La controverse enfle autour de l'amnistie

Alors que les combats continuent à sévir dans l’est du pays, certains observateurs remettent en question offrant une amnistie aux rebelles.

La controverse enfle autour de l'amnistie

Alors que les combats continuent à sévir dans l’est du pays, certains observateurs remettent en question offrant une amnistie aux rebelles.

Le cessez-le-feu étant violé de manière quasi journalière au Nord Kivu, un grand nombre de gens se demandent si la loi d’amnistie aurait du être passée par le parlement Congolais le mois dernier.



La législation qui accorde le pardon pour les actes de guerre et de rébellion dans la région instable de l’est de la République démocratique du Congo, RDC – une région ravagée par des années de conflit – a été adoptée par le parlement le 12 juillet.



L’amnistie était la principale condition imposée par les groupes rebelles pour la signature d’un accord de paix et avait été présentée par de nombreuses personnes impliquées dans le processus comme le seul moyen de mettre fin aux combats dans l’est. La législation avait été facilement adoptée, par 257 voix pour, 49 voix contre et 30 abstentions.



Cependant, comme le cessez-le-feu au Nord-Kivu est violé presque quotidiennement, et que tous les groupes armés seraient en train de recruter de nouveaux combattants, nombreux sont ceux qui remettent en question l’opportunité de cette loi.



Les combats dans la province du Nord Kivu ont lieu entre les troupes gouvernementales et les forces rebelles. Le 23 janvier, après des semaines de négociations, les autorités congolaises avaient signé un accord de paix avec 22 groupes armés à Goma, la capitale du Nord Kivu,



Alors que toutes les parties étaient tombées d’accord sur un cessez-le-feu immédiat, et avaient accepté de se conformer aux règles internationales des droits de l’homme, des groupes de défense des droits de l’Homme relèvent que la situation dans les provinces de l’est reste aussi mauvaise qu’auparavant.



Une coalition de 64 agences d’aide et de groupes de défense des droits de l’Homme, le Congo Advocacy Coalition, indique qu’au moins 150 000 personnes ont été forcées à fuir leurs maisons et que 200 civils ont été tués depuis que l’accord de paix de janvier a été signé.



Dans une déclaration faite le 18 juillet, l’organisation Human Rights Watch, basée à New York, a indiqué que, “les meurtres et viols de civils dans la province orientale du Nord Kivu en République démocratique du Congo continuent à un rythme terrifiant, malgré la signature d’un accord de paix il y a six mois.”



Jean Jacques Mythondeke, membre du parlement de Goma, a indiqué à l’IWPR que le gouvernement “a sacrifié le peuple sur une paix imaginaire”.



Mythondeke craint que la loi permettant des amnisties ne créé une culture d’impunité dans la région.



“Il est hors de question d'accorder l'amnistie aux gens qui ont tué, pillé et violé au nom de la paix” a-t-il déclaré. “Demain, chacun va prendre des armes pour tuer des innocents sachant qu'il pourra bénéficier de l'amnistie.”



Membre du parti populaire pour la reconstruction et la démocratie, parti du président Joseph Kabila, Mythondeke avait récemment conduit des députés du Nord et Sud Kivu à un retrait temporaire de l’Assemblée nationale pour protester contre l’insécurité permanente dans les deux provinces.



“La plupart des représentants élus des deux Kivus sont aussi contre cette loi d’amnistie,” a-t-il dit.



Mythondeke a déclaré qu’il préfère l’expulsion des insurgés par l’action militaire, avec les bastions rebelles de Masisi et Rutshuru comme centre de l’action.



Un porte-parole de l’un des principaux groupes rebelles, le Congrès national pour la défense du peuple congolais, CNDP, de Laurent Nkunda, a qualifié Mythondeke de véritable va-t-en-guerre.



Cependant, le porte-parole de Nkunda, René Abandi apparaît également mécontent au sujet de l’amnistie, déclarant que le gouvernement aurait du consulter son groupe avant de présenter le projet de loi à l’Assemblée nationale.



Evariste Mabruki, qui travaille avec une ONG luttant contre les violences sexuelles au Nord Kivu, a suggéré qu’il ne restait plus d’autre choix au gouvernement que d’introduire l’amnistie.



L’action militaire contre le CNDP a pris fin l’année dernière par une bataille humiliante pour l’armée, alors que les troupes de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo, MONUC, n’ont pas été capables de protéger les civils dans les régions de Masisi et Rutshuru – les bastions de Nkunda.



“Le gouvernement congolais qui n’a ni une armée forte et encore moins une diplomatie forte n’a fait que subir les conséquences de ses faiblesses,” a déclaré Mabruki.



Maitre Joseph Dunia convient que le gouvernement de Kabila est venu aux pourparlers de Goma dans une position de faiblesse.



“Le projet de loi d’amnistie état le seul moyen de mettre fin à la guerre, à l’insécurité et de sceller la réconciliation des fils et filles de ces deux provinces,” a déclaré Dunia, président de l’ONG Promotion pour la démocratie et la défense des droits de l’Homme à Goma.



Cependant, certains rapports suggèrent que l’accord de paix de Goma n’a pas réussi à amener la paix.



Plus de 2 200 personnes ont été violées dans la province du Nord Kivu au cours du seul mois de juin, y compris Wema Nandondo qui fut attaquée le 29 juin dans les collines autour de Sake, à 27 kilomètres à l’ouest de Goma.



La veuve âgée de 53 ans, qui vivait avec sa vieille mère, était en chemin pour ramasser des feuilles de bananier qu’elle vend pour survivre quand l’attaque eut lieu. Elle fut ensuite emmenée dans un hôpital financé par l’ONU à Goma où elle mourut le 13 juillet – le lendemain du jour de la proclamation de l’amnistie. La honte associée au viol était trop forte pour sa famille qui refusa de recevoir son corps pour l’enterrement.



On ne sait pas très bien qui a attaqué Nandondo. Elle était trop traumatisée pour parler, bien que des témoins aient déclaré à une ONG luttant contre les violences sexuelles à Goma qu’elle avait été violée par cinq hommes armés, apparemment dans le territoire neutre où les troupes de l’ONU patrouillent. Les zones neutres ont été mises en place dans le cadre de l’accord de paix visant à séparer les parties au conflit – dans le cas présent l’armée congolaise et les combattants fidèles à Nkunda.



Dans le cas peu probable où ils seraient arrêtés un jour, on ne peut pas dire si les assaillants de Nandondo seraient concernés par la loi d’amnistie – qui n’inclut pas les actes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.



“Il appartient aux juges de dire s’il s’agissait d’un acte ou d’un crime de guerre,” a déclaré Delion Kimpulungu, porte-parole du programme Amani, nom donné au plan de paix du gouvernement pour l’est.



Les députés ont voté la législation sur l’amnistie en dépit de l’absence de nombreux membres de l’opposition qui avaient boycotté le parlement depuis le meurtre du député Daniel Boteti le 6 juillet.



Membre du Mouvement pour la libération du Congo, MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba, il avait été tué par balle dans la capitale, Kinshasa. Bemba est à La Haye, dans l’attente de son procès pour des chefs d’accusation liées aux crimes qui auraient été commis en République centrafricaine.



La loi d’amnistie doit maintenant passer au Sénat, puis être signée par le président Kabila.



Taylor Toeka Kakala est un journaliste formé par l’IWPR à Goma.
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