L'augmentation du phénomène des enfants des rues, un héritage de la tragédie congolaise

Leur nombre a monté en flèche au cours des 15 dernières années – victimes de l’effondrement social et économique. <br />

L'augmentation du phénomène des enfants des rues, un héritage de la tragédie congolaise

Leur nombre a monté en flèche au cours des 15 dernières années – victimes de l’effondrement social et économique. <br />

Tuesday, 5 May, 2009
On les appelle shegues, ou enfants des rues, apparemment en référence au révolutionnaire cubain Che Guevara. Et pour les dizaines des milliers d’enfants congolais jetés à la rue par la guerre civile et les difficultés économiques, ce nom est adapté.

Le gouvernement et le système judicaire étant désintéressés par leur situation critique, les enfants se doivent d’être extrêmement forts et plein de ressources afin de pouvoir survivre.

Patient, âgé de neuf ans, dort dehors dans la capitale katangaise de Lubumbashi. Il dit qu’il a été forcé à vivre dans la rue lorsque son père s’est remarié suite à la mort de sa mère.

“[Notre belle-mère] a commencé à nous maltraiter, moi et mon petit frère,” a-t-il expliqué. “Elle nous privait de nourriture, et nous faisions tous les travaux domestiques. Un jour un pasteur de l’église où notre belle-mère avait l’habitude de prier est venu nous rendre visite et a dit que nous étions des sorciers.

“[Il a dit] que si elle n’avait pas d’enfants avec mon père c’était à cause de notre présence dans la maison. Tellement la souffrance était atroce et insupportable, nous avons fui notre maison et aujourd’hui je vis dans la rue.”

Le nombre des enfants de la rue a fortement augmenté au cours de quinze dernières années, non seulement à Lubumbashi mais dans tout le pays. Comme Patient, certains sont victimes de problèmes familiaux, d’autres de l’effondrement de la société et de l’économie congolaises suite à deux guerres civiles.

Les guerres – de 1996 et 1998 – ont poussé des foules de réfugiés vers des villes comme Lubumbashi. Certains enfants sont venus avec leurs familles, mais beaucoup sont arrivés seuls après avoir perdu leurs parents dans les combats.

Au Katanga, les conflits ethniques et la récession mondiale ont exacerbé le problème.

Au début des années 90, sous l’influence du parti de l’Union des fédéralistes et des républicains indépendants, ceux de la province voisine du Kasai qui soutenaient l’Union pour la démocratie et le progrès social rivale, furent expulsés. Les divorces au sein des couples de différentes ethnies furent courants au cours de cette période, et de nombreux enfants se sont retrouvés abandonnés dans les rues en conséquence de cela.

Plus récemment, la crise financière mondiale a gravement touché le Katanga où l’économie dépend fortement des mines. La pauvreté et le chômage sont en augmentation ce qui a un effet ricochet sur les enfants de la province.

“On trouve beaucoup d’enfants dans les rues, en raison de la situation économiques et sociale difficile des familles,” a expliqué Thérèse Ilunga, présidente d’une ONG de protection des enfants au Katanga. “ Si vous vérifiez bien, c’est des quartiers pauvres où la population vit dans la misère que proviennent la plupart de ces enfants.”

Peu d’organisations de défense des droits des enfants existent au Congo, et celles qui existent ne reçoivent pas de financement de la part du gouvernement. La plupart, ainsi, peuvent s’occuper des enfants uniquement sur de courtes périodes, plus les laissent retourner aux dangers de la rue.

Patient passe ses journées à quémander de la nourriture et ses nuits à chercher un endroit sûr pour dormir. “Je n’ai pas d’endroit fixe pour dormir,” explique-t-iI. “[Pour manger] je demande l’aumône aux personnes de bonne volonté et si ça ne paye pas, je ramasse des déchets des aliments jonchant les artères ou les parvis des dépôts. Le soir nous nous retrouvons avec mes amis et chacun présente son butin et nous préparons ensemble.”

Mis à part la mendicité, les enfants de la rue trouvent parfois du travail rémunéré comme cireurs de chaussures, laveurs et gardiens de voitures, livreurs de colis, vendeurs de cigarettes dans la rue et les bars et receveurs dans les taxi-bus. Beaucoup se tournent vers l’alcool et les drogues comme le chanvre ou le Valium facilement accessibles en raison des faibles régulations sur la vente de substances illicites. D’autres sniffent de l’essence.

Ilunga critique les parents comme ceux ce Patient qui rejettent leurs enfants pour raisons de sorcellerie. Elle déclare qu’il s’agit plutôt de simples conditions économiques que de sorcellerie.

“Je n’y crois pas,” déclare Ilunga. “C’est tout simplement une raison pour les parents de se débarrasser de leurs enfants parce qu’ils n’ont pas des moyens financiers. Il y a aussi les divorces. Pour les parents qui se séparent, la marâtre ne veut pas garder les enfants du premier mariage et donne comme raison la sorcellerie. Parfois les enfants décident eux-mêmes de descendre dans la rue pour la recherche de mieux être.”

Elle en appelle au système judiciaire du Congo pour intervenir et poursuivre ceux qui abandonnent leurs enfants.

“La place des enfants c’est dans la maison la où il y a les parents”, indique Ilunga ”Nous sommes dans un pays avec des lois, il faut déférer [ces gens] devant la justice car l’abandon est une faute grave. On a fait un enfant, on doit assumer ses responsabilités.”

Héritier Maila est un collaborateur de l’IWPR à Lubumbashi.
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