L'ARS sous pression de soutenir le plan de paix

Kinshasa et Kampala prévoient de s’attaquer aux rebelles s’ils ne s’accordent pas sur le processus de paix.

L'ARS sous pression de soutenir le plan de paix

Kinshasa et Kampala prévoient de s’attaquer aux rebelles s’ils ne s’accordent pas sur le processus de paix.

Thursday, 20 December, 2007
Des responsables de la défense d’Ouganda et de la République démocratique du Congo, RDC, vont se rencontrer dans les semaines à venir pour apporter les touches finales au plan d’une opération militaire contre l’Armée de résistance du Seigneur, ARS, qui se terre actuellement dans le parc de la Garamba, au fin fond du Congo.



L’opération militaire vise à expulser l’armée rebelle hors du Congo, dans le cas où les négociateurs de paix de l’ARS ou le chef rebelle Joseph Kony n’atteindraient pas d’accord de paix d’ici fin janvier.



Bien que l’opération militaire fasse incroyablement augmenter la pression sur l’ARS pour qu’un accord de paix soit atteint rapidement après la reprise des pourparlers à Juba, capitale du Sud Soudan, elle risque aussi de saboter les négociations fragiles qui entrent maintenant dans leur phase finale.



Kony a été notoirement inconsistant face à de précédents efforts visant à atteindre un accord de paix, et cela a été récemment accentué par l’exécution relatée du second de commandement de l’ARS, Vincent Otti, qui menait les pourparlers de paix au nom de l’ARS.



Otti a été accusé de déloyauté par Kony et il aurait été exécuté début octobre. Bien que la mort d’Otti n’ait pas été confirmée, il n’a donné aucun signe de vie depuis.



Des inquiétudes au sujet de l’opération militaire en suspens ont été exprimées cette semaine par le chef des négociations à l’ARS, Martin Ojul, qui a indiqué que le plan était une violation de l’accord portant sur la cessation des hostilités passé entre l’ARS et l’Ouganda.



En outre, l’envoyé spécial de l’ONU pour les accords de paix, Juaquim Chissano du Mozambique a exhorté le Congo et l’Ouganda à donner plus de temps aux pourparlers.



Le ministre de la défense ougandais, Crispus Kiyonga a confirmé la semaine dernière que la RDC avait fourni au gouvernement ougandais un plan militaire visant à éliminer les rebelles.



“Les autorités congolaises nous [ont donné] un plan de sécurité qu’ils vont exécuter si Kony ne se présente pas pour conclure les pourparlers à Juba,” a indiqué Kiyoga. “Le ministre de la RDC et moi allons nous rencontrer pour examiner ce plan et trouver un accord.”



Le gouvernement de la RDC a donné à l’ARS jusqu’au 31 janvier 2008 pour quitter son repère dans la jungle ou être confrontée à une guerre.



Cet ultimatum fait suite à la réunion du 8 septembre à Ngurdoto, Tanzanie, qui avait abouti à la signature par le président ougandais Yoweri Museveni et son homologue de RDC Joseph Kabila d’un accord pour une opération militaire conjointe contre Kony.



L’accord formulé de façon très générale appelle à “l’arrestation, au désarmement et à la démobilisation des…forces négatives qui incluent les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur” et ce dans un délai de 90 jours.



La capacité de l’armée congolaise à mener une telle opération n’est cependant pas avérée, s’il l’on se réfère à son échec de contrôler l’ancien commandant de l’armée congolaise Laurent Nkunda, qui dirige une puissante milice de Tutsis ethniques et qui et contrôle une vaste étendue des régions de l’est.



L’accord semble ouvrir la porte à une nouvelle invasion du Congo par l’armée ougandaise, à l’image de ce qui s’était passé entre 1998 et 2003.



Alors que d’autres dans la région ont reconnu Kony et l’ARS comme une menace, certains commencent à vraiment sympathiser avec Museveni.



Il y a quelques mois, le président de la République centrafricaine, RCA, le général François Bozizé a visité l’Ouganda lors d’un voyage que nombreux ont interprété comme un mouvement de Museveni pour se rallier à l’opposition à Kony.



