L'exploitation minière illégale alimente le conflit en RDC
La répression du gouvernement semble avoir eu peu d’impact pour endiguer le commerce illégal qui finance les groupes armés.
L'exploitation minière illégale alimente le conflit en RDC
La répression du gouvernement semble avoir eu peu d’impact pour endiguer le commerce illégal qui finance les groupes armés.
Selon les activistes, les groupes de milice et soldats gouvernementaux continuent à profiter de l’exploitation minière illégale dans l’est de la République démocratique du Congo, RDC, malgré une interdiction de l’exploitation minière imposé par le gouvernement l’année dernière.
L’interdiction de l’exploitation minière adoptée le 11 septembre dernier pour les provinces du Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema, a été introduite en réponse au viol de plus de 300 femmes et enfants dans le territoire de Walikale, au Nord Kivu, entre le 30 juillet et le 2 août de l’année dernière.
Selon les Nations Unies, cette attaque avait été menée par un groupe de soldats rebelles, en représailles contre des villageois complotant avec les forces gouvernementales. Sadoke Kokunda Mayele, un commandant rebelle, accusé d’avoir mené l’attaque a été arrêté mais n’a pas encore été jugé.
Le gouvernement Congolais indique que l’une des raisons qui se cache derrière ce genre d’attaques est l’exploitation continue des ressources minières dans la région, alors que des factions de milices rivales viennent revendiquer les précieuses ressources naturelles de la région.
En visite à Walikale peu après l’attaque, le président Joseph Kabila a parlé de ces groupes comme d’une “sorte de mafia” dont il faut se débarrasser.
"Nous devons nettoyer le secteur minier pour nous assurer que la violence ne continue pas à se nourrir de l’abondance de matériaux bruts," a déclaré Dasize Masika, ministre provincial des mines au Nord Kivu. “Il est important que les gens sur place bénéficient aussi de ces ressources souterraines par la construction d’une infrastructure sociale de base.”
Le gouvernement congolais a déclaré qu’il veut encourager la mise en place d’un mécanisme plus formel pour l’industrie minière dans le pays, afin d’avoir un contrôle plus ferme des revenus générés par l’industrie.
Le gouvernement veut qu’une partie des recettes soient reversées aux communautés locales, et qu’elles ne soient pas utilisées par les groupes de milice pour acheter des armes.
Global Witness, une ONG internationale, a déclaré qu’alors que l’interdiction minière est une première étape à saluer, peu de choses ont été faites pour introduire des contrôles plus formalisés.
“La même situation que celle qui existait avant l’interdiction existe aujourd’hui,” a déclaré Daniel Balint-Kurti, un chercheur auprès de Global Witness. “Les gens sont toujours enrôlés pour du travail forcé dans les mines.”
Dans certaines zones, où les activités minières ont été suspendues, des milliers de personnes qui survivaient grâce au commerce des minéraux ont perdu une importante source de revenus.
“Mettre en place l’interdiction de l’exploitation minière a eu un sérieux impact sur le gagne-pain des gens, et les habitants de la région sont devenus encore plus pauvres en résultat de cela,” a déclaré Balint-Kurti.
“Voilà pourquoi nous avons besoin de voir une série de mesures mises en œuvre pour amener les choses sous un contrôle plus formel. Mais, dans l’état actuel des choses, la situation est inconfortablement floue, sans aucun signe évident de progrès.”
Les soldats du gouvernement présents dans la zone ont reçu l’instruction de bloquer l’accès aux zones riches en minéraux, d’empêcher l’exploitation des mines par les gens vivant dans la région et d’empêcher l’achat et la vente de minéraux par les commerçants.
Cependant, certains observateurs ont indiqué que dans une zone aussi vaste et aussi éloignée que l’est de la RDC il n’y a pas assez de main d’œuvre pour vraiment appliquer le moratoire. Selon le département minier au sein du gouvernement, il existe 27 carrières officiellement enregistrées et 46 non officielles dans le seul Nord Kivu.
Les groupes de milices locaux, et les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, FDLR, ne seraient pas les seuls à extraire des minéraux.
Les soldats du gouvernement, qui sont censés maintenir la loi et l’ordre dans la région, ont aussi été impliqués dans le commerce.
Un rapport sans concession des Nations Unies, publié peu après l’attaque de Walikale, suggère que les FARDC, les forces armées congolaises, ne sont pas capables de garantir la sécurité dans la région précisément parce que certains de leurs officiers complotent avec des groupes de milice afin de s’enrichir.
L’armée reconnaît qu’il y a un problème dans ses rangs, mais insiste sur le fait qu’elle agit contre cela.
"Il est vrai qu’il y a des éléments indisciplinés au sein de l’armée, qui abandonnent leur position de confiance et doivent assumer leurs responsabilités pour les souffrances endurées par les habitants," a déclaré Sylvain Ekenge, porte-parole de l’opération Amani Leo des FARDC, mise en place pour contrer les activités des rebelles des FDLR. “Voilà pourquoi la justice militaire doit être forte.”
Le personnel des forces de sécurité indique qu’il est souvent difficile de prendre des mesures fermes contre l’exploitation minière illégale en raison de la complicité de leurs collègues. Un officier de police senior de Ndjingala, un centre minier dans le territoire de Walikale, s’est plaint, "Comment les gens peuvent-ils être arrêtés alors qu’ils sont escortés par nos soldats?"
Nombreux sont ceux qui pensent que c’est cette ruée vers les richesses minières qui créé les conditions explosives ayant entraîné le viol de masse de Walikale en août dernier.
Les civils sont employés par les groupes armés qui contrôlent les mines pour extraire les minéraux. Ceux-ci sont ensuite vendus aux marchants qui opèrent des vols quotidiens depuis et vers les zones minières.
"L’industrie minière traditionnelle ne profite ni à l’État congolais, ni aux provinces ou marchants,” a déclaré Martin Kabwelulu, ministre des mines. “L’exploitation bénéficie plutôt seulement à certains groupes mafieux.”
Le ministre faisait référence à un rapport de Global Witness, publié en 2009, qui suggérait que certaines compagnies internationales “sponsorisent les groupes armés et favorisent le conflit ” en pratiquant le commerce de minéraux en RDC.
"La deuxième guerre de RDC de 1998-2003 a été largement financée par le détournement de ressources issues de ce type d’exploitations," a déclaré Dominic Johnson, chercheur au Pole Institute, un centre interculturel pour la région des grands lacs basé à Goma.
Il a précisé que ce phénomène continue à alimenter le conflit armé.
"Un lien direct a été établi entre le fait que le gouvernement n’est pas capable de contrôler l’exploitation minière et le fait que la population des Kivus souffre toujours aux mains de si nombreux groupes armés, gouvernementaux et non gouvernementaux," a-t-il dit.
Johnson pense que tant que le gouvernement n’aura pas un meilleur contrôle de l’industrie minière dans le pays, les incidents comme celui de Walikale continueront à se produire.
Une femme, originaire de Luvungi, non loin de Walikale, a rappelé ce qui lui était arrivé lorsque les forces rebelles avaient attaqué son village.
“J’ai été violée à la chaîne,” a-t-elle expliqué. “L’un après l’autre, les hommes ont mis leur main dans mon vagin. Ils ont dit qu’ils cherchaient de l’or. J’ai passé quatre jours, entre le 30 juillet et le 2 août, comme esclave sexuel de ces hommes.”
Taylor Toeka Kakala est reporter de l’IWPR à Goma. Blake Evans-Pritchard, le Rédacteur Afrique d’IWPR, a contribué à cet article.