La lutte contre l'impunité en RDC

Par Charles Ntiricya à La Haye (11-Jan-10)

La lutte contre l'impunité en RDC

Par Charles Ntiricya à La Haye (11-Jan-10)

Joseph Kabila, le président de la République démocratique du Congo, RDC, a fait beaucoup de bruit autour de la nécessité de mettre fin à la culture dommageable de l’impunité qui se répand dans le pays.



Mais, lorsque l’on voit ceux qui sont accusés d’atrocités être récompensés par de hauts postes au sein de l’armée plutôt que d’être jugés, il est difficile de croire qu’il est sérieux.



L’impunité est l’une des principales raisons du conflit continu dans l’est de la RDC, et le fait de récompenser les criminels de guerre allégués plutôt que de les punir envoie un message très dangereux.



Cela entretient le ressentiment parmi les victimes d’atrocités, qui méritent de voir la justice rendue, et renforce le sentiment des commandants rebelles qu’ils peuvent opérer sans être tenu responsables de leurs actes.



Cependant, les choses pourraient commencer à changer.



Le deuxième procès de la Cour pénale internationale, CPI, s’est ouvert le 24 novembre contre d’anciens chefs de milice de RDC.



Germain Katanga, l’ancien chef de la Force de résistance patriotique en Ituri, FRPI, et Mathieu Ngudjolo, l’ancien chef du Front nationaliste intégrationniste, FNI, sont accusés d’avoir planifié l’attaque du 24 février 2003 sur le village de Bogoro en Ituri, qui avait coûté la vie à près de 200 personnes et réduit une grande partie du village en cendres.



Les deux hommes nient les charges, mais il n’en est pas moins que le fait même que cette affaire se tienne aujourd’hui pourrait envoyer un message fort aux rebelles qui opèrent toujours dans la région.



Katanga et Ngudjolo avaient tous deux été enrôlés dans l’armée nationale en échange du dépôt de leurs armes, mais cela ne leur avait pas apporté la protection recherchée contre les poursuites. Katanga avait été transféré à La Haye en octobre 2007 et Ngudjolo avait été remis en février 2008.



Mais d’autres anciens commandants rebelles subsistent dans les rangs de l’armée, renforçant l’impression que ceux qui ont été impliqués dans les conflits sanglants de la RDC n’auront jamais à répondre de leurs crimes.



Le plus important d’entre eux, Bosco Ntaganda, recherché par la CPI, est accusé de la conscription d’enfants soldats en Ituri entre 2002 et 2003.



Au début de l’année 2009, Ntaganda avait pris le contrôle du Congrès national pour la défense du peuple, CNDP, en destituant Laurent Nkunda de sa place de chef de la milice.



Il avait ensuite déclaré que la guerre était terminée et avait été admis dans les rangs de l’armée, aux côtés d’un grand nombre de ses commandants.



A l’époque, Kabila avait expliqué qu’il s’agissait de récompenser les efforts de Ntaganda pour faire la paix. Mais un récent rapport des Nations Unies suggère que la tentative visant à désarmer les forces de Ntaganda a été un échec, et que l’ancien rebelle peut encore s’appuyer sur un grand stock d’armes.



Les autorités congolaises ont catégoriquement refusé de remettre Ntaganda à la Cour basée à La Haye, soutenant qu’agir ainsi mettrait en danger le processus de paix en cours.



Ntaganda n’est pas le seul à avoir échappé à un examen de ses actes. Les groupes de défense des droits de l’Homme indiquent que d’autres personnes majeures au sein de l’armée congolaise devraient aussi être appelées à répondre de certains des crimes qu’elles sont accusées d’avoir commis, alors que très peu d’entre elles finissent par être jugées. Celles qui le sont réussissent souvent à s’échapper avant qu’un verdict ne soit rendu.



Le fait que la CPI fasse maintenant des incursions dans cette impunité, alors que le gouvernement de Kabila a eu beaucoup de mal, ne peut qu’être une bonne chose pour mettre fin aux souffrances qui perdurent depuis si longtemps.



Quelques signes permettent par exemple de penser que Ntaganda serait en train de réduire son mouvement dans la ville de Goma par peur d’être un jour arrêté et envoyé à La Haye, malgré des garanties de la part du gouvernement que cela ne se produira pas.



Mais il existe des dangers.



Katanga et Ngudjolo avaient tout deux été arrêtés et transférés à la CPI après avoir reçu des garanties de Kinshasa qu’ils ne seraient pas abandonnés. La même chose était arrivée à Thomas Lubanga, un ancien chef de l’Union des patriotes congolais, UPC, dont le procès avait débuté le 26 janvier de l’année dernière.



A l’avenir, les chefs rebelles pourraient être moins disposés à céder le contrôle de leurs groupes rebelles pour des promesses qui finissent par s’avérer vides.



Dans les territoires de Masisi et Walikale, les chefs font preuve d’une certaine réticence à déposer leurs armes, soi-disant par peur qu’eux aussi, puissent un jour se retrouver sur le banc des accusés.



Mais les criminels de guerre présumés doivent être tenus responsables de leurs actes.



La paix et la justice ne sont pas des objectifs incompatibles. Au contraire, la justice est un ingrédient essentiel de la paix. S’il n’est pas mis fin à l’impunité, il y aura davantage de combats en RDC, étant donné que les communautés victimes acceptent de moins en moins que la justice ne soit pas rendue.



Les tentatives de Kabila pour mettre fin à l’impunité peuvent avoir été décevantes, pour le moins, mais il est bienvenu que la CPI prenne aujourd’hui des mesures simples mais positives dans cette direction.



Charles Ntiricya est un journaliste congolais collaborateur de l’IWPR.
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