Les factions rebelles du Darfour luttent pour s'unir

Les divisions entre les rebelles restent une pierre d’achoppement à la paix au Darfour, et laissent craindre une escalade de la violence.

Les factions rebelles du Darfour luttent pour s'unir

Les divisions entre les rebelles restent une pierre d’achoppement à la paix au Darfour, et laissent craindre une escalade de la violence.

Thursday, 6 December, 2007
La confusion qui émane de la profusion de groupes rebelles au Darfour ainsi que le boycott des pourparlers de paix par les principaux chefs des émeutes ont créé des barrières à la résolution d’un conflit de cinq ans dans une région déchirée par la guerre.



Le manque d’unité entre les groupes rebelles a laissé la porte ouverte à des bains de sang répétés et fondés sur des critères ethniques, malgré les efforts persistants des médiateurs internationaux visant à rapprocher les groupes entre eux.



L’absence d’Abdul Wahid Mohammed Nur, chef de l’Armée de libération du Soudan, ALS, a été un facteur critique dans l’échec lamentable des pourparlers de Sirte, en Libye, le mois dernier. En tant que principal chef des rebelles, il a insisté avec d’autres sur un accord portant sur un cessez-le-feu avec le gouvernement du Soudan avant l’ouverture du dialogue.



Nur, 39 ans, ancien avocat aujourd’hui en exil à Paris, a refusé d’assister aux débats tant qu’une zone de non vol de serait pas décrétée au dessus du Darfour et que la violence envers les Darfouris ne prendrait pas fin.



Le gouvernement du Soudan n’a, pour sa part, pas souhaité faire de commentaire sur la question.



Bien que le conflit à l’ouest du Soudan ait été qualifié de génocide par les États-Unis en 2003, très peu a été fait pour mettre un terme à la violence malgré la présence de plusieurs milliers de soldats déployés par l’Union africaine, UA.



La guerre et les effets de la famine et de la maladie ont entraîné la mort d’au moins 200 000 personnes et le déplacement de deux millions d’autres au Darfour.



Le gouvernement soudanais de Khartoum indique lui que seulement 9 000 personnes ont péri.



Entre-temps, la Cour pénale internationale, CPI, a accusé le ministre soudanais Ahmed Harun et le commandant de la milice Janjaweed Ali Kushyb de travailler ensemble pour attaquer, persécuter, tuer, violer, torturer et procéder au transfert forcé des populations Fur, Zaghawa et Masalit hors du Darfour, un très grand nombre de personnes ayant pris la fuite vers le Tchad voisin.



La Cour indique qu’Harun et Kushayb se seraient rendus coupables de 51 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris du transfert forcé d’au moins 60 000 civils dans l’ouest du Darfour.



D’autres factions rebelles clefs au Soudan qui boycottent les pourparlers sont le Mouvement pour la justice et l’égalité, MJE, dirigé par Khalil Ibrahim, et l’ l'Armée de libération du Soudan-Unité, une faction de l’ALS dirigée par Mini Minawi.



Contacté par l’IWPR, Nur a déclaré qu’il s’opposait au choix de la Libye comme lieu de tenue des pourparlers, car le président Mouammar Kadhafi est trop proche du gouvernement de Khartoum.



Nur a cité plusieurs cas de violations de cessez-le-feu et a insisté sur le fait que toute trêve dépourvue de la présence d’une force internationale musclée pour la mettre en œuvre est inutile.



Sans une telle force de l’ONU, a indiqué Nur, « cela va donner au gouvernement la légitimité de tuer des gens, de violer ».



Les discussions en cours, a-t-il dit, font plus de mal que de bien, « Le processus en cours n’est pas une vraie paix. Il prolonge la souffrance de notre peuple et complique le problème du Darfour ».



La solution à la crise doit venir de l’intérieur du Soudan, a-t-il déclaré, et ne peut être imposée de l’extérieur. « La direction politique ne sera pas créé en Libye ou par la communauté internationale. La direction [devrait être reconnue] par les gens sur le terrain ».



Nur a également défendu son boycott, « Je ne suis pas un criminel. Je ne suis pas un saboteur de la paix. La véritable paix ne sera pas faite en Libye et ne sera pas atteinte au moyen de ce processus ».



Au cours des cinq dernières années, les rebelles du Darfour se sont dispersés en plusieurs petits groupes, chacun réclamant le contrôle de fiefs encore plus petits.



En résultat, les chefs rebelles principaux tels que Nur ne sont pas disposés à s’engager dans un processus de paix alors que les factions luttent pour la reconnaissance et que l’opportunisme prend le pas sur l’agenda des discussions.



Malgré cela, les rebelles sont presque unanimes dans leur demande d’un cessez-le-feu comme une condition préalable à d’autres discussions.



« C’est tout ce dont nous avons parlé, cessez-le-feu, cessez-le-feu, cessez-le-feu », a déclaré Hashim Hamad, le conseiller politique d’une faction de l’ALS.



Les rebelles veulent aussi que les négociations abordent la question des terres, du partage du pouvoir et de la sécurité au Darfur.



