L'UPC entraînait des enfants de cinq ans

Par Wairagala Wakabi (AR No. 215, 29-May-09)

L'UPC entraînait des enfants de cinq ans

Par Wairagala Wakabi (AR No. 215, 29-May-09)

Tuesday, 25 August, 2009
Certaines jeunes recrues au sein des camps de l’Union des patriotes congolais, UPC, avaient à peine cinq ans, selon un témoin dans le procès en cours contre le chef de milice congolais accusé Thomas Lubanga.



Le témoin a déclaré devant les juges de la Cour pénale internationale de La Haye que la direction de l’UPC pensait que ces jeunes recrues étaient de bons soldats et de bons espions.



Les parents donnaient leurs enfants à la milice de l’UPC parce que les dirigeants d’ethnie Hema du groupe disaient qu’ils voulaient expulser les étrangers de la région de l’Ituri, dans l’est de la République démocratique du Congo.



Le témoin a indiqué qu’il avait vu des enfants être entraînés au quartier général de l’UPC à Bunia, où Lubanga avait ses bureaux.



Interrogé par le Procureur de la CPI Olivia Struyven pour estimer l’âge des enfants entraînés, le témoin a répondu “de cinq ans jusqu’à l’âge adulte.”



Le témoin, dont l’identité était tenue secrète, a expliqué comment les dirigeants de l’UPC traitaient les enfants pour faire d’eux de braves soldats.



“J’ai été choqué de voir un enfant âgé de cinq ans dans un centre d’entraînement,” a indiqué le témoin. “J’ai trouvé cela particulièrement inquiétant. J’ai demandé à (Richard) Lonema ce que cet enfant faisait là.”



Lonema était le président en exercice de l’UPC lorsque Lubanga était hors de l’Ituri, a-t-il dit.



“Il a dit que s’ils prenaient (les enfants) tôt, ils allaient grandir comme de vrais soldats,” s’est rappelé le témoin. “Il a dit que ce sont ces enfants-là qui sont informateurs dans les rues.”



Après avoir été entraînés, les enfants pouvaient être déployés dans les rues pour vendre de l’eau ou de l’arachide tout en travaillant comme espions pour l’UPC, a-t-il dit.



Selon le témoin, il y avait quelques 100 recrues à la fois dans chacun des camps de l’UPC. “Sur 100 recrues, ceux qui avaient 15 ans et moins constituaient facilement 30 pourcent,” a-t-il dit.



Les recrues errantes étaient punies de manière routinière, a-t-il expliqué, et cela comprenait des coups de fouet ou des exercices épuisants sur une longue période.



A une occasion, alors que le témoin était au siège de l’UPC dans le bureau d’un homme qu’il appelait Mr. A, il fut témoin avec d’autres du châtiment infligé à un enfant qui criait le nom de sa mère.



“Apparemment cet enfant était en colère, (et) venait d’être puni,” a déclaré le témoin. “La réaction de ceux qui étaient avec moi, et particulièrement Mr. A et ses collègues, a été de dire, ‘c’est bien, il va grandir comme un vrai soldat.’”



L’instructeur qui avait puni la recrue déclara au garçon qu’il ne se comportait pas comme un soldat.



“Cela m’a particulièrement touché,” a déclaré le témoin. “Un enfant criant, appelant sa mère …. Mr. A et ses collègues, ils n’ont pas eu de remords, pas de pitié pour cet enfant qui subissait ce châtiment.”



Bien que des officiels de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) se soient rendus au quartier général de l’UPC à Bunia, ils n’ont pas eu accès à la zone d’entraînement, a-t-il dit. Mais les officiers de l’armée ougandaise l’ont fait régulièrement.



Selon le témoin, lorsque l’UPC prit le contrôle de Bunia en août 2002, Lubanga était dans la capitale du Congo, Kinshasa et Lonema était président en exercice.



Lonema lui avait dit que Lubanga avait appelé pour le féliciter sur la prise de Bunia.



Interrogé par le juge Adrian Fulford sur les devoirs de Lonema comme président en exercice, le témoin a répondu: “Il supervisait toutes les activités de l’armée, et là je vous parle du recrutement, des rations militaires, de l’équipement pour les soldats et du bien-être général de l’armée.”



Le témoin a aussi expliqué que Lubanga s’était nommé ministre de la défense du groupe et commandant en chef de l’UPC, et qu’il avait aussi nommé d’autres ministres. Lubanga avait annoncé la nomination des ministres de l’UPC sur une station de radio locale peu après être revenu de Kinshasa, a indiqué le témoin.



“Donc (Lubanga) était le dirigeant politique de l’armée,” a expliqué le témoin. “Ce qui veut dire qu’il n’y avait personne au dessus de lui pour diriger l’armée.”



Mercredi, le témoin avait été accusé par Catherine Mabille, l’avocate de Lubanga, d’avoir relaté des rumeurs à la Cour lorsqu’il avait discuté de l’entraînement des enfants soldats et de la direction de l’UPC.



Le témoin avait répliqué indiquant qu’il avait eu des contacts directs avec les autorités politiques et militaires en Ituri, ainsi que l’armée ougandaise qui était également dans la région.



Mabille avait également élevé des objections face à certaines questions, indiquant que les Procureurs guidaient les témoins et avaient “posé cinq questions suggestives (au témoin qui) contenaient pratiquement la réponse.”



Le juge Fulford avait accepté l’objection de la Défense.



La Cour a entendu des témoignages concernant le rôle que le Rwanda et l’Ouganda avaient joué dans le conflit d’Ituri, un témoin ayant déclaré que l’UPC avait reçu des armes du Rwanda après que les armes en provenance de l’Ouganda aient cessé d’être disponibles.



Le témoin a déclaré que Lubanga lui avait dit que, “l’Ouganda jouait à cache-cache,” ce qui avait forcé l’UPC à se tourner vers le Rwanda pour obtenir des armes.



“L’Ouganda ne voulait pas fournir ouvertement une quantité suffisante d’armes à l’UPC, alors ils ont du aller les chercher ailleurs,” a déclaré le témoin.



Le témoin a aussi indiqué que l’armée ougandaise avait commencé à entraîner des Congolais en 1999, y compris des enfants, au camp d’entraînement de Rwampara en Ituri, alors que certains avaient été emmenés en Ouganda pour y être formés.



James Kazini, qui dirigeait l’armée ougandaise au Congo à l’époque, travaillait avec Adel Lotsove Mugisa, un associé de Lubanga qui était devenu gouverneur de la région et avait servit plus tard comme ministre des finances de Lubanga.



Wairagala Wakabi est un journaliste ougandais qui couvre le procès de Thomas Lubanga pour l’IWPR. Ses mises à jour quotidiennes sont disponibles sur le site Internet lubangatrial.org.
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