L'affaire Lubanga – un procès historique

Pour les activistes, le procès Lubanga est une étape importante pour la protection des droits des enfants.

L'affaire Lubanga – un procès historique

Pour les activistes, le procès Lubanga est une étape importante pour la protection des droits des enfants.

Monday, 16 February, 2009
Le procès du chef de milice congolais Thomas Lubanga Dyilo, qui débute le 26 janvier, est considéré comme une étape déterminante pour les droits de l’Homme, la justice internationale et la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye.



Le procès Lubanga est l’un des premiers procès internationaux au cours duquel l’utilisation d’enfants soldats, définis comme enfants de moins de 15 ans, va être poursuivie comme crime de guerre.



Les enfants soldats ont été utilisés dans la plupart des guerres qui ont eu lieu en Afrique et sur les autres continents au cours des trois dernières décennies.



Dans de nombreux pays d’Afrique, y compris en Ouganda, au Libéria, au Zimbabwe, et en République démocratique du Congo, RDC, les enfants ont été transformés en machines à tuer dans des conflits dont ils comprennent à peine les motivations et les origines.



En 2007, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, TSSL, a ouvert la voie en poursuivant ce crime, jugeant des chefs rebelles et militaires de Sierra Leone pour l’utilisation d’enfants comme combattants dans un conflit armé.

David Crane, Procureur en chef du TSSL à l’époque avait déclaré, “nos collègues de la CPI ont suivi notre travail en Afrique de l’ouest avec un grand intérêt et ont été encouragés par le fait que nous nous soyons saisis de la question des enfants soldats.



“Tout cela fait partie de la jurisprudence qui se construit. Chaque tribunal suit les précédents des autres tribunaux, il est donc évident que ce [verdict] va avoir un immense impact.



“Cela envoie un message très fort aux seigneurs de guerre cyniques du monde entier, qui utilisent les enfants et abusent des enfants dans leurs forces armées, qu’ils peuvent désormais être poursuivis et condamnés pour cela.”



Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la CPI, a expliqué l’importance des charges contre Lubanga – le premier suspect à être jugé par la CPI – indiquant que, “transformer les enfants en meurtriers met en danger l’avenir de l’humanité.”



Un mandat d’arrêt sous scellés avait été émis contre Lubanga en février 2006, mais ce dernier ne fut pas appréhendé avant le 17 mars 2006, date à laquelle le mandat avait été rendu public. Lubanga fut ensuite transféré à la prison de la CPI à La Haye, et sa comparution initiale eut lieu quelques jours après, le 20 mars.



L’arrestation de Lubanga fait partie d’une enquête continue et de grande ampleur menée par la CPI sur les atrocités commises en RDC. Lubanga est accusé de “l’enrôlement et de la conscription d’enfants de l’âge de 15 ans pour les faire participer activement aux hostilités ”.



Les activistes disent que le procès de Lubanga est une étape importante pour la protection des droits des enfants.



Mais certains militants sont cependant frustrés que Lubanga ait été inculpé uniquement pour le recrutement d’enfants soldats alors que selon eux, sa milice est responsable de nombreux viols et d’autres formes de violence sexuelle.



Avant d’être transféré à la CPI, Lubanga avait cependant été arrêté et était resté emprisonné en RDC depuis 2005. Cette arrestation avait eu lieu après que l’aile militaire de son parti politique, l’Union des patriotes congolais, ait été accusée du meurtre de neuf casques bleus bangladais dans la région de l’Ituri.



L’aile militaire de l’UPC, les Forces patriotiques pour la libération du Congo, FPLC, a aussi été impliquée dans certaines des pires atrocités en Ituri. En tant que commandant en chef de ce mouvement, Lubanga a été accusé d’avoir dirigé ses activités. Et selon la CPI, en vertu de son “autorité de facto, il avait le contrôle final des…politiques et pratiques”, y compris de la conscription forcée et de l’entraînement d’enfants soldats.



