Lubanga a visité des camps d'entraînement, révèle un témoin

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 216,5-June-09)

Lubanga a visité des camps d'entraînement, révèle un témoin

Par Rachel Irwin à La Haye (AR No. 216,5-June-09)

Tuesday, 25 August, 2009
L’accusé Thomas Lubanga a visité des camps d’entraînement militaire pour stimuler le moral des jeunes recrues, comme l’a expliqué un ancien enfant soldat cette semaine aux Procureurs de la Cour pénale internationale, CPI.



“J’ai vu le président à deux occasions,” a indiqué le témoin - dont le nom n’a pas été divulgué - à la Cour. “La première fois qu’il est venu, il nous a interrogés sur notre situation en général. La deuxième fois, il a essayé de stimuler notre moral—c’était juste quelques jours avant la fin de l’entraînement.”



“Connaissez-vous le nom du président?” a demandé le Procureur Nicole Samson.



“Oui,” a répondu le témoin. “M. Thomas Lubanga…je l’ai vu de mes propres yeux.”



Le témoin, qui parlait en swahili, sa voix et son visage étant brouillés, a révélé qu’il avait été kidnappé par des soldats sur le chemin de chez lui à l’école primaire et forcé à suivre un entraînement militaire dans le camp, prétendument dirigé par Lubanga et d’autres commandants au sein de l’Union des patriotes congolais, UPC.



Lubanga est accusé du recrutement, de la conscription, et de l’utilisation d’enfants soldats, définis comme combattants de moins de quinze ans, dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans la région de l’Ituri de la République démocratique du Congo, RDC, en 2002 et 2003.



Le témoin a dit qu’il avait également vu d’autres officiels de haut rang au sein de l’UPC dans le camp, y compris Bosco Ntaganda, qui est actuellement recherché par la CPI pour le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, et Floribert Kisembo, l’ancien chef d’état major de l’UPC.



“En ce qui concerne Kisembo, c’était comme si vous vous réveilliez le matin et que vous voyiez votre mère, votre père, vos frères et soeurs,” a déclaré le témoin. “Le voir n’était pas quelque chose de spécial ou de différent.”



Le témoin a expliqué que les commandants forçaient les recrues à participer à un entraînement d’armes intensif, qui était souvent pratiqué avec des morceaux de bois.



“Je traitais le morceau de bois comme ma propre arme,” a expliqué le témoin, qui a ajouté qu’il avait été fouetté à une occasion lorsqu’il l’avait mal placé.



Il a indiqué que les coups étaient courants au sein du camp, particulièrement lorsque les premières recrues étaient arrivées.



"Pouvez-vous décrire la manière dont vous avez été frappé?" a demandé Samson.



"Non, je ne peux pas," a répliqué le témoin dont le nom n’a pas été révélé. "Je pourrais avoir des problèmes et me mettre en colère [si j’en parle]."



Il a également refusé de décrire ce qui s’était passé lorsqu’il avait essayé de fuir le camp, où les recrues recevaient un entraînement d’armes intensif.



“Pour certains évènements, il est préférable de ne pas en parler,” a-t-il dit. “Cela réveille certains sentiments.”



Pendant que le témoin parlait, Lubanga semblait maussade et était assis les bras croisés.



Le témoin a expliqué qu’il avait reçu une arme et un uniforme à la fin des quatre mois d’entraînement, et qu’il avait été envoyé au village de Djugu, où son bataillon était intervenu en ”renfort” des autres unités de l’armée. Il n’a apporté aucun détail sur ses activités en tant que soldat.



Dans d’autres développements, les juges ont réprimandé les Procureurs par rapport à une réponse inappropriée à une question posée le 22 mai par l’un des avocats des victimes qui veut que les charges contre Lubanga soient étendues pour comprendre les chefs d’esclavage sexuel et de traitement cruel.



“La [réponse] de l’Accusation sous la présente forme n’aborde pas les questions soulevées [par les avocats des victimes],” a déclaré le juge président Adrian Fulford aux Procureurs. “Il serait très utile pour nous qu’une position substantielle soit exposée…étant donné que cela affecte les charges portées contre l’accusé.”



La demande réclamait des juges qu’ils envisagent une “requalification juridique des faits dans l’affaire Lubanga, comme l’esclavage sexuel…et le traitement cruel et inhumain.”



Les avocats des victimes soutiennent que les charges devraient être étendues parce que les nombreux témoins ont raconté avoir vu ou subi des viols par les commandants au camps d’entraînement de l’UPC.



Certains témoins ont également déclaré que les commandants des camps battaient et tuaient régulièrement les jeunes recrues, et qu’ils les privaient souvent de nourriture.



Les Procureurs ont répondu aux avocats des victimes dans un document de trois pages le 29 mai, dans lequel ils citaient la norme 55 du Règlement de la CPI, qui donne aux juges la possibilité d’envisager “de modifier la qualification juridique des faits.”



Le juge Fulford a rejeté la demande de l’Accusation, la qualifiant de “technique” et a requis qu’une réponse plus complète soit soumise à la Cour avant le 12 juin. La Défense a jusqu’au 19 juin pour répondre à l’Accusation, et les avocats des victimes doivent répondre aux deux parties avant le 26 juin.



Rachel Irwin est reporter auprès de l’IWPR à La Haye et couvre le procès de Thomas Lubanga. Ses rapports quotidiens sont disponibles sur le site lubangatrial.org.
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