Doutes au sujet de la tournée de la paix de l'ARS

La sincérité de la délégation de l’ARS qui cherche à obtenir le pardon dans le nord du pays est mise en cause.

Doutes au sujet de la tournée de la paix de l'ARS

La sincérité de la délégation de l’ARS qui cherche à obtenir le pardon dans le nord du pays est mise en cause.

Friday, 23 November, 2007
La crédibilité de la tournée de réconciliation menée par une délégation de l’Armée de résistance du seigneur, ARS, au nord au nord de l’Ouganda, a été mise en cause par des victimes et un ex-responsable rebelle.



Malgré la douzaine de réunion avec des centaines de victimes de la violence de l’ARS, le capitaine Ray Apire, un ancien conseiller spirituel de Kony, connu comme ‘l’évêque’, a indiqué que Kony ne semblait pas intéressé par un accord de paix.



« Kony ne se réconcilie avec personne », a indiqué Apire à l’IWPR. Cela a été mis en lumière par la lutte interne pour le pouvoir, largement relatée et qui a coûté la vie à son second de commandement, Vincent Otti, a-t-il indiqué.



Le 22 novembre, le quotidien d’État New Vision a rapporté que trois transfuges récents de l’ARS avaient confirmé que Kony a fait passer Otti par le peloton d’exécution début octobre. Les bruits de la mort d’Otti ont commencé à circuler il y a près d’un mois, et on n’a rien entendu de sa part depuis lors.



Kony a démenti qu’ Otti soit mort, affirmant qu’il est seulement assigné à résidence.



« Kony est toujours intéressé par la guerre », a insisté Apire. « Si Kony était…en train de parler de paix, il ne tuerait pas Otti. Pourquoi se battraient-ils pour le pouvoir, s’ils sont en train de ….dissoudre l’ARS et de résoudre le conflit au moyen de pourparlers ? »



Il a déclaré qu’alors que la désintégration de l’ARS était un signe de la probable disparition de l’Armée, cela montre aussi que Kony a l’intention de garder le contrôle de sa milice.



Apire s’est échappé de l’ARS en juin 2004, déclarant que l’Armée avait perdu tout sens, et il vit depuis à Gulu. Il a mis en cause les liens de la délégation de l’ARS avec Kony.



« Interrogés au sujet d’Otti, ils n’ont fait que répéter qu’il était malade, niant qu’il ait été arrêté », a indiqué Apire au sujet des déclarations de l’équipe de l’ARS. « Kony les a plus tard contredits en disant qu’Otti était assigné à résidence. Cela signifie que l’équipe de négociation ne coordonne pas ses déclarations avec Kony, qui est lui dans la brousse, étant donné qu’ils ne sont pas au courant de certains des éléments.



Apire n’est pas le seul a être consterné par la tournée de la délégation de l’ARS, une série d’évènements mis en scène lors desquels on demande publiquement aux victimes si elles ont pardonné à Kony, la plupart d’entre elles affirmant qu’elles l’ont fait.



La tournée fait partie des efforts de l’ARS visant à consulter les gens dans le nord du pays sur les questions de la réconciliation et de la responsabilité en vue de l’accord de paix avec le gouvernement.



Mais certaines victimes de la guerre à Gulu, contactées par l’IWPR, déclarent qu’elles n’ont pas pu s’exprimer parce que l’équipe de l’ARS leur a dicté quelles questions pouvaient être posées et a limité le nombre de personnes qui pouvaient parler à chaque réunion.



Le conseiller présidentiel ougandais sur les affaires relatives au nord du pays, Richard To-dwong, qui a voyagé avec l’équipe, a indiqué qu’il n’avait pas apprécié la manière dont les victimes avaient été traitées.



« Les gens nous demandaient: pourquoi nous avez-vous blessé si vous conduisiez une guerre juste comme vous le prétendez ? » a-t-il indiqué. « Il faudrait répondre à ces questions car, au final, la réconciliation totale vient des victimes ».



Michael Okello 32 ans, réfugié au camp de Koch Goma, s’est plaint que le chef de l’équipe des rebelles Martin Ojul ait choisi un moyen très blessant pour demander pardon aux victimes. On aurait dit qu’Ojul les faisait demander pardon, a-t-il indiqué.



