Les pygmées persécutés fuient la forêt

Traqués et maltraités par les milices, nombre d’entre eux ont été forcés à s’installer dans des villes et villages où ils souffrent de discrimination et d’humiliation.

Les pygmées persécutés fuient la forêt

Traqués et maltraités par les milices, nombre d’entre eux ont été forcés à s’installer dans des villes et villages où ils souffrent de discrimination et d’humiliation.

Wednesday, 20 May, 2009
Ils font partie des premiers habitants du pays, mais la guerre, les préjugés et la marginalisation ont forcé les pygmées de la province sud-est du Katanga à se mettre en marge de la société congolaise.



Connus localement sous le nom de Batembo, des milliers de pygmées vivaient autrefois dans les forêts du territoire de Pweto au Katanga – et il reste aujourd’hui à peine 400 à 500 familles. De nombreux autres ont fui ou ont été tués au cours des ravages provoqués de 2003 à 2006 par le chef de milice Gédéon Kyungu Mutanga et ses soldats Mai Mai.



Le 5 mars dernier, après un procès de 19 mois, un tribunal militaire du Katanga a reconnu Mutanga coupable de crimes contre l’humanité, insurrection et terrorisme dans le soi-disant “triangle de la mort” qui inclut Pweto. Vingt autres personnes ont également été reconnues coupables pour des chefs d’accusation similaires. Mutanga, couramment désigné par son prénom, et six autres accusés, ont été condamnés à mort pour les crimes commis à Pweto.



Des groupes de défense des droits de l’Homme ont décrit le procès comme un évènement historique, indiquant que les juges avaient utilisé la définition des crimes contre l’humanité qui se trouvait dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.



Le cannibalisme figurait parmi les atrocités dont les soldats étaient accusés. Ils pensaient que cela leur donnait de la force, et les pygmées étaient donc souvent sujets à de telles attaques, en raison de la croyance répandue selon laquelle ils sont particulièrement forts.



“[Les troupes de Gédéon] pensaient que le fait de manger un coeur vaillant leur permettait d’atteindre la puissance,” a expliqué Fulgence Muteba, l’évêque catholique de Pweto et des villes voisines de Kilwa et Kasenga.



“Les pygmées de Pweto ont été victimes non seulement de meurtres mais aussi de mutilations, certains d’entre eux portant toujours les traces sur leurs corps aujourd’hui.”



Muteba s’est récemment rendu dans la capitale provinciale Lubumbashi pour sensibiliser les journalistes et les hommes politiques au sujet de leur situation critique dans son secteur.



Les soldats du Mouvement pour la libération du Congo, MLC, dirigé par l’inculpé de la CPI Jean-Pierre Bemba, ont également été accusés de s’en être pris à des pygmées dans la province nord de l’Equateur.



Des groupes de défense des droits de l’Homme ont appelé la CPI a enquêter sur des allégations comprenant le cannibalisme. Bemba fut finalement arrêté en 2008 pour différents crimes qui auraient été commis par le MLC en République centrafricaine, RCA, voisine. Il nie toutes ces accusations.



A Pweto, l’agitation a forcé de nombreux pygmées à abandonner la forêt où ils vivaient pour s’installer dans les villes et villages de la région, espérant un avenir meilleur avec une plus grande sécurité. Mais la transition n’a pas toujours été facile.



Célestin Mahisha est venu de Moba à Lubumbashi. Comme beaucoup de pygmées, il a trouvé l’intégration à la vie citadine difficile et a souffert de préjugés et de discrimination. A l’école, on se moquait de lui parce qu’il était petit et plus tard, il a eu des difficultés à trouver un travail pour les mêmes raisons.



“J’ai du être patient et endurer l’humiliation pour obtenir mon diplôme,” a déclaré Mahisha. “Dans ma recherche de travail, j’ai été rejeté par tout le monde. Ma présence était indésirable en raison de ma petite taille.”



Il pu finalement trouver un travail dans une quincaillerie comme caissier et est maintenant marié et père de deux enfants. “J’ai une grande femme, plus vieille que moi,” a-t-il dit. “Elle me respecte, et nos enfants sont en bonne santé. Ils ne sont pas petits, je peux vous l’assurer.”



La marginalisation et l’humiliation dont souffrent les pygmées tels que Mahisha sont courantes dans tout le Congo où ils sont considérés comme primitifs et sauvages. Muteba a indiqué à l’IWPR que les pygmées de son secteur étaient utilisés comme boucs émissaires et souvent accusés des problèmes quotidiens qui affectent les villages locaux.



“Récemment à Pweto un incendie de brousse a détruit plusieurs champs du village, dont l’un était couvert de chanvre. Les pygmées ont été accusés d’avoir causé cet incendie,” a-t-il dit. “En représailles, les [autorités locales] ont ordonné qu’ils soient dépouillés de leurs biens…en particulier l’aide humanitaire qu’ils venaient juste de recevoir de [l’organisation caritative] Caritas.



“Tous les pygmées ont été frappés, torturés et par dessus tout sommés de quitter le village pour de bon. Certains sont retournés dans la forêt. D’autres cherchent encore aujourd’hui un endroit où se réfugier.”



L’activiste des droits de l’Homme Marc Yungwe appelle les pygmées à se lever pour se défendre et “dénoncer les auteurs lorsqu’ils sont victimes de sévices, au lieu de retourner vivre dans la forêt ”.



Cependant, il reconnaît que les autorités doivent aussi jouer leur rôle. “Exterminer les pygmées c’est essayer d’effacer une partie de notre histoire,” a indiqué Yungwe. “C’est un acte qui mérite d’être puni très sévèrement.”



Une solution à la discrimination et aux mauvais traitements, selon lui, serait d’intégrer les pygmées dans la vie politique congolaise. “Je demande aux dirigeants de notre pays de prendre en compte la représentation des pygmées dans le processus de décision, comme c’est le cas pour nos frères tutsis du Kivu,” a-t-il dit.



Mahisha a une simple revendication pour ses compatriotes congolais, “La discrimination n’est pas une bonne chose. Nos frères doivent comprendre que nous sommes tous congolais. Nous devons être unis.”



Héritier Maila est un reporter de Lubumbashi formé par l’IWPR.
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