La CPI pèse sur les négociations de paix

Alors que des pourparlers entre l’ARS et le gouvernement sont sur le point de débuter, la Cour est devenue une monnaie d’échange pour les deux parties.

La CPI pèse sur les négociations de paix

Alors que des pourparlers entre l’ARS et le gouvernement sont sur le point de débuter, la Cour est devenue une monnaie d’échange pour les deux parties.

Wednesday, 9 January, 2008
Les négociateurs qui tentent de mettre fin à un conflit ayant débuté il y a plus de 21 ans dans le nord de l’Ouganda devraient reprendre leurs pourparlers à Juba, la capitale du Sud Soudan, dans les semaines à venir.



Avant cela, cependant, des représentants de l’Armée de résistance du Seigneur, ARS, vont rendre visite au chef rebelle Joseph Kony dans sa cachette du Parc de la Garamba, en République démocratique du Congo, RDC.



Le message que Kony transmettra à son équipe dictera sans aucun doute le succès ou l’échec final des pourparlers.



Les négociateurs ont déjà rencontré le président ougandais Yoweri Museveni à Kampala, ce dernier ayant insisté pour que les questions qui entourent l’imputabilité et la réconciliation pour les rebelles soient résolues avant que les pourparlers s’attaquent au sujet suivant, un cessez-le-feu permanent.



Alors que des progrès substantiel ont été réalisés, une pierre d’achoppement majeure persiste: de quelle manière l’imputabilité et la réconciliation peuvent-elles être mises en oeuvre.



Au coeur de ces questions se trouvent les actes d’accusation publiés en 2005 par la Cour pénale internationale, CPI, contre les chefs de l’ARS.



Kony et son équipe insistent sur le fait qu’aucun accord final ne pourra être signé tant que les actes d’accusation ne seront pas levés.



Les négociateurs de l’ARS ont prétendu à plusieurs reprises que la CPI avait bloqué la conclusion d’un accord définitif lors d’une tournée de six semaines au nord de l’Ouganda, qui visait à se concerter avec leurs victimes sur les aspects relatifs à l’imputabilité et la réconciliation inhérents à un projet d’accord de paix.



Le gouvernement ougandais a rejeté la plainte de l’ARS que les actes d’accusation mettaient les négociations en péril.



"[La] CPI a été présentée comme le principal obstacle à la paix et au processus de paix par [l’] ARS,” a indiqué le Dr Ruhakana Rugunda, le ministre de l’intérieur ougandais et chef des négociations pour la pays à Juba. “Nous ne sommes pas d’accord“.



“Notre point de vue est que la CPI est … non pas un handicap, mais un complément pour le processus de paix. Elle soutient le processus de paix.”



Alors que Rugunda semble soutenir les actes d’accusation de la CPI, il a également suggéré que la justice pourrait être rendue en Ouganda, en faisant comparaître les chefs de l’ARS devant un tribunal ougandais.



“Notre point de vue est que si les mécanismes d’imputabilité et de réconciliation sont mis en place [en Ouganda], des mécanismes qui assurent la justice, l’imputabilité, nous pouvons parler à la CPI [de ses actes d’accusation]," a indiqué Rugunda.



Lorsqu’un accord de paix aura été signé, Rugunda suggère de demander à la CPI de lever ses actes d’accusation au profit d’un tribunal ougandais.



"Quand nous aurons fait ça (signé l’accord de paix complet), le gouvernement ougandais approchera la CPI et lui dira, 'Bien, vous avez inculpé ces gens, mais nous avons signé un accord, et nous avons la paix,’” a indiqué Rugunda à l’IWPR.



“Nous avons également mis en place des mécanismes au moyens de nos lois, de nos coutumes, [et] du système de justice traditionnel pour s’assurer qu’il y ait une justice, et que prévale l’imputabilité et non pas l’impunité...."



Rugunda n’est pas d’accord avec ceux qui prétendent que l’Ouganda, qui est s’était d’abord adressé à la CPI pour obtenir de l’aide dans le cas de Kony et de l’ARS, ne peut pas retirer sa demande d’aide.



Alors qu’il suggère qu’un procès ougandais pour Kony et ses commandants pourrait être négocié avec la CPI, certains experts locaux insistent sur le fait que l’affaire devrait être traitée par la Cour de La Haye.



"C’est désormais une affaire internationale,” a indiqué Erias Lukwago, un avocat à Kampala. C’est une affaire de la CPI, et, selon le Statut de Rome, le régime de Kampala n’a pas la capacité de lui retirer l’affaire."



D’après Lukwago, qui est également membre du Parlement ougandais, la justice pour les commandants principaux de l’ARS dépasse la compétence de l’Ouganda.



Les négociateurs de l’ARS soutiennent pendant ce temps, que tant que les actes d’accusation existeront, aucun accord de paix ne sera signé, et qu’ils ne sortiront pas de la brousse.



Certains affirment qu’ils utilisent ceci uniquement comme une excuse de ne pas signer un accord, mais d’autres indiquent que les actes d’accusation maintiennent les rebelles à la table des négociations, et ont permis à Kampala de prendre le dessus dans les pourparlers.



En même temps, le Président Museveni peut indiquer qu’il ne contrôle pas la CPI, et ainsi, que si les rebelles devaient être poursuivis et arrêtés après la signature d’un accord, cela ne relèverait plus de lui.



Si les pourparlers s’effondraient, l’importance des actes d’accusation de la CPI augmenterait soudainement dans la mesure où elle serait le dernier mécanisme juridique restant pour administrer la justice.



John Barya, un professeur de droit à l’Université de Makerere, à Kampala, a indiqué que si un accord politique était atteint, cependant, il y aurait moins d’appels pour une certaine forme d’imputabilité.



“Si vous avez un accord politique, [et] si vous chercher à atteindre le meilleur, il faut savoir laisser certaines choses de côté," a indiqué Barya.



Charles Mwanguhya Mpagi est le rédacteur politique du Daily Monitor à Kampala et un collaborateur de l’IWPR.

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