Les enfants soldats démobilisés ont du mal à se faire à la vie civile

Certains sont réticents à rentrer chez eux, craignant d’être victimes d’actes de revanche.

Les enfants soldats démobilisés ont du mal à se faire à la vie civile

Certains sont réticents à rentrer chez eux, craignant d’être victimes d’actes de revanche.

On compte beaucoup d’enfants parmi les miliciens en cours de démobilisation dans la province congolaise du Nord Kivu, ce qui met à l’épreuve les agences essayant de les réintégrer dans leurs anciennes communautés



Alors que l’accord de paix conclu le mois dernier semble tenir, la démobilisation dans l’est du pays prend de la vitesse.



En janvier dernier, Bosco Ntaganda, chef rebelle et fugitif recherché par la Cour pénale internationale, CPI, a accepté de mettre fin aux combats qui ont créé une situation d’urgence humanitaire dans l’est et indiqué qu’il allait intégrer ses troupes du CNDP dans l’armée nationale. D’autres groupes rebelles ont suivi l’exemple et sont sortis de la forêt pour rejoindre l’armée congolaise.



Plus de 430 combattants, y compris 20 enfants, ont été récemment démobilisés dans un stade de Nyanzale, 100 kilomètres à l’ouest de Goma, dans le territoire de Rutshuru. La plupart étaient habillés de vêtements civils et quelques-uns portaient des armes.



“Nous étions dans la jungle et avons entendu que nous devrions maintenant être sous le commandement du président du [Congo],” a indiqué Boniface Bafakururimi, un colonel dans le groupe des Mai Mai Mongols. “Nous avons entendu que le CNDP, le PARECO et d’autres groupes armés Mai Mai avaient quitté la jungle. C’est la raison pour laquelle nous aussi avons décidé de quitter la forêt.”



Les adultes seront incorporés dans l’armée du Congo, mais le commandant du district de Rutshuru, le Colonel Smith Gihanga a dit aux enfants présents à Nyanzale qu’ils allaient devoir être démobilisés.



“Nous ne pouvons pas intégrer les enfants, parce que notre pays a signé une convention sur les droits des enfants,” a déclaré Gihanga.



Un porte-parole de la Mission des Nations unies au Congo, mieux connue sous son acronyme, MONUC, a indiqué que les enfants soldats seraient pris en charge par sa section de protection des enfants et remis à l’agence des Nations unies pour les enfants, UNICEF et d’autres agences pour commencer leur réintégration dans la vie civile.



“Partout, les groupes armés se rassemblent… nos équipes sont présentes pour séparer les enfants des autres combattants,” a indiqué Sylvie van den Wildenberg, porte-parole de la MONUC au Nord Kivu, ajoutant que 315 personnes avaient été démobilisées ces derniers jours.



L’agence d’aide Caritas a indiqué à l’IWPR qu’il s’agit là de la plus importante démobilisation des dernières années. “Les seigneurs de guerre n’ont plus d’intérêt à les garder. C’est la raison pour laquelle ils les sortent de la jungle et qu’il en parlent publiquement,” a indiqué Juvenal Munubo Mubi qui travaille pour un projet de démobilisation et de réintégration des enfants soldats mené par Caritas.



“Un des défis aujourd’hui est qu’il y a beaucoup d’enfants retirés des groupes armés mais moins de structures pour les accueillir.”



Les enfants passent plusieurs semaines dans un centre de transit et d’orientation où on leur apprend à se réadapter à la vie civile.



“Quand ils viennent des groupes armés, ils considèrent tout civil comme un être inférieur. A cette étape, il est difficile de les renvoyer chez eux directement. Nous devons leur apprendre comment vivre dans la communauté,” a indiqué un membre du personnel d’un centre de transit de Goma.



Aider à préparer les familles et les communautés fait aussi partie du processus de réintégration. Les conseillers des centres rendent visites aux familles des enfants et vont dans leurs villages avant qu’ils soient ramenés chez eux. “Nous devons nous assurer que la communauté est prête à les accueillir,” a déclaré Munubo Mubi. Il encourage également les enfants à retourner à l’école ou à suivre des formations professionnelles.



En réalité, la réintégration est souvent extrêmement difficile, particulièrement pour les enfants qui ont commis des crimes dans les villages du Nord Kivu.



“J’ai peur de rentrer chez moi. Je pourrais être tué par les membres de la communauté locale,” a déclaré un ancien enfant soldat de 20 ans qui ne veut pas quitter le centre de transit de Goma.



Il a indiqué qu’il avait tué un enfant en lui tirant dessus au cours d’un incident dans une école, et qu’il était impliqué dans les meurtres de 10 personnes dans le village de Karuba, à près de 50 km de Goma. “[Ils] se cachaient dans la brousse. Mes amis et moi nous les avons tué. Ils sont morts,” a-t-il dit.



Souvent mal accueillis chez eux, les enfants qui ont combattu dans les conflits cruels du Nord Kivu sont alors des cibles faciles pour tout groupe armé qui essaye de recruter une nouvelle fois ceux qui ne se font pas à la vie civile.



Plusieurs jeunes interviewés par l’IWPR indiquent qu’ils préfèrent la vie militaire.



“J’aimerais continuer à travailler dans l’armée, mais comme les autorités ont décidé de nous démobiliser, je dois quitter l’armée,” a indiqué Habamugisha, un enfant de quinze ans portant une arme.



Quelques enfants comme Sore prétendent être âgés de 18 ans pour pouvoir être acceptés par les forces armées.

“Je vais continuer à servir mon pays dans l’armée. J’aime l’armée, parce que dois me battre pour protéger notre pays,” a-t-il dit.



Les crimes contre les enfants congolais figurent dans la première affaire jamais jugée par la CPI. Le chef de milice Thomas Lubanga est actuellement en procès à La Haye pour des accusations de conscription d’enfants pour les faire combattre dans le conflit de Bunia.



Jacques Kahorha est reporter de l’IWPR à Goma.

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