J’ai entendu que Thomas Lubanga avait d’abord été accusé d’avoir tué des Lendu en Ituri. Ensuite, il fut constaté que même les Lendu avaient tué de très nombreux Hema dans ce district,” a indiqué Nkunda. Il a noté que le recrutement d’enfants soldats était une pratique commune dans la région et que Lubanga n’était certainement pas “le premier à recruter des enfants soldats dans ce pays ”.



Dans une interview accordée plus tôt cette année à des journalistes à Goma, Alan Doss, le représentant de l’ONU dans la région, a indiqué que la plupart des pays, y compris la RDC, soutenaient les droits des enfants. Les groupes armés sont conscients du fait qu’ils ne devraient pas recruter des enfants soldats parce qu’ils sont brutalisés et traumatisés. Il a appelé à la cessation de cette pratique.



Outre Lubanga, deux autres chefs de milice d’Ituri ont été arrêtés et transférés à la CPI. Germain Katanga est accusé de meurtre, réduction en esclavage sexuel et utilisation d’enfants soldats.



Et, le 7 février, Mathieu Ngudjolo, à la tête du Front des nationalistes et intégrationnistes, FNI, fut conduit à la CPI. Il doit y faire face à des accusations de crimes de guerre, comprenant le meurtre, la réduction en esclavage sexuel et l’utilisation d’enfants soldats.



La CPI a indiqué qu’elle avait “des éléments de preuve solides” que Mathieu Ngudjolo avait ”commis des crimes d’une violence indicible contre des femmes, des hommes et des enfants”, perpétrés pour la plupart en février 2003 au cours d’une attaque contre le village de Bogoro, qu’il avait commandée aux côtés de Katanga. Quelques 200 personnes furent tuées au cours de cette attaque et un nombre incalculable d’autres furent blessés. Le village fut ensuite pillé, comme l’a indiqué la CPI.



Avec l’arrestation et avant la poursuite des trois seigneurs de guerre, la CPI a signalé qu’elle était en train de préparer une autre enquête portant sur des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans les provinces du Nord et Sud Kivu.



“ Le Bureau du Procureur passe désormais à une troisième enquête en RDC et d’autres mandats d’arrêt suivront dans les mois et les années à venir,” a indiqué la CPI dans un communiqué la semaine dernière.



“Les agissements des groupes armés toujours en activité et qui, selon certaines sources, continueraient de commettre des crimes dans l’Est de la RDC et plus particulièrement dans les provinces du Kivu, de même que la situation des personnes qui pourraient avoir assumé un rôle d’appui et de soutien aux groupes armés de la RDC comptent parmi les principales options sur lesquelles le Bureau du Procureur concentre son attention pour cette troisième enquête.”



Nkunda et ses soldats font certainement partie des personnes concernées par cette déclaration, bien que la CPI n’ait pas spécifié quels groupes ou chefs étaient visés.



Jacques Kahorha est un journaliste basé à Goma et un collaborateur de l’IWPR.
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