« Cela ajoute l’insulte à la blessure. Cela signifie-t-il que ces gens ont fait tout ce chemin pour nous demander de mettre nos mains en l’air pour qu’ils puissent nous prendre en photo et les montrer au monde entier ? » a-t-il demandé. « Est-ce qu’il cherchent une véritable réconciliation ? »



« Ils veulent que nous nous réconcilions mais ils ne se sont pas expliqués sur les atrocités qu’ils ont commises ».



Pour de nombreuses personnes, Ojul ne s’est pas excusé au nom de l’ARS. Il a plutôt essayé de donner l’impression que la communauté Acholi avait pardonné à Kony et qu’elle s’oppose au procès de Kony et de ses commandants principaux devant la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye.



Cependant, les chances que les mandats d’arrêt soient abandonnés sont faibles.



Le procureur adjoint Fatou Bensouda a indiqué cette semaine que des mandats d’arrêt à l’encontre de Kony et de trois commandants de l’ARS sont toujours en attente d’être exécutés et que la Cour attend des États parties, tels que l’Ouganda, qu’ils arrêtent les inculpés.



Elle a indiqué que, malgré le fait que le conflit continu présente des obstacles à l’arrestation des suspects, les intérêts de la paix et de la justice requièrent que les États prennent des actions concrètes.



« L’arrestation des criminels dans le contexte du conflit en cours est une tâche difficile », a-t-elle déclaré. « Les personnes recherchées par la Cour bénéficient souvent de la protection de l’armée ou des milices ».



Le choix de l’équipe de l’ARS de visiter les régions d’où ses membres sont originaires a également suscité des questions sur l’impartialité de la mission de consultation.



Quatre des six membres de la délégation de l’ARS, y compris Ojul, Michael Anywar, Peter Ongom et Joel Obita, ont visité leurs propres villages lors de la tournée, plutôt que des endroits où les rebelles ont attaqué des civils.



Ces gens auraient du aller à Atiak où ils ont tué des gens par centaines, et Omot dans le district de Pader, où ils ont tué plus de 20 personnes, a insisté Kenneth Nyero de Gulu.



« Voilà les endroits où ils ont vraiment besoin de demander pardon », a-t-il dit.



Atiak est le village natal d’Otti, et il en aurait ordonné l’attaque en 1995.



Bien que les régions du nord de l’Ouganda aient été les plus touchées par la guerre de l’ARS, la zone de West Nile dans le nord de l’Ouganda a également souffert.



Elle a aussi été visitée par l’équipe, et les victimes de guerre ont demandé une indemnisation, une reconstruction d’après-guerre, et ont aussi appelé à ce que les chefs de l’ARS soient punis selon le droit ougandais si possible.



L’ARS aurait organisé des embuscades sanglantes visant des véhicules de marchandises ou de passagers à destination du West Nile sur l’autoroute Karuma-Pakwach, la principale route vers cette province. Des centaines de personnes ont été soit tuées, soit enlevées et de très nombreux biens ont été pillés.



La conseillère du district d’Arua, Christine Aciferu a demandé que Kony restitue tous les enfants et les femmes enlevés dans le West Nile. « Ce n’est que justice que nous récupérions ces enfants », a déclaré Aciferu, en larmes.



« Notre région n’a pas pu se développer en raison des embuscades qui ont simplement insufflé la peur et ont torturé notre peuple », a déclaré Luiji Candini, secrétaire à la sécurité d’Arua.



Une fois sa tournée achevée, l’ARS devrait retourner à la frontière du Soudan et du Congo et communiquer les résultats à Kony. Cela sera sans doute suivi par un évènement très public au cours duquel des centaines de personnes du nord de l’Ouganda rencontreront Kony pour discuter de l’accord de paix entre les rebelles et le gouvernement



De retour à Gulu, Apire a indiqué que, alors qu’il avait des doutes quand à l’aboutissement de la paix, il prévoyait néanmoins la disparition de Kony.



« Kony nous a dit plusieurs fois de la brousse qu’il est comme Moïse, qui n’atteindra pas la Terre Promise », a indiqué Apire, suggérant que Kony allait mourir avant que son armée n’ait atteint la victoire.



Caroline Ayugi, David Rupiny et Felix Warom sont des collaborateurs de l’IWPR.

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