Des femmes rebelles rejetées à leur retour

Nombre d’entre elles disent que leurs tentatives de se remarier et de recommencer une nouvelle vie ont été anéanties par leur passé de rebelles.

Des femmes rebelles rejetées à leur retour

Nombre d’entre elles disent que leurs tentatives de se remarier et de recommencer une nouvelle vie ont été anéanties par leur passé de rebelles.

Tuesday, 4 March, 2008
Alors que la plupart des gens dans tout le nord ravagé de l’Ouganda affirment que des milliers de jeunes femmes et de fillettes enlevées par les rebelles de l’Armée de résistance du seigneur, ARS, devraient rentrer chez elles, la plupart luttent à être acceptées par une société qu’elles considéraient comme la leur.



D’anciennes femmes enlevées s’étant échappées ou ayant été libérées de la captivité de l’ARS ont déclaré à l’IWPR qu’alors qu’elles avaient souffert des épreuves physiques dans la brousse, elles rencontraient de nouveaux problèmes à leur retour: montrées du doigt et ostracisées en raison de leur passé de rebelles.



Nombre des jeunes femmes déclarent que leurs tentatives de se remarier et de recommencer une nouvelle vie ont été réduites à néant en raison de leur passé de rebelles qui a régulièrement causé des séparations et aggravé les souffrances psychologiques souffertes à la suite des années passées dans la brousse.



Lors d’une récente journée organisée à l’école primaire de Bungatira à Gulu, Vicky Adong-piny, une résidente du camp de réfugiés de Coo-Pe âgée de 28 ans, a entraîné ses amies à chanter une chanson mélancolique intitulée “Je suis fatigué de cette misère”, dans le cadre d’une cérémonie de bienvenue.



Adong-piny a été enlevée en 1991, mais s’est échappée de l’ARS en 2004 avec les deux enfants qu’elle avait eu en tant que femme d’un commandant rebelle. Elle s’est remariée après son évasion, mais la relation n’a pas duré.



"J’espérais que je connaîtrais enfin la signification d’une relation basée sur le consentement mutuel, mais j’ai réalisé que je rêvais,” a-t-elle déclaré.



Adong-piny affirme qu’elle n’a jamais été acceptée par la famille de son mari.



Les plaintes continues des proches de son mari à son sujet, ont, selon elle, finalement poussé ce dernier à la quitter. “Pourquoi veux-tu épouser une rebelle? Elle va t’étrangler pendant la nuit," Adong-piny se rappelle avoir entendu dire les proches de son mari.



Elle affirme également avoir souffert de cauchemars terribles.



"Il est vrai que je faisais des mauvais rêves et des cauchemars, et parfois je criais la nuit," confesse-t-elle, alors que ses yeux se remplissent de larmes. “Et au bout de six mois de cette relation, je ne pouvais plus supporter la pression de sa famille."



Adong-piny fait partie des 35 000 enfants qui auraient été enlevé par l’ARS lors de sa guerre de 20 ans dans le nord de l’Ouganda, et qui aurait fait près de 100 000 morts. Près de la moitié des enfants enlevés étaient des jeunes filles et des femmes.



Adong-piny et quelques 20 autres anciennes femmes enlevées ont organisé leur propre groupe de soutien et s’apportent mutuellement réconfort et consolation car elles comprennent chacune la situation de l’autre.



Lucy Atoo, 19 ans, a un bébé âgé de 9 mois qu’elle porte attaché sur son dos, chante une chanson mélancolique aux côtés de ses collègues.



Atoo a été enlevée en 2000 mais s’est échappée un an plus tard en 2001. Elle a aussi commencé une nouvelle relation l’année dernière, mais, comme les autres, son mari l’a quittée peu de temps après qu’elle soit tombée enceinte.



Comme Adong-piny, Atoo attribue ses problèmes au fait qu’elle ait été désignée comme rebelle. Maintenant elle ne veut plus se remarier.



"Ses amis exerçaient une pression constante,” a déclaré Atoo au sujet de son ancien mari. “Pourquoi épouses-tu une meurtrière alors qu’il y a tellement de femmes d’un esprit honnête?" lui demandaient les amis de son mari.



"Un petit différend qui [aurait du être] résolu de manière simple s’en est suivi, et il m’a dit d’emballer mes affaires. Il semblait avoir attendu la moindre petite dispute pour se débarrasser de moi," a indiqué Atoo.



"Peut-être que je retrouverais un homme, mais seulement après qu’il m’ait acceptée telle que je suis. En ce moment précis, j’ai peur que quand j’en trouverai un, les mêmes personnes essayent de détruire ma relation."



Atoo a déclaré qu’elle souhaiterait obtenir de l’aide pour pouvoir retourner à l’école et trouver quelqu’un pour garder ses enfants pendant qu’elle étudie.



La plupart des femmes enlevées ne sont jamais allées à l’école depuis qu’elles ont été enlevées à un âge très jeune, et en résultat, elles ont peu ou pas de compétences nécessaires pour gagner leur vie.



Florence Aber, 21 ans, qui a passé six mois dans la brousse après avoir été enlevée par l’ARS, a aussi eu des difficultés dans ses relations.



"Mon ami a été tué sous mes yeux, alors j’ai toujours ces [retours en arrière] et je crie la nuit,” a indiqué Aber, ajoutant que ses violents cauchemars avaient ruiné son mariage. “Mon mari m’a abandonné, en disant qu’il ne pouvait pas rester avec une personne possédé par les démons.



"Je ne veux pas me remarier parce que …je ne supporterai pas une autre rupture."



Aber a déclaré que de nombreuses jeunes filles avaient été forcées ; à un très jeune âge, à des relations sexuelles avec des hommes âgés, et qu’en résultat, elles ne peuvent pas avoir d’enfants - encore un autre stigmate social difficile.



Le Dr Thomas Oyok, un psychiatre à l’Unité de santé mentale de Gulu, a indiqué à l’IWPR que la plupart des personnes enlevées avaient été témoins ou auteurs d’actes brutaux, et pouvait de nouveau faire face à de tels incidents. Certains peuvent même les reproduire. En résultat, ils sont une menace pour la société.



"Tout état mental peut prédisposer la victime à être violente, et la violence est aggravée par le stigmate, la discrimination,” a indiqué Oyok.



Il a recommandé que les gens souffrant de stress post-traumatique ne soient pas confinés ou isolés, mais rapidement réintégrés à la société.



Nombre des anciennes personnes enlevées qui sont directement rentrées chez elles sans se signaler auprès des nombreux centres de réception et de réintégration s’en sortent souvent mieux que celles qui ont été conseillées, a-t-il dit.



Dans de tels centres, "une victime [de stress post-traumatique] peut rencontrer [quelqu’un] qui a pu être forcé à tuer ses proches,” a indiqué Oyok, et “cette rencontre rouvre normalement une vieille blessure. La victime se souviendra forcément de l’évènement, et cela va à l’encontre de son processus de guérison".



Il a indiqué que les personnes ayant été enlevées devraient, au lieu de cela, être autorisées à se mélanger avec les autres membres de la communauté, et être traitées avec amour, attention et soutien, pour qu’elles puissent sentir qu’elles font partie de la société.



Caroline Ayugi est journaliste de l’IWPR en Ouganda.

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