Dénouement de l'accord de paix

Le cessez-le-feu signé par plus de 20 groupes de milices au début de l’année est constamment violé.

Dénouement de l'accord de paix

Le cessez-le-feu signé par plus de 20 groupes de milices au début de l’année est constamment violé.

La paix fragile qui a rétabli un certain calme dans les provinces de l’est de la République démocratique du Congo, RDC, est en danger d’effondrement, indiquent les groupes de milice clefs.



“Ils ont attaqué nos positions. C’est la guerre maintenant,” déclare Sendugu Museveni, l’ancien président et actuel chef des négociations pour le PARECO, l’un des principaux groupes ethniques hutus à avoir signé un cessez-le-feu en janvier.



Un accord de paix avait été signé à Goma, la capitale de la province du Nord Kivu, par plus de 20 milices opérant dans la région.



Museveni a accusé les forces du général de milice tutsi Laurent Nkunda de violations répétées du cessez-le-feu et de sabotage du processus de paix après qu’il se soit retiré des pourparlers la semaine dernière, comme il l’a déjà fait à de nombreuses reprises auparavant.



“C’est la dernière chance,” affirme Museveni. “Nous sommes très fatigués de répondre aux caprices des Tutsis qui font ce qu’ils veulent …. Nous n’accepterons pas d’être dominés tout le temps par les Tutsis.”



Les derniers affrontements entre les forces de Nkunda et le PARECO se sont produits la semaine dernière dans la région de Masisi, à quelques 70 kilomètres à l’est de Goma, causant un nombre encore inconnu de victimes, a indiqué Museveni.



Il explique que cette opération était intervenue à la suite d’attaques diverses depuis la signature de l’accord en janvier, laissant près de 50 morts. Les chiffres n’ont pas pu être confirmés de manière indépendante.



Selon des sources au sein de la force des Nations Unies à Goma, la MONUC, au moins 190 violations du cessez-le-feu ont été enregistrées depuis la fin janvier et elles continuent sur une base régulière.



L’ONU a pris position entre les diverses milices, dans le cadre de l’accord de janvier dernier. L’organisation a eu un succès limité, cependant, étant donné qu’elle s’est graduellement retirée de certaines zones après avoir transféré les tâches de maintien de la paix à l’armée congolaise.



René Abandi, le porte-parole de Nkunda, a indiqué que son groupe est toujours impliqué dans le processus, mais qu’il a suspendu son engagement actif jusqu’à ce que certaines de ses demandes soient honorées.



Abandi explique que la principale préoccupation par rapport à la milice de Nkunda est le manque d’une amnistie généralisée pour le groupe, ce qui est une condition préalable pour que ses membres intègrent l’armée congolaise, comme cela a été proposé.



“Il n’est pas possible de mélanger les forces avec le gouvernement [en] leur pardonnant seulement le crime d’insurrection,” explique Abandi. “Il est nécessaire de leur accorder une amnistie (pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité).”



Bosco Ntaganda, le commandant principal de Nkunda, a été inculpé par la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye, mais est toujours en fuite, et il est activement impliqué avec l’armée de Nkunda, considérée comme la plus redoutable de la région.



Abandi indique que le groupe de Nkunda a été injustement accusé d’être la pierre d’achoppement aux pourparlers de paix.



Abandi attribue au parlement de la RDC et au Président Joseph Kabila la responsabilité pour le manque de progrès dans les pourparlers. “Au plus haut niveau, il n’existe pas de volonté politique pour faire la paix,” déclare-t-il.



Selon lui, le gouvernement de RDC n’a pas apporté les fonds décisifs pour soutenir les négociations ; et le parlement, qui est sur le point de suspendre ses activités pour trois mois, n’a pas adopté la législation qui va formaliser les détails de l’accord de paix de Goma.



Abandi pense que les milices ethniques hutues de la région devaient être renvoyées au Rwanda et que le gouvernement devait leur fournir des assurances que les Tutsis ethniques de la région, dont Nkunda se considère responsable, seront en sécurité.



“Ils doivent être évacués,” déclare-t-il dit au sujet des milices hutues, “pour que nous puissions laisser nos familles en paix. Que va-t-il arriver à ces familles si nous nous retirons?”



Abandi impute la responsabilité des derniers affrontements à l’armée congolaise, qui tente d’expulser Nkunda de la région, “Le gouvernement est venu prendre notre place. Nous sommes prêts à la lui laisser, mais cela doit être fait dans le cadre du processus de paix.”



Félicien Miganda, un négociateur d’une milice appelée les Mai-Mai Mongol, indique que les derniers affrontements ne marquent pas la fin de l’accord de paix. “Le processus va fonctionner,” a-t-il dit. “Ce sont des accidents sur le chemin.”



Miganda a également exhorté à ce que les milices hutues soient renvoyées au Rwanda, plutôt que de rester dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, et il a déclaré que la RDC devrait s’engager dans des négociations pour y parvenir avec le Rwanda.



Anneke Van Woudenberg, chercheur principal auprès de Human Rights Watch à Londres, a déclaré à l’IWPR qu’elle espérait que le processus de paix continue.



Pour elle, “Toute suspension par l’un des acteurs est gênante. Ce processus est fragile. Il avance en clopinant.”



Elle a également encouragé la RDC à fournir l’argent nécessaire pour la poursuite des pourparlers, mais a ajouté que la responsabilité pour la paix était surtout du ressort des diverses milices.



“Ils doivent arrêter de pointer du doigt,” a déclaré Van Woudenberg. “C’est leur pays, leur terre et leur peuple qui souffrent.”



Joseph Dunia, un avocat de Goma a déclaré que si la communauté internationale ne s’impliquait pas plus dans le processus de paix, la reprise de la guerre dans la région était inévitable.



“L’armée congolaise ne peut pas stopper ces groupes armés,” explique Dunia à l’IWPR. “Les rebelles exploitent les minéraux,” qui ont été utilisés pour achetés des armes et reconstruire les troupes alors que les pourparlers se poursuivaient.



Pour lui “le problème du Congo est plus important que celui du Darfour.” Il se plaint aussi que depuis l’élection de 2006, peu de choses aient été faites par la communauté internationale pour garantir la paix dans la région.



“La solution est la paix,” a-t-il dit. “Avons-nous vraiment besoin d’une autre guerre?”



Peter Eichstaedt est le rédacteur Afrique à l’IWPR.
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