Les veuves congolaises privées d'héritage

La loi est ignorée au profit de la conception traditionnelle qui veut que les femmes n’aient pas droit d’hériter des biens de leurs maris.

Les veuves congolaises privées d'héritage

La loi est ignorée au profit de la conception traditionnelle qui veut que les femmes n’aient pas droit d’hériter des biens de leurs maris.

Monday, 27 June, 2011

Selon plusieurs groupes de défense des droits de l’Homme, en République démocratique du Congo, RDC, les veuves se voient retirer leur droit légal d’hériter les biens de leurs maris défunts.

Les droits de succession sont depuis longtemps une question controversée, en particulier dans les zones rurales où les règles coutumières l’emportent sur le droit positif.

En RDC, la législation garanti aux femmes le droit d’hériter des biens de leur mariage, mais dans la pratique, cette législation est neutralisée par la conception que les biens de la famille doivent être transmis à la lignée masculine. L’épouse est considérée comme la propriété de son mari et n’a pas de droit propre à posséder des biens, en particulier, mais pas seulement, des terres.

“Lorsqu’une femme survit à son mari, la tendance est souvent celle du non respect [de la loi] par la famille de son époux défunt, en particulier si la femme n’a pas d’emploi rémunéré,” selon un récent rapport de la Dynamique des Femmes Juristes, DFJ, une organisation basée à Goma, dans l’est de la RDC. “Cette attitude est tout simplement injuste car la participation des femmes à la vie du foyer ne peut pas être ignorée.”

Miriam, une habitante de Goma âgée de 45 ans qui a perdu son mari il y a deux ans, a expliqué à l’IWPR qu’il avait été impossible pour elle de réclamer sa part d’héritage.

“Quand mon mari est mort, tous nos biens ont été pris par ma belle famille. Ils m’ont accusée d’être responsable de la mort de mon mari. Alors je n’ai pas pu hériter,” explique-t-elle.

Le mariage civil de Miriam avait été enregistré auprès de l’État, ce qui lui octroyait automatiquement un droit à hériter de tous les biens acquis pendant le mariage. Cela n’a pas empêché la famille de son défunt mari de tout prendre.

“Ils ont tout pris: ma maison, les voitures, les champs - ils ont tout pris,” a-t-elle dit. “Même les enfants n’ont rien eu des biens de leur père.”

Après la mort de son mari, Miriam avait été expulsée de sa maison et subvient désormais aux besoins de sa famille en travaillant comme femme de ménage.

“Mes enfants vivent maintenant dans la misère et la pauvreté, alors que les champs et les maisons de leur père sont occupés par les membres de sa famille,” a-t-elle dit.

Les cas comme celui de Miriam violent clairement la loi.

“Le droit congolais est clair sur les questions de succession et d’héritage,” explique Mireille Ntabuka, directrice de la DFJ. “Les femmes font partie des différentes catégories de bénéficiaires envisagées par la loi, que le défunt ait laissé un testament ou non. En vertu des règles en vigueur, lorsque l’un des époux meurt, le partage des biens a lieu selon le [type de] contrat de mariage choisi par les époux.”

Ntabuka fait référence à la différence entre un mariage de droit civil, qui stipule des droits de propriété égaux pour les deux partenaires et un héritage complet pour l’un si l’autre meurt; et les mariages traditionnels, non enregistrés, qui ne sont pas reconnus par l’État et ne confèrent donc pas les mêmes droits aux épouses.

Même les femmes qui connaissent la loi peuvent être privées d’héritage car, selon certains, elles ne méritent pas leur part.

“En RDC, quand un homme meurt, sa famille se retourne contre sa femme. Ils l’accusent de n’avoir jamais travaillé et disent qu’elle ne peut donc pas hériter, étant donné que tout appartient au mari,” a déclaré Feza Mukendi Mireille du Norwegian Church Aid à Goma. “D’autres familles accusent la femme d’avoir tué son mari. C’est pourquoi, certaines femmes sont rejetées par leurs beaux parents et privées d’héritage.”

Souvent les veuves ne peuvent pas se permettre de porter plainte contre leurs belles familles.

“Lorsque mon mari est mort et que nos biens ont été pris par sa famille, j’ai voulu les poursuivre. Malheureusement je n’avais pas assez d’argent pour ce faire,” a déclaré Masika Sikuli, une veuve de Goma.

Néanmoins, le mariage civil reste la seule institution qui donne au moins la possibilité d’obtenir légalement réparation. Certaines églises demandent désormais aux couples de passer par la cérémonie d’enregistrement civil avant de procéder au mariage religieux.

“Le mariage civil est une des stratégies pour que les femmes aient accès à l’héritage comme les hommes,” a déclaré James Kambere Nzumuka, le maire de Goma. “Les gens ne savent pas pourquoi il faut le faire, combien c’est important. Beaucoup utilisent simplement les coutumes et le mariage religieux, et ils ont des problèmes [après].”

Passy Mubalama est une journaliste formée par l’IWPR à Goma.

 

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