Les activistes congolais appellent à la création d'un tribunal international en RDC

Selon eux, on ne peut pas compter sur les tribunaux locaux pour poursuivre les crimes de guerre.

Les activistes congolais appellent à la création d'un tribunal international en RDC

Selon eux, on ne peut pas compter sur les tribunaux locaux pour poursuivre les crimes de guerre.

Friday, 23 July, 2010
Un groupe d'activistes des droits de l'homme du Congo appellent à la création d'un tribunal pénal international en République démocratique du Congo, RDC, ce qui pourrait, selon eux, aider à traduire en justice les auteurs d'atrocités commises dans le pays. Le groupe appelé la Nouvelle société civile du Congo, connu sous son acronyme français de NSCC, prétend avoir une pétition contenant 28 000 signatures demandant une plus grande implication internationale dans le système juridique du pays. "Nous avons lancé cette pétition afin de donner une impulsion à notre gouvernement et de pousser la communauté internationale à agir en RDC pour qu'enfin, ceux qui ont tué ne restent pas impunis," a déclaré Jonas Tshiombela, le coordinateur de la NSCC. "Des vies humaines sont prises sans distinction par des groupes armés internes et étrangers, et pourtant la communauté internationale ne réagit pas. "Lorsque 800 000 personnes avaient été tuées au Rwanda, la communauté internationale s'était mobilisée. Pourquoi cela ne se produit-il pas en RDC, où cinq millions de personnes sont mortes dans d'effroyables conditions?" La NSCC indique que l'idéal serait un tribunal basé en RDC, à l'image du Tribunal pénal international pour le Rwanda, TPIR. Le TPIR, créé en 1994 pour juger les auteurs du génocide rwandais, et situé à Arusha, en Tanzanie, a, jusqu'à présent, mené 50 procès. Ses juges sont tous des internationaux. Tshiombela a déclaré que cette option permettrait d'éviter le risque que les locaux agissent de manière corrompue, en acceptant des pots-de vins ou en se laissant influencer par les gens au pouvoir, ce qui, selon la NSCC, s'est produit dans le passé. Depuis 1998, des combats sanglants ont ravagé l'est du pays, causant la mort de millions de personnes et dévastant des communautés entières. Cependant, malgré des violations qui auraient été commises par des milices rebelles et des forces gouvernementales, les appels des victimes à ce que justice soit faite sont passés largement inaperçus. La Cour pénale internationale, CPI, a émis quatre mandats d'arrêts contre des chefs de milice en RDC, trois d'entre eux sont actuellement détenus à La Haye alors que le quatrième, Bosco Ntaganda, est toujours en liberté en RDC. Cependant, étant donné que la CPI ne peut pas arrêter tous les auteurs de violence, la plupart des victimes vont devoir compter sur les tribunaux nationaux congolais. Joseph Kabila, président de la RDC, a promis d'éradiquer la corruption au sein du système judiciaire. L'année dernière, dans une tentative d'assainir le système, il avait renvoyé 165 juges, soit dix pour cent de la profession. Mais des critiques affirment que le mouvement anti-corruption du gouvernement a aussi eu un succès limité, et la culture de l'impunité reste endémique. Le refus de Kinshasa de remettre Ntaganda à la CPI a aidé à renforcer l'idée que la justice n'est pas appliquée de manière équitable en RDC. Les appels à la création d'un tribunal international basé en RDC ont été largement accueillis, mais certains craignent que les suspects de crimes de guerre puissants soient toujours capables d'influencer le processus et d'échapper ainsi à la justice. "De nombreux criminels de guerre ne sont pas inquiétés [par la justice] et certains sont même en charge des affaires du pays," explique Ars Nkulu, un habitant de Lubumbashi, reflétant une opinion largement répandue. "La création d'un tribunal international est une bonne idée, mais la NSCC ne sera pas capable d'atteindre son objectif. Des peaux de bananes seront mises sur le chemin par ceux qui détiennent un peu de pouvoir et craignent que la justice