DES RÉFUGIÉS QUI OBSERVENT DANS L'ATTENTE
Des millions de personnes qui se trouvent au nord de l’Ouganda ravagé par la guerre espèrent que la reprise des pourparlers de paix aboutira à un accord en février.
DES RÉFUGIÉS QUI OBSERVENT DANS L'ATTENTE
Des millions de personnes qui se trouvent au nord de l’Ouganda ravagé par la guerre espèrent que la reprise des pourparlers de paix aboutira à un accord en février.
Le regard de quelques deux millions de réfugiés déplacés au nord de l’Ouganda se tournera au cours des mois à venir vers les pourparlers de paix qui devraient reprendre la semaine prochaine à Juba, au Sud Soudan, entre l’Armée de résistance du Seigneur, ARS et l’Ouganda.
La reprise des pourparlers, suspendus il y a près de six semaines pour que l’équipe de négociation de l’ARS puisse rencontrer les victimes de guerre, donne lieu à de grands espoirs que la guerre cruelle de 20 ans en Ouganda puisse se terminer avec la signature d’un accord de paix dont certains affirment qu’il pourrait intervenir dès février de l’année prochaine.
Mais la plupart des réfugiés affirment qu’avant que cela n’arrive, ils restent où ils sont.
“Nous prions pour la conclusion réussie des pourparlers,” a déclaré David Ocaya, un représentant du camp de réfugiés internes de Latanya, qui compte parmi les plus de 200 camps éparpillés en Ouganda du nord.
Mais, selon lui, c’est uniquement après la signature d’un accord de paix, que les gens des camps commenceront à rentrer dans leurs villages. Avant que cela n’arrive, “les gens continueront à craindre le retour des rebelles”.
Ceux du camp de Latanya ont de bonnes raisons d’être craintifs. Le camp est situé à près de 20 kilomètres au nord-est de Pader et se trouve au centre d’un territoire autrefois solidement contrôlé par l’ARS.
Ocaya indique que le camp a été attaqué quatre fois entre 2004 et 2006, près de 30 personnes ayant alors été tuées et près de 100 autres enlevées.
Mais ce qui est encore plus perturbant est que certains rebelles soient toujours dans les parages, a indiqué Alfred Anyar, un autre résident du camp. Quatre mois plus tôt, en août, une unité de l’armée ougandaise s’était heurtée à un groupe de six rebelles circulant dans la zone, a-t-il dit.
Bien que la plus grande partie des rebelles aient rejoint le chef rebelle de l’ARS Joseph Kony dans le parc national du Garamba, en République démocratique du Congo, RDC, ce reste de rebelles a selon lui survécu avec l’aide de certains sympathisants locaux qui ont été arrêtés et emprisonnés.
Malgré ces problèmes, la plupart des gens dans les camps ont pu profiter d’un calme relatif.
“[La paix] leur permet de reprendre leurs vies et de poursuivre des activités leur permettant de gagner de l’argent pour assurer les frais de scolarité,” a déclaré Ocaya au sujet des résidents du camp. “Aujourd’hui, en raison des pourparlers [de paix], les routes sont ouvertes (ce qui a permis la liberté de mouvement qui était en grande partie impossible ces six dernières années).”
Mais le retour vers les villages a, au mieux, été très lent.
Cisto Odongo a débuté sa réinstallation au début de ce mois-ci et, récemment, avec 20 amis et de la famille, il a commencé à construire de nouvelles maisons traditionnelles au toit de chaume, à près d’un kilomètre du camp.
Etant donné que décembre, janvier et février sont les saisons sèches, c’est à ce moment-là que la plupart des gens ramassent l’herbe sèche utilisée pour faire la chaume, comme l’a expliqué Odongo en s’appuyant sur des rondins coupés à la main qu’il venait de planter au sol pour soutenir le toit.
C’est aussi la période de l’année au cours de laquelle la plupart de l’herbe séché est brûlée par les incendies sauvages, a-t-il indiqué, alors lui et les autres espèrent finir la construction dans les proches semaines. Il a indiqué que ce travail a été très coûteux en temps dans la mesure où il a du marcher 20 km pour trouver les tiges de bambou nécessaires à la structure du toit.