L’envoyé spécial de l’ONU au Darfour, Jan Eliasson, et son homologue de l’Union africaine, Salim Ahmed Salim, sont d’accord sur le fait que les rebelles du Darfour doivent se présenter en front uni s’ils espèrent trouver une solution politique au conflit.



« Les discussions ne peuvent pas reprendre sans que la plupart des principales factions rebelles soient présentes », a déclaré Salim à l’IWPR, mais aucun des chefs majeurs de l’insurrection n’a indiqué si et quand il allait revenir.



L’échec des pourparlers de Sirte signifie aussi que la force de 26 000 hommes annoncée qui devait être déployé par l’ONU au Darfour pourrait être sérieusement retardée.



Suleiman Jahmous, un chef rebelle Darfouri respecté et le coordinateur humanitaire pour l’ALS-Unité, a déclaré que son groupe s’engageait pour le processus de paix et exhortait les autres à le rejoindre.



« Il est préférable que la communauté internationale et les rebelles s’acceptent mutuellement et s’assoyent à la même table pour s’unifier et négocier le problème du Darfour en tant que groupe uni », a indiqué Jahmous à l’IWPR. « Nous ne devrions laisser personne de côté ».



Le manque d’unité a également conduit à des effusions inutiles de violence alors que certaines factions voient la présence des forces de l’UA comme une aide au gouvernement du Soudan.



« Depuis la signature de l’Accord de paix du Darfour, les soldats de la mission de l’Union africaine au Soudan (AMIS) sont pris pour cibles parce que les groupes de milice locaux les associent aux signataires de l’[Accord] de paix du Darfour », a déclaré Hashim Mloso, un travailleur humanitaire de Save the Children au Darfour.



Une faction de l’ALS-Unité, conduite par Abdallah Yahia, a attaqué une base de l’Union africaine à Haskanita et a tué dix personnes, en blessant des dizaines d’autres, et provoquant la colère des observateurs internationaux.



Des progrès ont cependant été faits vers l’unité.



Les rebelles semblent avoir établi un front commun après des discussions ayant eu lieu ce mois-ci à Juba, au sud du Soudan.



Selon les résolutions de la réunion, que l’IWPR a pu obtenir, les autres factions rebelles, ou ramifications du MJE et de l’ALS, tels que Commandement révolutionnaire de campagne, le Front démocratique et patriotique et le Commandement révolutionnaire soudanais, ont mis leurs forces en commun sous un commandement unique.



Jarelnabi Abdelkarim, un des comandants rebelles du SLM au nord du Darfour, a indiqué que des efforts étaient mis en oeuvre pour atteindre Nur et Ibrahim du MJE.



« Nous avons mis en place un comité chargé de contacter les deux mouvements (ALS et MJE) et si possible, d’initier la coordination avec eux », a indiqué Abdel Karim.



Jamous, de l’ALS-Unité, a expliqué, « Nous essayons, dans la mesure du possible, de regrouper l’Armée de libération du Soudan sous une bannière unique. Nous contactons les commandants de campagne de toute la région ».



Ila indiqué que les unités de combat auparavant fidèles à d’autres chefs de faction de l’ALS avaient rejoint le groupe unifié.



Ce qui est plus préoccupant est que les retards dans l’aboutissement à une solution politique de la crise au Darfour pourraient s’embraser et prendre la forme de ce que certains ont décrit comme « une nouvelle et dangereuse phase » de la guerre en raison de l’importance des déplacements internes dans la région.



Malgré la frustration qui a suivi la dernière session de discussion, Salim pense que le souhait de continuer a été atteint à Sirte.



Cependant, Salim a déclaré que cela ne faisait aucun sens de reprendre les discussions avant que la plupart des factions rebelles clefs aient accepté d’y prendre part, admettant que les boycotts ont été un revers pour le processus de paix.



« Je ne pense pas que nous ayons besoin de fixer une date particulière. Ce que nous devons faire c’est nous fixer des négociations réalisables, qui pourraient aboutir à un accord », a indiqué Salim. « Mais cela étant dit, bien sûr nous comprenons aussi que ce processus ne peut pas être éternel ».



S’exprimant depuis Kampala, en Ouganda, un groupe rebelle conduit par Ahmed Abdel Shafie a déclaré que la question principale aujourd’hui n’était pas la participation mais plutôt l’unité.



« Notre priorité est maintenant d’unir tous les groupes rebelles du Darfour. Le résultat de la participation à des pourparlers de paix viendra plus tard », a indiqué le prote parole de la faction Nouri Abdalla.



Des médiateurs ont admis que les négociations avaient peu de chance de reprendre avant l’année prochaine.



« Les négociations substantielles pourraient avoir à être conduites l’année prochaine », a indiqué Sam Ibok, négociateur en chef de l’UA.



Bien que les médiateurs préféreraient que les factions se parlent en tête-à-tête cette année, Ibok a indiqué que les problèmes qui avaient conduit à l’échec des pourparlers devaient d’abord être résolus.



Daniel Ooko est un collaborateur de l’IWPR basé à Nairobi.

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