puisse les rattraper en raison de leurs crimes passés." Kinshasa indique qu'elle soutient la création d'un tribunal international dans le pays et prétend avoir déjà pris des mesures pour que les choses commencent. "L'initiative de la NSCC est plutôt obsolète aujourd'hui, étant donné qu'un dialogue inter-congolais a déjà recommandé la création d'un tribunal pénal international comme moyen d'étudier tous ces incidents macabres," a déclaré Luzolo Bambi, le ministre de la justice. La NSCC a soutenu en réponse que bien que le gouvernement prétende vouloir le même genre de tribunal que celui pour lequel ils ont fait campagne, les responsables politiques font en réalité très peu pour qu'un tel tribunal soit mis en place dans le pays. Une nouvelle loi qui ouvre la voie à la création d'un tribunal international en RDC a été élaborée, mais est actuellement en attente devant le parlement. Néanmoins, le ministre a souligné que, sans la mise en œuvre de cette loi, les personnes accusées de crimes de guerre pourront quand même être traduites en justice dans le pays. "Dans l'attente que l'Assemblée nationale et le Sénat approuvent la législation qui va permettre aux tribunaux congolais de poursuivre les crimes de guerre, nous donnerons à des tribunaux désignés une compétence temporaire pour [le faire], " a-t-il dit. Actuellement, ceux qui sont accusés d'avoir commis des atrocités de masse en RDC peuvent être jugés par les tribunaux militaires. L'année dernière, le chef de milice Gédéon Kyungu Mutanga avait été reconnu coupable par un tribunal militaire du Katanga de crimes contre l'humanité, insurrection et terrorisme. A l'époque, les groupes de défense des droits de l'homme avaient applaudi le verdict, qui s'appuyait sur les définitions du document fondateur de la CPI, le Statut de Rome. Mais Rodrigue Katulu, un activiste des droits de l'homme dans le pays, est sceptique par rapport à l'engagement du gouvernement envers la justice internationale. "Le gouvernement veut simplement gagner du temps. Tout est une question de volonté", a-t-il dit. Caitlin Reiger, directrice adjointe des poursuites au centre international pour la justice transitionnelle, explique que la volonté politique est généralement le facteur déterminant du succès ou de l'échec d'un tribunal hybride à composante internationale. "Si vous regardez les tribunaux hybrides de Sierra Leone et du Cambodge, les expériences ont été très différentes," a-t-elle dit. "Au Sierra Leone, la demande était sans équivoque. Les [Nations Unies] sont venues et ont aidé et il y a eu un niveau assez élevé de coopération tout au long du processus. L'indépendance des tribunaux spéciaux a été claire. Au Cambodge, cela a été beaucoup plus tendu politiquement, en partie en raison de l'ambivalence politique du côté des autorités nationales quant à savoir si elles voulaient vraiment que ce tribunal opère de manière indépendante ou non." Pour Raoul Gao, un avocat à l'association du Barreau de Lubumbashi, une implication internationale plus importante au sein du système judiciaire congolais serait une très bonne chose et améliorerait la manière dont la justice est rendue en RDC. "Il est difficile de faire confiance à nos juges," a-t-il dit. "Etant donné que leurs conditions de vie ne sont pas très bonnes, ils ont souvent recours à la corruption. En outre, les juges sont nommés par le gouvernement, ce qui soulève immédiatement des questions au sujet de leur indépendance judiciaire. S'il y avait des juges internationaux, cela aiderait à lutter contre la corruption. Les Congolais de haut rang ne les intimideraient pas. Nous voulons que les criminels soient punis quel que soit leur rang social." Gao a formulé l'espoir qu'il soit mis fin à l'impunité. "Je pense que la présence des juges internationaux va nous aider à attraper les gros poissons qui pensent qu'ils ont la justice dans la poche et qu'ils sont intouchables," a-t-il dit.Héritier Maila est un reporter formé par l'IWPR.
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