Les Hema se sentent innocentés par la crise du procès Lubanga

Les sympathisants du chef de milice déclarent que le chaos qui a marqué son procès est la preuve qu’iI n’aurait jamais du être inculpé.

Les Hema se sentent innocentés par la crise du procès Lubanga

Les sympathisants du chef de milice déclarent que le chaos qui a marqué son procès est la preuve qu’iI n’aurait jamais du être inculpé.

Pour les clients de cette hutte de terre de la périphérie de Bunia, où l’on peut trouver une bolée de mandro, une bière locale trouble de fabrication artisanale, la Cour pénale internationale, CPI, a eu tort de poursuivre Thomas Lubanga.



De nombreuses personnes de cette hutte de Mudzi-pela – du côté de Bunia presque entièrement occupé par le groupe ethnique hema auquel Lubanga appartient – pensent que les retards et les problèmes du procès sont un signe que l’affaire était faible dès le début.



“[Cela] montre que la CPI ne peut pas prendre l’affaire en main. Nous ne pouvons pas comprendre pourquoi ils ont repoussé le procès à de si nombreuses reprises,” déclare un client, qui, au côté des autres, considère Lubanga comme un héros, et non un malfaiteur.



Le procès était censé commencer le 23 juin, mais les juges l’ont reporté après avoir conclu que l’Accusation s’était abstenue de communiquer “un nombre considérable” d’éléments de preuve à la Défense. Pour les juges, cette violation est si grave qu’ils ont prévu de se réunir le 24 juin pour décider si Lubanga va être libéré et si la procédure à son encontre va être annulée.



Lubanga, qui est actuellement en détention à La Haye, a été accusé du recrutement d’enfants de moins de quinze ans pour les faire participer au sein de sa milice, l’aile militaire de son parti politique, l’Union des Patriotes Congolais, UPC.



De violents affrontements entre les Lendu et les Hema dans la région de l’Ituri, au Nord est de la République démocratique du Congo, RDC, sont nés d’un conflit civil qui a éclaté dans la région il y a plus de dix ans.



La décennie de guerre, qui a entraîné la mort de plus de cinq millions de personnes, selon de récents rapports, a vu l’effondrement des deux régimes et la multiplication de nombreux groupes de milices rivales de base ethnique dans l’est du Congo.



La région de l’Ituri a été au centre des préoccupations de la CPI depuis 2003, ce qui a résulté en l’arrestation de quatre Congolais, y compris Lubanga, Germain Katanga, Matthieu Ngudjolo, et Jean Pierre Bemba, un sénateur et ancien candidat à la présidentielle. Le chef de milice Bosco Ntaganda a également été inculpé mais il est toujours en liberté dans l’est du Congo.



Le début du procès de Lubanga –le premier à être poursuivi par la CPI – était au départ prévu pour le 31 mars.



Diverses raisons ont été données pour les retards, y compris la non-communication par les Procureurs de tous les documents de preuve et de l’identité des témoins à charge à la Défense.



A Mudzi-pela, Lubanga est un considéré comme un sauveur qui a défendu les gens au cours de la guerre décennale.



“Thomas est venu à notre secours,” déclare une femme. “Nous étions en tain de courir pour sauver notre peau, avec nos bébés dans les bras. Il est venu nous aider.”



Elle montre le chemin de terre à l’extérieur de la hutte où, selon elle, cinq personnes ont été tuées.



“Des gens essayaient de nous tuer. Ils étaient lendu,” ajoute une autre femme. “Thomas [Lubanga] nous a vraiment aidés.”



Les interruptions répétées dans la procédure contre Lubanga sont, pour les critiques de la Cour au sein de la région, un signe qu’aucune affaire n’aurait jamais du être ouverte contre lui.



“La [CPI] raconte des mensonges,” s’exclame un homme, ajoutant que de nombreux orphelins hema ont eu peu d’autres possibilités que de devenir des combattants. Imaginez que les [Lendu] viennent et tuent votre famille. C’est mieux d’être un enfant soldat. Les enfants ont reçu un moyen de se défendre.”



De nombreux locaux hema pensent que les meurtres commis dans le voisinage sont pour la plupart à mettre sur le compte des forces gouvernementales et que Lubanga n’a jamais été plus qu’un acteur de moindre importance dans le conflit.



“Ils [la CPI] ne comprennent pas ce qui s’est passé ici. La CPI n’a pas eu toutes les informations. La CPI n’est pas capable de juger Thomas Lubanga. Il devrait être ramené ici,” ajoute un autre homme.



Les gens sur place veulent que plus de suspects de haut rang soient inculpés pour leur rôle dans le conflit, explique Alfred Nbugu, un prêtre catholique qui travaille avec l’organisation Caritas à Bunia.



De nombreux Hema, selon lui, ne comprennent pas comment le recrutement d’enfants soldats sont devenus une priorité par rapports aux meurtres de masse de civils innocents, “Les gens veulent que ceux qui ont tué 60 000 personnes dans la communauté soient arrêtés.



“Lorsqu’ils arrêteront ceux qui ont le pouvoir au sein du gouvernement, pas uniquement les petits poissons, alors les gens commenceront à faire confiance à la CPI. La CPI est face à un défi pour expliquer son approche.”



Du côté lendu de Bunia, dans le voisinage de Kindia, le chef de communauté Ernest Peke assis devant sa maison, à la limite de la ville, nous indique la colline distante qui a servi à l’entraînement des milices qui ont fréquemment envahi la zone.



“Il y avait une grosse maison ici. Elle a été complètement détruite”.



Il attribue la responsabilité pour la plus grande partie des meurtres de la décennie passée aux forces de l’Ouganda et du Rwanda voisins, dont les armées ont occupé la région de 1998 à 2003.



Peke indique que le recrutement d’enfants soldats a été une pratique largement répandue et connue. “[Beaucoup] d’enfants ont perdu leurs parents, alors c’était facile pour eux de rejoindre ces groupes,” explique-t-il.



La communauté lendu, poursuit-il, est profondément frustrée par les retards continus dans le procès de Lubanga.



“[Le procès] devrait avoir lieu aussi vite que possible,” déclare Peke. “Si la CPI n’a pas de preuves, alors ils devraient le relâcher. Le garder en prison comme ça n’est bien pour personne.”



Peter Eichstaedt est le rédacteur Afrique à l’IWPR.
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