En tout, il y aura dix nouvelles maisons en dehors du camp, a-t-il indiqué, ce qui leur permettra de commencer à cultiver leurs champs de coton, de manioc, maïs et d’autres graines comme le millet et la sorgho.
Les discussions au sujet d’un éventuel procès pour Kony, de l’ARS, qui avec trois autres a été inculpé par la Cour pénale internationale à La Haye, n’ont été qu’une préoccupation d’arrière-plan.
“Pour autant que je puisse vivre en paix, et cultiver mes terres …tout va pour le mieux,” a déclaré Odongo.
Son ami, Bosco Olaa, a déclaré, “J’aime la paix et j’espère que ça va continuer comme ça. Je fais les choses comme je veux. Je ne suis pas inquiet.” Il n’est pas seulement impatient que ses enfants aient accès à l’éducation, mais il veut aussi retourner à l’école lui-même, après que l’accès à la scolarité ait été interrompu par cette guerre rebelle de 20 ans.
Lui aussi est impatient de voir arriver la nouvelle saison de plantation, lorsqu’il pourra cultiver les champs pour le coton et le millet.
Bien que la tradition Acholi soit de construire des maisons relativement isolées, Olaa a indiqué que lui et ses voisins avaient préféré construire un petit groupe de maison étant donné qu’ils ont toujours peur des rebelles de l’ARS. “Avant ils se déplaçaient en grand nombre,” a-t-il dit, mais plus maintenant.
Le retour à un mode de vie traditionnel est à l’esprit de tous, a déclaré Odongo. Lui et ses amis sont impatients de voir arriver le jour où ils prépareront un feu de camp le soir, sans avoir à se soucier de rien. Dans de tels moments, les valeurs traditionnelles et les coutumes étaient transmises aux jeunes générations par les anciens, a-t-il dit.
“C’est comme cela qu’ils ont appris,” a-t-il dit. “C’est ce que nous voulons (parce que la vie dans les camps a perturbé à la fois leur vie et leurs valeurs traditionnelles).”
Un retour définitif dans les villages lui donne foi en l’avenir. “Je crois que cela va être facile de retourner à la vie traditionnelle,” a-t-il dit, étant donné que dans les petites communautés “il y a moins de familles ”, et que le comportement des jeunes et leur bien-être peuvent être suivi de plus près.
Mais pour certaines personnes, comme Ellen Abwo et son amie Hellen Lalam, une paix permanente amènera peu de changement. Leur groupe de maisons initial est finalement devenu le camp de Latanya.
Comme elle l’a indiqué, “d’autres gens s’y sont installés”, lorsque les rebelles de l’ARS ont commencé à attaquer les villages dans la zone, les forçant à créer ce camp pour leur propre protection. Pour cette raison, elle affirme vouloir chercher à obtenir réparation pour la perte de sa propriété.
Dans l’attente de la reprise des pourparlers de paix, elle s’en sort comme l’un des distillateurs locaux d’une puissante boisson connue sous el nom de “kava”, qui provient d’un processus de distillation de liasses de mais ou de sorgho fermentées.
Lalam a indiqué qu’elle fait de bonnes affaires dans le camp, et que cela lui apporte de l’argent pour toute sortes de besoins, dont l’un des plus important est le paiement des frais de scolarité de sa fille de 13 ans et de son fils de 16 ans qui a été enlevé par les rebelles de l’ARS mais est revenu.
Comme tous les autres dans ce camp isolé du nord de l’Ouganda, Ocaya a indiqué qu’il était impatient de voir une conclusion heureuse des pourparlers de paix à Juba, et que l’échec n’était pas quelque chose dont il aimait parler.
La mort récemment relatée du second de commandement de l’ARS, Vincent Oti, aux mains de Kony, ne lui a cependant pas donné beaucoup d’espoir.
Si cela signifie que Kony ne va pas signer d’accord de paix, et retourner faire la guerre, Ocaya a indiqué qu’il espérait que Kony serait arrêté et jugé. Sinon, Kony devrait être autorisé à retourner en Ouganda du nord, pour que la paix puisse finalement s’installer pour de bon.
Peter Eichstaedt est le rédacteur Afrique de l’IWPR.