Bien que des responsables affirment que Bozizé était simplement en train de faire une visite de routine, cette visite a marqué la reprise d’une relation du plus haut niveau entre les deux pays, qui avait auparavant été dormante depuis près de 30 ans.



Les deux pays, qui ne partagent pas de frontière commune ou l’appartenance à une même organisation commerciale, ont eu des contacts officiels pour la dernière fois dans les années 1970 à l’époque où tous deux était gouvernés par des despotes impitoyables: Idi Amin en Ouganda et Jean Bedel Bokassa en RCA.



Parlant sous couvert d’anonymat, une source au sein du gouvernement ougandais nous a indiqué, “Le voyage était une pure tentative de Museveni de s’assurer l’aide de Bozizé au cas où Kony se réinstallerai dans son pays. Pour l’essentiel, il a demandé à Bozizé d’expulser Kony, s’il devait pénétrer dans le pays.”



Bien qu’aucun détail d’une quelconque coopération militaire ne soit disponible, de récents commentaires de transfuges de l’ARS ont confirmé que Kony projetait de se réinstaller en RCA.



Alors que certains sont d’avis que le plan militaire entre le Congo et l’Ouganda montre que les puissances régionales ont finalement reconnu la menace que représente l’armée de Kony, d’autres pensent que la reprise des combats ne résoudra pas le problème.



Le Dr Aaron Mukwaya, un maître de conférence au Département de Science politique à l’Université de Mackerere a indiqué, “Tuer Kony ne fera que le transformer en héro en terre Acholi.” Kony fait partie de l’ethnie Acholi qui domine le nord de l’Ouganda.



Eliminer Kony n’éloignera pas la menace de l’ARS, a-t-il dit, parce que cela pourrait provoquer l’émergence d’autres chefs impitoyables dans ses rangs.



Le fait de vouloir se débarrasser de Kony peut être motivé par le passé militaire de Museveni, a-t-il dit.



“C’est très difficile pour un ancien rebelle d’accepter l’existence d’un autre rebelle sans vouloir s’affronter à lui militairement," a indiqué Mukwaya au sujet de Museveni, qui est arrivé au pouvoir en 1986 après une guerre civile de cinq ans menée par son armée de résistance nationale.



“Kony a une zone d’influence,” a indiqué Mukwaya. “Elle peut être locale, régionale ou globale. C’est pourquoi on peut lui succéder.”



L’élimination militaire de Kony reviendrait aussi à priver la Cour pénale internationale de ce qui pourrait bien être son procès le plus visible, ainsi que du témoignage de Kony, qui selon certaines prévisions, pourrait aussi impliquer l’armée ougandaise pour crimes de guerre.



“C’est mieux que Kony aille à La Haye," a déclaré Mukwaya, si on veut que la vérité sur cette guerre longue de 20 ans soit pleinement révélée.



Mukwaya a également suggéré que les pourparlers de paix de Juba n’étaient pas motivés par le désir de paix de l’Ouganda, mais visaient plutôt à attiser la critique internationale contre Museveni au sujet de son échec à vaincre les rebelles.



Même si des doutes concernant le désir de l’Ouganda à aboutir à un accord de paix se sont fait jour, des questions similaires ont été exprimées sur les intentions de Kony suite à la mort relatée d’Otti.



Aggrey Awori, expert militaire et ancien membre du parlement, soutient que l’exécution apparente d’Otti montre que Kony ne s’engagera jamais pour la paix.



Actuellement, la seule option qui reste à Kony, selon lui, est de s’engager pour la paix ou d’avoir à faire face à une défaite militaire. “Kony a atteint un point de non retour du point de vue militaire. Son camp est aujourd’hui divisé et il est cerné”.



"Je ne vais pas utiliser le mot tuer, mais éliminer Kony et le reste de ses partisans est le chemin à prendre."



Emma Mutaizibwa est journaliste pour l’IWPR en Ouganda.

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