Démarrage difficile pour l'Accusation

Le démarrage chaotique du procès intervient à la suite de nombreux et longs retards qui ont marqué la procédure depuis des années.

Démarrage difficile pour l'Accusation

Le démarrage chaotique du procès intervient à la suite de nombreux et longs retards qui ont marqué la procédure depuis des années.

Monday, 2 February, 2009
Le procès très attendu de Thomas Lubanga, chef de milice congolais - le premier pour la Cour pénale internationale à La Haye - a eu un démarrage mouvementé.



Après deux jours de déclarations liminaires énergiques de l’Accusation et de la Défense, les Procureurs ont été déstabilisés lorsque leur premier témoin, un ancien enfant soldat, a indiqué qu’il avait menti.



“Ce que j’ai dit avant, ce n’est pas ce que j’avais l’intention de dire,” a déclaré le jeune homme à la Cour. Il a ensuite insinué qu’une organisation humanitaire l’avait briefé sur ce qu’il devait dire.



“Je ne vous demande pas ce que cette organisation vous a dit,” a répondu le Procureur adjoint Fatou Bensouda. “Êtes-vous allé dans ce camp d’entraînement?”



“Non,” a répondu le témoin.



Le juge présidant a alors demandé au témoin si son récit initial était vrai ou faux.



“Ce n’est pas vrai,” a répondu le témoin, finalement déclaré inapte à continuer sa déposition.



La Défense a réagi à cela, demandant que le jeune homme soit autorisé à témoigner, dans la mesure où son revers pourrait être bénéfique à Lubanga.



Le démarrage chaotique du procès intervient à la suite de nombreux et longs retards qui ont marqué la procédure depuis des années.



Lubanga est en procès pour des chefs d’accusation de conscription et d’enrôlement d’enfants soldats utilisés comme combattants au sein de sa milice en 2002 et 2003 dans la région instable de l’Ituri, en République démocratique du Congo.



Le procès devait à l’origine débuter en juin 2008, mais avait été suspendu en raison de problèmes liés à la divulgation des preuves. Lubanga est en détention à La Haye depuis son arrestation en 2006.



Thomas Lubanga a plaidé non coupable des charges portant sur la milice qu’il aurait contrôlée, connue sous le nom de Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). Cette milice était le bras armé du mouvement politique de Lubanga, l’Union des patriotes congolais (UPC).



Dans son exposé initial, le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo a indiqué que son équipe allait prouver que Lubanga “a commis certains des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ; des crimes contre des enfants.”



Les enfants au sein de la milice de Lubanga, affiliée à l’ethnie Hema, ont reçu des instructions et été forcés, sous menace de mort, à violer et à tuer des civils du groupe ethnique lendu, a indiqué le Procureur.



Moreno-Ocampo a également abordé la question des jeunes filles enfants soldats, qui ont été violées et contraintes à l’esclavage sexuel par les miliciens. Les filles ont également été utilisées comme combattantes et domestiques dans les camps d’entraînement militaire de Lubanga, a indiqué le Procureur.



Cependant, Lubanga, n’a pas été inculpé pour des crimes de viol ou de violence sexuelle, et les avocats de Lubanga ont vivement critiqué le fait que cette question ait été abordée.



L’équipe de défense a accusé le Procureur de se servir de Lubanga comme d’un bouc émissaire au lieu de poursuivre les personnes portant “la plus haute responsabilité” pour les crimes.



“Thomas Lubanga est accusé à la place de ceux qui auraient du être poursuivis,” a déclaré Jean-Marie Biju-Duval, un des avocats de Lubanga.



Cela concerne plus précisément l’ancien chef d’état major de la milice de Lubanga, Floribert Kisembo, actuellement officier dans l’armée congolaise, a indiqué Biju-Duval.



Les chefs de gouvernement du Rwanda et de l’Ouganda, qui ont fourni des armes et du soutien à divers groupes de milices en RDC, sont aussi coupables, a ajouté Biju-Duval.



“La CPI ne peut pas poursuivre tous les suspects, mais devrait résister à la tentation de condamner Lubanga à la place des absents,” a-t-il dit.



Lundi dernier, une foule hostile s’était rassemblée à Bunia, la capitale de l’Ituri, pour assister à la retransmission de la première journée d’audience, un évènement organisé par la CPI.



Un grand écran avait été installé dans une salle du centre-ville mais la situation s’était détériorée lorsque plus de 400 personnes, principalement d’ethnie hema et sympathisants de Lubanga, avaient essayé de pénétrer dans un espace prévu pour une centaine de personnes à peine.



Les spectateurs obligés de rester dehors, s’étaient mis à hurler des insultes. L’ambiance à l’intérieur de la salle n’était pas vraiment meilleure, la foule s’en prenant à la Cour et au Procureur. La retransmission fut finalement interrompue.



Bien que le premier témoin de l’Accusation ait été écarté, l’incident a une nouvelle fois soulevé la question de la protection des témoins. Bensouda a indiqué à la Cour que le deuxième témoin, qui est un parent du premier, avait pu être intimidé.



Cela a conduit le juge Fulford a demander à l’Accusation et à la Division d’aide aux victimes et aux témoins de rédiger un rapport sur les risques encourus par les témoins de la CPI susceptibles de rentrer en RDC, y compris les éventuelles poursuites pénales par les autorités locales.



Rachel Irwin est reporter de l’IWPR à La Haye. Des informations supplémentaires ont été récoltées par Richard Pituwa à Bunia.
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