Les voix s'élèvent pour que l'ARS réponde de ses crimes commis au Congo

Les activistes veulent que la CPI inculpe les rebelles ougandais pour les crimes qu’ils sont accusés d’avoir commis en RDC.

Les voix s'élèvent pour que l'ARS réponde de ses crimes commis au Congo

Les activistes veulent que la CPI inculpe les rebelles ougandais pour les crimes qu’ils sont accusés d’avoir commis en RDC.

Thursday, 26 November, 2009
Les activistes des droits de l’Homme en appellent à la Cour pénale internationale, CPI, pour qu’elle inculpe les dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur, ARS, pour une série de crimes brutaux que ses membres sont accusés d’avoir commis en République démocratique du Congo, RDC.



Joseph Kony, le chef de l’ARS, ainsi que deux autres dirigeants sont recherchés par la CPI pour des crimes de guerre commis dans le nord de l’Ouganda. Cependant, l’ARS est entrée en RDC en 2005 et a mené des raids au nord-est depuis 2008 – s’étant apparemment rendue coupable de viols, d’enlèvements, et d’incendies de villages en représailles d’attaques menées par l’armée ougandaise. Ils sont également accusés d’avoir commis des crimes contre les civils en République centrafricaine, RCA, et au Soudan.



Une des attaques les plus récentes a eu lieu le 25 septembre dernier à Digba, RDC, au cours de laquelle 22 personnes ont été tuées à coups de machettes et couteaux lors d’un raid mené par plus de 40 membres de l’ARS, selon l’agence France Presse.



Un des principaux activistes congolais des droits de l’Homme a indiqué que les crimes commis en RDC devraient être ajoutés à l’acte d’accusation contre l’ARS. Kony, Vincent Otti, Raska Lukwiya, Okot Odiambo et Dominic Ongwen ont été inculpés pour crimes contre l’humanité il y a cinq ans. Lukwiya et Otti ont été tués depuis.



“Les crimes commis par les troupes de Kony en RDC entrent dans la définition des crimes internationaux qui tombent sous la compétence de la CPI. Ils ne doivent donc pas être laissés de côté. Kony et les autres dirigeants n’ont pas encore été arrêtés et l’affaire n’a pas avancé, [la CPI] a donc beaucoup de temps pour ajouter des nouveaux chefs d’accusation,” a déclaré Delly Mawazo Sesete, directeur exécutif du Centre de recherche sur l'environnement, la démocratie et les droits de l'Homme, CREDDHO, basé à Goma.



Elise Keppler, conseillère principale auprès de Human Rights Watch, s’est faite l’écho de l’appel de Mawazo réclamant de nouveaux chefs d’accusation contre les dirigeants de l’ARS.



“Afin que justice soit faite il est vital que les crimes commis en RDC soient poursuivis en plus des crimes commis dans le nord de l’Ouganda,” a-t-elle dit. “Human Right Watch a exhorté la CPI à examiner de près les crimes qui ont été commis en RDC, et si les preuves atteignent le niveau nécessaire, à ajouter des charges ou à émettre de nouveaux mandats d’arrêt pour d’autres personnes.”



L’ARS formée en 1987 prétendait représenter le peuple Acholi du nord de l’Ouganda contre le président Yoweri Museveni. Les combattants auraient mutilé leurs victimes en coupant des parties de leurs corps comme le nez, les oreilles ou les lèvres. Ils sont également accusés d’avoir enlevé 20 000 civils, nombre d’entre eux étant des enfants, pour les utiliser comme soldats.



De 2005 à 2008, la violence avait diminué lorsque l’ARS avait trouvé refuge autour du parc national de la Garamba en RDC. Mais en 2008, après l’échec des négociations de paix avec le gouvernement, Kony avait appelé ses hommes à prendre les armes et les atrocités avaient repris au nord-est.



Une offensive conjointe des forces ougandaises, congolaises et soudanaises avait simplement eu pour effet d’éparpiller les combattants à travers la région.



Selon les règles de la CPI, il est possible pour le Procureur d’ajouter de nouvelles charges contre l’ARS, l’article 58.6 du Statut de Rome prévoyant que, “Le Procureur peut demander à la Chambre préliminaire de modifier le mandat d'arrêt en requalifiant les crimes qui y sont visés ou en y ajoutant de nouveaux crimes. La Chambre préliminaire modifie le mandat d'arrêt si elle a de bonnes raisons de croire que la personne a commis les crimes requalifiés ou les crimes nouveaux.”



Mais cela ne semble pas prêt d’arriver de sitôt. Un représentant du bureau du procureur à la CPI a indiqué à l’IWPR que l’arrestation de Kony et des autres était la priorité de la Cour, et non pas l’ajout de nouvelles charges à des actes d’accusation existants.



“Trop de temps a été gaspillé et la raison pour laquelle les crimes continuent est le manque d’arrestations des personnes pour lesquelles des mandats d’arrêt avaient été issus en 2005,” a déclaré Emeric Rogier.



“La principale priorité pour le Bureau du procureur, et pour tous ceux qui cherchent à mettre fin aux crimes continus de l’ARS, doit être l’arrestation des trois commandants principaux de l’ARS pour lesquels des mandats d’arrêt ont été émis il y a plus de quatre ans.”



Cependant, Rogier a déclaré que la CPI avait enquêté sur les crimes allégués de l’ARS en RDC.



“Au cours des 18 derniers mois, ce bureau a récolté des informations, y compris des témoignages de victimes et de témoins directs, qui indiquent que, suite à l’ordre donné par Joseph Kony de commencer une nouvelle campagne d’enlèvements, il y a eu plus de 2 000 enlèvements, plus de 1 250 meurtres et plus de 300 000 personnes déplacées en RDC, au Soudan et en RCA, a-t-il dit.



Le gouvernement congolais pense aussi que l’arrestation de Kony devrait être la première priorité.



“Pour tout ce qui s’est passé après l’émission du mandat d’arrêt, nous devons prendre en compte le fait que la Cour sera en mesure d’ajouter ces nouveaux développements quand l’arrestation aura lieu. Le Procureur sera en mesure de les ajouter à son acte d’accusation,” a déclaré Lambert Mendé, le ministre de la communication de la RDC.



Mendé estime le nombre de combattants de l’ARS en RDC à environ 150 à 200 personnes alors que d’autres suggèrent que le chiffre serait plus proche de 1 000.



Keppler pense que l’ajout de nouvelles charges est un geste important pour les victimes de l’ARS.



“Actuellement il existe des communautés de victimes ougandaises représentées dans les charges existantes. Les communautés en RDC ne sont pas inclues dans les charges pour les crimes qui existent actuellement,” a-t-elle dit. “S’assurer que justice soit faite comprend le fait d’avoir un sens de réparation pour les victimes, ce qui ne sera pas possible si n’existe pas de représentation des crimes du genre de ceux commis en RDC.”



Mariana Goetz de l’ONG Redress, qui travaille avec les victimes de torture, a convenu que les charges liées à la RDC devraient être ajoutées à l’affaire de la CPI contre l’ARS.



“Pour les victimes, il est important que la justice reconnaisse publiquement leurs souffrances,” a déclaré Goetz.



Mélanie Gouby est reporter de l’IWPR à La Haye. Gabriel Shabani est un journaliste basé à Kinshasa qui produit l’émission de radio « face à la justice » de l’IWPR.
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