Des ex-rebelles reprennent le chemin du crime
D’anciens membres de l’ARS ayant été pardonnés et qui auraient caché leurs armes des autorités, sont accusés d’une série de crimes armés au Nord de l’Ouganda.
Des ex-rebelles reprennent le chemin du crime
D’anciens membres de l’ARS ayant été pardonnés et qui auraient caché leurs armes des autorités, sont accusés d’une série de crimes armés au Nord de l’Ouganda.
Des responsables sur place pensent que les anciens combattants - qui détiennent des armes qu’ils avaient cachées avant de se rendre aux autorités - sont responsables de l’augmentation du nombre de crimes violents, malgré leur promesse de s’engager pour la paix.
"Depuis l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie, plus de 30 000 combattants de l’ARS sont rentrés chez eux,” a indiqué Walter Ochora, le préfet de Gulu.
“Quelques uns sont revenus avec des armes et les ont rendues, mais beaucoup d’autres continuent à les cacher. J’appelle toute personne qui cache encore une arme à nous l’amener, dans le cas contraire nous agirons avec sévérité.”
La loi d’amnistie de l’Ouganda, introduite il y a huit ans, requiert qu’un combattant rebelle qui abandonne les armes se présente à un responsable local reconnu, renonce à la guerre de l’ARS et remette ses armes.
Dans certains cas cependant, les dispositions relatives aux armes peuvent ne pas être mises en œuvre de manière stricte.
Un ancien de Gulu, qui a accepté de parler à l’IWPR à condition de rester anonyme, a indiqué que si les conditions relatives aux armes sont prises à la légère, cela représente un danger.
"Ces gens bénéficient de l’amnistie et doivent [rendre] leurs armes [volontairement] mais cette pratique requiert un niveau de confiance inexprimable,” a indiqué l’ancien. “Il n’est donc pas raisonnable pour le gouvernement de penser que l’on peut faire confiance à toute personne qui renonce à la rébellion."
Les affaires récentes de vol à main armée impliquant des ex-rebelles ayant bénéficié de l’amnistie sont une indication claire que certains des anciens combattants ont gardé des armes en ayant l’intention de les utiliser dans des activités criminelles, comme le croient des responsables locaux.
Les affaires ont émergé alors qu’une délégation représentant l’ARS a fait le tour de l’Ouganda du nord pour rencontrer les diverses communautés qui ont fortement souffert des attaques rebelles. Les soi disantes consultations ont été critiquées comme étant indélicates et inappropriées mais font partie de négociations sur la paix, actuellement en cours et qui devraient reprendre à Juba, au Sud Soudan.
Au cours des 20 dernières années, quelques 35 000 enfants ont été kidnappés, près de 100 000 sont morts soit de la guerre, soit de causes liées à la guerre, et quelques deux millions ont été déplacés dans des camps de réfugiés.
Le cas le plus célèbre d’ex-rebelles reprenant le chemin du crime concerne l’ancien directeur des opérations de l’ARS, Onen Kamdulu, et l’ancien commandant, le Major Thomas Opiyo arrêtés le 22 octobre dernier par la police d’ Apac et inculpés pour vol aggravé.
Quatre autres commandants juniors de l’ARS, Justin Odongo, Joseph Okot, Bitek Okot et Patrick Ayella, ont aussi été arrêtés en lien avec l’incident.
Les suspects ont été arrêtés avec trois fusils semi-automatiques, ainsi que 146 balles et un pistolet chargé. Les armes auraient été utilisées pour braquer des vendeurs de poisson locaux à Apac à côté de Lira, une ville du nord.
Les suspects sont détenus à la prison centrale de Gulu dans l’attente de leur procès, prévu pour débuter en mars de l’année prochaine.
L’année dernière, dans un geste vivement critiqué par l’opinion publique, le gouvernement a accédé à la requête de Kamdulu de garder un pistolet, dont il avait affirmé avoir besoin pour sa sécurité personnelle.
Samuel Oduny, un soldat de l’armée ougandaise, a déclaré que suite à l’incident d’Apac, le gouvernement devrait réviser la manière dont il traite les anciens commandants de l’ARS qui ont bénéficié de l’amnistie.
"Par ses actes, Kamdulu a largement abusé de l’amnistie offerte par le gouvernement,” a indiqué Oduny. “Pourquoi le gouvernement devrait-il lui confier une arme alors qu’il s’est rendu coupable de nombreuses atrocités lorsqu’il était encore dans la brousse ?
"Seules les personnes d’une grande intégrité devraient avoir la permission de détenir une arme. Pendant de nombreuses années, Kamdulu n’a rien su faire d’autre qu’utiliser les armes de la mauvaise manière contre des civils innocents."
Outre l’affaire d’Apac, deux voleurs armés à Gulu ont récemment attaqué des résidents de Pece Lukung, ce qui a déclenché une bataille armée. Les voleurs n’ont pas été arrêtés, mais l’incident n’a fait qu’accentuer la peur chez les personnes déplacées concernant leur sécurité une fois qu’ils quittent les camps de réfugiés et retournent dans leurs villages.
Celementina Akoko, un réfugié d’Atiak, a déclaré que le programme d’amnistie actuel donne trop aux anciens rebelles aux dépends des victimes.
"Ces ex-rebelles reçoivent de l’argent chaque mois, mais nous, les victimes, nous mourrons dans la misère. Le fait qu’il continuent à voler l’arme à la main signifie qu’ils vont continuer à nous tuer," s’est lamenté Akoko.
Selon la loi d’amnistie, toute personne qui renonce à la rébellion reçoit un certificat d’amnistie, une somme d’argent dépendante de le position de l’ancien rebelle dans la hiérarchie, et un kit constitué d’un matelas, de casseroles et d’outils de jardinage.
Pour Akoko, les rebelles auraient du éprouver de la gratitude suite à la remise de ce kit.
"Que veulent ces rebelles de nous?” a demandé Akoko. “Je n’arrive pas à m’en sortir en raison de dommages corporels qu’ils m’ont infligés, mais ils veulent que je leur pardonne. Mais combien de fois devrais-je continuer à pardonner à quelqu’un qui me blesse de manière délibérée ?"
Un psychiatre travaillant à Gulu avec des anciens rebelles et ne souhaitant pas être identifié, a indiqué à l’IWPR que toute personne ayant fait partie cette impitoyable milice pendant plusieurs années doit passer par une période de rééducation avant d’être réintégré à la communauté.
"La plupart de ces combattants de l’ARS sont logés dans des hôtels coûteux à [leur] retour, au lieu de centres de rééducation,” a indiqué le psychiatre.
"Ces rebelles ont tué de nombreuses personnes, ils étaient dépendants du vol et vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’ils renoncent à leurs méfaits en raison de la seule amnistie, sans qu’un traitement leur soit apporté.”
Margaret Odong, un responsable de Koch Goma dans le district d’Amuru, pense que le gouvernement devrait ouvrir des centres de conseil dans le nord pour que les cas de traumatisme chez les rebelles puissent être traités.
"Il y a beaucoup de personnes qui sont traumatisées, pour la plupart des gens qui ont quitté la brousse,” a déclaré Odong. Elle a parlé d’un problème grandissant d’abus de drogue et d’alcool, des cas de suicide et des tentatives de suicide en augmentation, ainsi que des vols à main armée.
Caroline Ayugi est journaliste de l’IWPR en Ouganda.