Lueur d'espoir pour la justice

Pour de nombreux activistes, un procès ayant eu lieu récemment dans le pays pourrait constituer un pas en avant vers une plus grande indépendance judiciaire.

Lueur d'espoir pour la justice

Pour de nombreux activistes, un procès ayant eu lieu récemment dans le pays pourrait constituer un pas en avant vers une plus grande indépendance judiciaire.

Thursday, 1 October, 2009
L’affaire d’un agent ferroviaire accusé d’avoir outragé le chef de l’État mais remis en liberté par la suite a été mise en avant par les ONG pour montrer que le système judiciaire en République démocratique du Congo, RDC, peut être rendu efficace et indépendant dans son fonctionnement.



Depuis qu’il a été remis en liberté le 5 juin, Mulumba Kapepula, un employé de la Société nationale de chemin de fer du Congo, a pu vaquer librement à ses occupations sans subir de châtiment ou toute autre forme d’intimidation, selon les activistes locaux.



Le juge Costa Lupamba, qui a ordonné sa remise en liberté, a également indiqué qu’il n’avait pas eu de problèmes après avoir rendu ce qu’il considérait comme un jugement équitable.



Les ONG montrent cette affaire du doigt pour montrer que, contrairement aux croyances largement répandues, la justice congolaise peut être tenue à l’écart du pouvoir exécutif.



“Cela constitue une étape significative vers l’indépendance de la magistrature congolaise,” a déclaré Fabien Mayani, un avocat congolais spécialiste des droits de l’Homme. “Cela montre que, avec un petit peu de bonne volonté, de nombreuses choses peuvent être changées dans notre pays.”



Mais une certaine déception persiste, que les efforts ne soient pas suffisants pour ralentir la célèbre force de police secrète du pays, l’ANR, responsable de l’arrestation de Kapepula le 16 mars dernier.



Kapepula prétend qu’il a été torturé en prison, ce qui a sérieusement porté atteinte à sa santé.



Pour Mayani, les personnes qui se sont rendues coupables de ces violations des droits de l’Homme devraient être tenues responsables de leurs actes.



“Suite à l’acquittement de Kapepula, mon souhait est que tous ceux qui l’ont torturé alors qu’il était détenu par l’ANR soient poursuivis,” a déclaré Mayani. “Si cela est fait, je dirais que la magistrature congolaise a décidé de changer et de devenir vraiment indépendante du pouvoir exécutif.”



Kapepula avait été arrêté suite à des remarques qu’il avait faites lors d’une manifestation, au cours de laquelle il avait accusé le gouvernement d’accorder une plus grande importance aux joueurs de l’équipe nationale de football qu’aux employés de la Société nationale de chemin de fer du Congo, SNCC.



Il a indiqué que, alors que les employés publiques de nombreux différents secteurs n’ont pas été payés depuis trois ans, le gouvernement de Joseph Kabila a prodigué de généreuses récompenses, y compris de toutes nouvelles voitures, aux joueurs de football professionnels.



Le juge Costa Lupamba du tribunal de paix de Kampemba, où le procès a été tenu, a indiqué qu’il n’existait pas de preuve attestant que le prévenu avait offensé le chef de l’État.



“Il faut avoir des preuves pour condamner quelqu’un,” a-t-il dit. “En ce qui concerne l’affaire Kapepula, plusieurs témoins soutenaient qu’il avait insulté le chef de l’État en public, mais lorsque l’on se réfère à ses déclarations, il n’y a aucune preuve de cela. On ne peut pas condamner quelqu’un sur la base de rumeurs.”



Lupamba prétend qu’il a agi en toute indépendance, et qu’il n’a fait l’objet d’aucune pression, de toute partie, pour rendre un jugement qui n’était rien d’autre qu’équitable.



Alain Kyale, un des avocats de Kapepula, a déclaré que la décision constituait un grand pas en avant pour l’indépendance judiciaire en RDC.



“Généralement, lorsque quelqu’un est inculpé d’offense contre le chef de l’État, il est jeté directement en prison sans procès,” a-t-il dit. “Mais l’affaire Kapepula montre que, jusqu’à un certain point, le juge peut rendre son jugement en son âme et conscience.”



L’avocat de la défense Rey Kayombo a ajouté que, logiquement, il n’était pas juste de condamner Kapepula, étant donné que les déclarations des témoins étaient contradictoires et que l’Accusation ne pouvait pas produire de preuves convaincantes pour étayer les accusations.



En dépit de tout cet optimisme, cependant, les observateurs reconnaissent que beaucoup reste à faire afin d’établir un système judiciaire vraiment indépendant en RDC.



“Il reste un long chemin à parcourir pour rendre la justice congolaise impartiale,” a déclaré Mayani, l’avocat spécialiste des droits de l’Homme. “Je profite de l’occasion pour demander aux magistrats d’éviter la politisation du ministère public qui même sans pièces à conviction cherche à faire condamner le prévenu - surtout s’il est d’une autre obédience politique que celle du chef de l’Etat.”



Les ONG internationales ont aussi salué le verdict, mais avec la même prudence que celle exprimée par Mayani.



"Nous étions inquiets quant au caractère politiquement motivé du procès et, au vu de cela, nous craignons que le tribunal soit soumis à une importante pression pour le condamner,” a déclaré Alexandra Kossin, directrice de programme auprès de l’Organisation mondiale contre la torture, OMCT.



“Cela n’a cependant heureusement pas été le cas. Mais au vu des autres procès en cours, qui font l’objet de pressions politiques, un long chemin reste à parcourir avant de pouvoir dire que la RDC dispose d’un syctème judiciaire performant et équitable," a-t-elle dit.



Héritier Maila est un reporter formé par l’IWPR.
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