Les frais de police dissuadent les plaignants

Obligés de payer pour porter plainte, les Congolais cherchent des solutions au delà de la loi.<br />

Les frais de police dissuadent les plaignants

Obligés de payer pour porter plainte, les Congolais cherchent des solutions au delà de la loi.<br />

Thursday, 19 November, 2009
Peu de gens font confiance aux verdicts rendus par les tribunaux en République démocratique du Congo, RDC, où la corruption est monnaie courante.



Mais même avant qu’un procès puisse commencer, nombreux parmi ceux qui cherchent à obtenir justice se voient demander de payer de fortes sommes d’argent juste pour porter plainte.



Cela signifie que beaucoup de personnes des milieux les plus pauvres de la société se voient refuser un plein accès au système judiciaire et sont forcées de régler leurs différends hors des tribunaux.



Lorsque Léon a eu un problème avec son voisin, qu’il accusait de ne pas avoir honoré une dette, il a décidé d’aller porter plainte au poste de police local.



“La première chose qu’on vous dit avant que votre affaire soit entendue est que vous devez payer une somme d’argent, que la police appelle 'makola ya soda' ('transport' en Lingala, l’une des langues de la RDC). Si vous n’avez pas cet argent, vous ne pourrez pas être entendu. Porter plainte au Congo signifie d’abord donner de l’argent.”



La police explique que cet argent est nécessaire pour payer le transport, qui lui permet de se déplacer et d’enquêter de manière adéquate sur les crimes présumés. Cependant, les critiques de ce système déclarent que le paiement est simplement une forme de corruption et est contraire au droit congolais.



La difficulté de l’accès à la justice créé un environnement dans lequel beaucoup de citoyens préfèrent résoudre les différends en dehors du système juridique formel du pays.



“Par manque d’argent on préfère se rencontrer et s’arranger entre nous au lieu d’aller à la justice où on va nous demander beaucoup d’argent que nous n’avons même pas,” explique Bestob Sapula, un habitant de Lubumbashi. “Nous préférons aller chez les sages du quartier qui nous départagent. Si à ce niveau on ne trouve pas de solution, nous recourons même aux pasteurs des églises.”



A Lubumbashi, une récente affaire au cours de laquelle une fille de 16 ans avait accusé un jeune homme de 19 ans de l’avoir violée avait été réglée en dehors du tribunal, parce que les coûts de l’enregistrement de la plainte étaient trop élevés pour la famille de la jeune fille.



Suite à des négociations, la famille de l’accusé avait accepté de payer une somme d’argent équivalente à 100 dollars US, une chèvre, un sac de sel et un bidon d’huile de palme.



Hervé Kabambi, avocat auprès de l’ONG Justice pour toute l’Humanité, explique que tout le monde a droit à un accès gratuit à la justice, mais que, en raison d’un manque d’information, de nombreux citoyens ne savent pas qu’ils n’ont pas à payer.



Il a exhorté le gouvernement à organiser des ateliers éducatifs où les gens pourraient être informés de leurs droits.



Les mots de Kabambi trouvent un écho auprès de Claude Mawazo, un magistrat.



“Si une personne demande combien cela coûte de porter plainte, le magistrat comprend immédiatement que cette personne ne connaît pas la loi,” a déclaré Mawazo. “Le magistrat donne ensuite un chiffre pour un tarif forfaitaire. Il n’y a pas de prix fixe. Certains payent 100 dollars US. D’autres payent plus, d’autres moins.”



Yvonne raconte que, après avoir été la victime d’une fraude financière, les magistrats lui ont demandé de payer 50 dollars simplement pour enregistrer la plainte.



“Vous voyez comment les magistrats se font de l’argent facilement. Je ne [vois pas l’intérêt] de la justice dans notre pays parce qu’elle existe pour les plus forts, les bourgeois. Car si tu n’as pas l’argent, tu ne peux pas porter plainte.”



Les magistrats justifient la taxe pour l’enregistrement de la plainte qu’ils exigent en disant que sans cela, ils ne seraient pas en mesure de faire leur travail dans de bonnes conditions. Le système de justice congolais reste handicapé par un manque de moyens, avec des employés sous-payés qui travaillent souvent sans avoir accès aux ressources basiques.



“Nous manquons de fournitures de bureau,” explique un magistrat, parlant sous le sceau de l’anonymat. Avec cet argent, nous pouvons acheter du papier et des stylos. Nous travaillons comme au Moyen âge. Nous écrivons tout à la main. C’est pourquoi nous demandons quelque chose en retour.”



Joseph Mwenge, officier de police au commissariat de Lubumbashi, indique que s’ils n’exigeaient pas de frais de transport, ils ne seraient pas en mesure d’enquêter de manière adéquate sur les crimes.



“Nous n’avons pas de voiture à notre disposition quand nous devons nous déplacer,” explique-t-il. “Je ne peux pas dépenser de mon argent pour aller arrêter un accusé ou acheter les fournitures de bureau. Il faut que le plaignant supporte mon transport et certains frais. S’il reste un peu d’argent à la fin de la journée nous le partageons entre ceux qui ont travaillé ce jour-là.”



Héritier Maila est un reporter formé par l’IWPR.

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