Créée en 2000 par Lubanga, l’UPC était l’une des nombreuses factions guerrières de la région, principalement constituée de membres du groupe ethnique Hema. L’UPC a par la suite fonctionné comme un parti politique et Lubanga se considère comme un homme politique, et non pas un chef de milice.



Ce procès sera le premier à avoir lieu à la CPI basée à La Haye, aux Pays-Bas, qui a compétence depuis 2002.



Développement sans précédent, les victimes de cette affaire seront représentées par leurs propres avocats et soutenues par des ONG et groupes de défense des droits de l’Homme qui travaillent en Ituri et dans d’autres parties du Congo.



Bien qu’il s’agisse là d’une initiative digne d’éloges, la coopération avec la Cour s’est avérée dangereuse pour de nombreux avocats Congolais et leurs intermédiaires qu’ils utilisaient pour contacter les victimes.



Carine Bapita, une avocate de Kinshasa qui représente les victimes dans l’affaire Lubanga, a reçu de nombreuses menaces contre elle-même et sa famille. En 2008 elle a été obligée de faire sortir de RDC certains des intermédiaires qu’elle utilisait– pour passer des informations entre La Haye et les victimes sur le terrain – en raison de graves menaces sur leur sécurité.



Le procès de Thomas Lubanga est en préparation depuis presque trois ans, et il a souffert de nombreux revers et retards.



Bien que Lubanga ait été arrêté en mars 2006, ce n’est pas avant la fin janvier 2007 que la CPI a confirmé les charges contre lui et ordonné l’ouverture d’un procès.



Les juges de la CPI n’ont cependant pas été capables de fixer une date pour le procès au cours de l’année 2007, en raison de problèmes de procédure non résolus, de la question du rôle et des droits des victimes dans le procès, et de la manière dont les preuves devaient être traitées.



La question des preuves a même presque fait dérailler le procès et a constitué un important défi pour la crédibilité de la CPI.



L’affaire devait initialement commencer le 31 mars 2008, mais fut reportée à la fin juin en raison d’un différend sur la manière dont les éléments de preuve avaient été rassemblés et par la suite traités par l’Accusation. La frustration était évidente au sein de la Cour.



“Je ne vais pas faire un secret de ma véritable frustration, déjà exprimée dans des termes sans équivoque devant la Cour, au sujet des retards dans le commencement et le déroulement de notre premier procès,” a indiqué le juge Adrian Fulford à un groupe de diplomates et de représentants des droits de l’Homme à La Haye.



“Une année s’est maintenant écoulée et la question inévitable et pressante qui se pose est pourquoi l’affaire n’a-t-elle pas encore commencé?” a déclaré Fulford.



Le conflit est venu du manquement de l’Accusation à révéler à la Défense tous ses éléments de preuve ainsi que l’identité des témoins à charge contre Lubanga.



Les éléments de preuve étaient censés être remis à la Défense à la mi-décembre 2007, mais mi-février, cette dernière avait reçu des informations sur l’identité de moins de la moitié des témoins. D’autres éléments de preuves cruciaux avaient été remis uniquement sous forme expurgée ou résumée.



Bien que le début du procès ait au départ été prévu pour le 23 juin 2008, les juges avaient finalement appelé, le 13 juin, à une suspension indéfinie de l’affaire et abordé la question de la remise en liberté de Lubanga après plus de deux ans de détention.



Les juges accusaient le Procureur d’avoir abusé de ses pouvoirs et avaient déclaré que le procès de Lubanga, “a été interrompu à un tel degré qu’il est désormais impossible de réunir tous les éléments d’un procès équitable”.



La décision des juges en l’espèce avait fait l’objet d’un appel, ayant à son tour retardé la remise en liberté de Lubanga, et permis que les problèmes relatifs aux preuves soient résolus.



Pour finir, le 18 novembre 2008, les juges de la CPI levèrent la “suspension [formelle] des procédures”, fixant la date du début du procès Lubanga au 26 janvier 2009.
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