Les législateurs congolais subissent des intimidations

Les législateurs dans la province du sud soutiennent que de jeunes activistes acharnés les empêchent de voter librement.

Les législateurs congolais subissent des intimidations

Les législateurs dans la province du sud soutiennent que de jeunes activistes acharnés les empêchent de voter librement.

The home of the provincial parliament of Katanga, where opposition members say they are intimidated by supporters of the UNAFEC party of parliament speaker Gabriel Kyungu. (Photo: Nick Hobgood)
The home of the provincial parliament of Katanga, where opposition members say they are intimidated by supporters of the UNAFEC party of parliament speaker Gabriel Kyungu. (Photo: Nick Hobgood)
Wednesday, 2 June, 2010

Dans la galerie du public de l’Assemblée provinciale du Katanga, un groupe de jeunes se rassemble. Vêtus de survêtements et frappant bruyamment sur des tambours, ils chantent des chants animés pour vénérer le président du parlement provincial, Gabriel Kyungu. Ils raillent ses opposants lors des sessions plénières.

Les politiciens de l’opposition expliquent que la présence imposante de ces jeunes gens, qui apportent tous leur soutien à l’Union nationale des démocrates fédéralistes, UNAFEC, sape la démocratie et limite leur liberté de vote.

Kyungu est le chef de l’UNAFEC au Katanga, une province riche en minéraux dans le sud de la République démocratique du Congo, RDC.

Urbain Kisula, un parlementaire, réagi en ces termes, “Ces jeunes ne croient pas en Dieu ou au diable. Leur présence dans la salle n’est pas propice au déroulement harmonieux des séances plénières. Avec des choses comme ça, il est difficile pour notre jeune démocratie d’évoluer.”

Un autre parlementaire qui a préféré rester anonyme, a ajouté, “Lors d’importantes sessions plénières, nous recevons même des messages sur nos téléphones nous menaçant de mort si nous ne votons pas conformément aux souhaits du parti de l’UNAFEC.”

Le député Michel Momat explique que la démocratie est un problème particulier pour la province du Katanga, et la présence perturbatrice des sympathisants de l’UNAFEC rend les choses encore plus difficiles pour que la démocratie s’installe.

"Nous ne sommes pas contre le président du parlement," a-t-il dit. "Ce que nous demandons est que les parlementaires puissent s’exprimer librement, et ce n’est pas le cas en ce moment."

Norbert Tshiswaka, un habitant de Lubumbashi, partisan enthousiaste des débats politiques dans l’assemblée provinciale du Katanga, explique que les jeunes ont une réputation de violence et d’intimidation et qu’ils n’hésitent pas à assaillir ceux qui s’opposent aux idées de l’UNAFEC.

“Dans cet environnement, dans cette atmosphère, pensez-vous que les parlementaires puissent s’exprimer librement?” interroge Tshiswaka. “Je ne pense pas, particulièrement étant donné que tout le monde sait ce que ces jeunes sont capables de faire.”

Le député Monga Tutu explique qu’il ne sait que trop bien ce que ces supporters de l’UNAFEC peuvent faire, après avoir été attaqué par une demi douzaine d’entre eux le 28 janvier dernier. Il pense avoir été attaqué en raison d’une motion qu’il avait soumise, et que Kyungu désapprouvait. La motion ne fut jamais adoptée, étant donné que Kyungu, le président avait refusé de l’admettre au débat.

Tutu, blessé au visage par un couteau, déclare que bien qu’il ait porté plainte auprès des autorités, il n’y a eu aucune tentative d’amener les coupables devant la justice.

Selon lui, étant donné que l’UNAFEC s’est allié au président Joseph Kabila, ses sympathisants bénéficient d’une impunité qui n’est pas octroyée aux hommes politiques d’autres partis.

“Mes agresseurs circulent librement comme s’ils n’avaient commis aucun crime,” a-t-il dit. “Pouvons-nous dire qu’un organe judiciaire indépendant existe dans ce pays? Selon moi, les jeunes ne sont pas poursuivis parce qu’ils sont de l’UNAFEC et... le parti est intouchable.”

Cependant, Kyungu nie que les supporters de son parti soient impliqués dans des activités criminelles ou des tentatives d’intimidation.

“Nous ne faisons preuve d’aucune tolérance envers la violence politique,” a-t-il dit. “Les accusations ont été faites sans fondement. Il n’y a aucune preuve que ces jeunes soient de l’UNAFEC.”

Hervé Kabarde, un avocat de l’ONG locale Justice pour toute l’humanité, rappelle qu’il y a déjà eu des incidents semblables par le passé.

Selon Kabambi, les députés subissent souvent des pressions quand ils viennent voter.

“Lors de l’élection du gouverneur en janvier 2007, certains parlementaires voulaient que leur vote reste secret," a-t-il dit. "Mais, à notre surprise, le président du parlement s’était imposé et avait fait passer le vote par appel nominal.”

Le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, vient du parti au pouvoir de Kabila, le parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, PPRD.

Kabambi explique qu’étant donné que le public peut savoir de quelle manière vote chaque député, nombre d’entre eux sont intimidés et ne se sentent pas libres de voter comme ils le souhaitent.

Nelly Mukenday, observatrice politique, rappelle le cas d’une session plénière tenue en juin dernier, au cours de laquelle plusieurs députés avaient soumis une motion appelant à la destitution du gouverneur. Pour que la motion soit passée, plus de la moitié des députés devaient donner leur accord.

“La pétition avait été signée par 53 députés sur 102," raconte-t-il. "Mais le président s’était imposé et avait demandé que chaque député qui avait signé la pétition confirme sa signature.

“Les députés avaient pris peur et commencé à retirer leurs signatures une par une. La présence de jeunes [supporters de l’UNAFEC] dans la pièce a toujours été un problème pour un débat politique libre.”

Cependant, les politiciens de l’UNAFEC, nient les allégations selon lesquelles le vote parlementaire serait influencé de manière non équitable par les sympathisants du parti présents dans la galerie du public.

“Personne n’influence l’assemblée provinciale," a déclaré le député Clément Mufundji de l’UNAFEC. "C’est juste que nous avons la majorité. C’est pourquoi, il est logique que nous remportions les votes devant l’assemblée provinciale."

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