Détention d'un activiste des droits de l'Homme

L’arrestation souligne les dangers du travail en tant qu’activiste en RDC.

Détention d'un activiste des droits de l'Homme

L’arrestation souligne les dangers du travail en tant qu’activiste en RDC.

Wednesday, 9 September, 2009
Les difficultés auxquelles les activistes des droits de l’Homme opérant en République démocratique du Congo, RDC, ont à faire face ont été récemment illustrées par l’arrestation et la détention de Golden Misabiko, un éminent critique des violations des droits de l’Homme commises dans le pays.



Misabiko, qui est président de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme, ASADHO-Katanga, avait été arrêté le 24 juillet suite à la publication par son organisation d’un rapport sur des activités minières d’uranium dans le sud-est du pays. Il a depuis bénéficié d’une libération conditionnelle.



Le défenseur des droits de l’Homme a été inculpé pour atteinte à la sécurité nationale pour avoir répandu de faux rapports sur l’exploitation de minerai d’uranium à la mine de Shinkolobwe, située dans la province du Katanga à environ 200 km au nord-est de Lubumbashi.



Dans son rapport, l’ASADHO-Katanga critiquait vivement le gouvernement de la RDC pour n’avoir pas révélé les détails d’un accord passé avec le géant français de l’énergie nucléaire Areva relativement à la mine d’uranium de Shinkolobwe.



Le rapport indique que, selon les termes d’un accord signé par le gouvernement congolais en avril 2003, toutes les activités minières et les exportations d’uranium doivent être rendues publiques.



“Le manquement actuel flagrant à contrôler les activités minières à Shinkolobwe fait de la gestion des ressources naturelles du Katanga un problème d’environnement et de sécurité qui doit être traité de toute urgence,” comme l’indique le rapport.



Il demande que le contrat Areva soit rendu public afin qu’une évaluation intégrale des conséquences pour la santé et la sécurité puisse être faite.



Le rapport indique que les mineurs traditionnels dans le pays travaillaient généralement sans protection adaptée et courent le risque de tomber malades par intoxication aux radiations.



Misabiko a été arrêté et détenu par l’agence nationale du renseignement, ANR, largement accusée d’avoir orchestré des arrestations arbitraires et tortures.



Le principal mandat de l’ANR est d’enquêter sur les crimes contre la sécurité nationale.



Le 26 août dernier, au cours d’une audience préliminaire, l’Accusation avait également reproché à Misabiko d’avoir fait des déclarations à Voice of America et à la BBC, selon lesquelles l’uranium de Shinkolobwe était vendu à l’Iran et à la Corée du Nord.



Les avocats de Misabiko ont répliqué que l’audience devrait se concentrer uniquement sur le contenu du rapport, et non pas sur les déclarations relatées par les médias.



L’Accusation a demandé à Misabiko de révéler les noms de ceux qui avaient contribué au rapport avec lui, mais il a refusé, indiquant qu’ils avaient le droit d’être protégés.



Le gouvernement provincial justifie la détention de Misabiko, indiquant qu’il n’a pas été en mesure de produire des éléments de preuve pour étayer certaines des accusations faites dans le rapport.



Le gouvernement a indiqué dans une déclaration, “Golden Misabiko a été invité à participer à l’enquête pour montrer où les trafic illégaux de minerais radioactifs avaient lieu. Mais il a refusé et a au lieu de cela organisé une conférence de presse.”



Les organisations non gouvernementales internationales, ONG, voient dans son arrestation un développement inquiétant.



“Ce genre de chose est assez typique en RDC,” a déclaré Lizzie Parsons, chercheuse auprès de Global Witness, qui enquête sur l’exploitation des ressources naturelles. “L’ANR est assez connue pour persécuter les activistes des droits de l’Homme et les journalistes. Nous ne voyons cependant pas souvent les choses évoluer jusqu’au stade du procès.”



Parsons accepte que l’État ne soit pas toujours directement responsable pour les tactiques de torture et d’intimidation, mais indique qu’il devrait assurer la part du lion de la responsabilité.



“La responsabilité doit être attribuée à l’État pour avoir permis à cet environnement de se former,” a-t-elle dit. “Ils doivent tenir les auteurs de violations de la loi responsables de leurs actes.”



Timothée Mbuya, vice-président de l’ASADHO-Katanga et collègue de Misabiko, a vigoureusement critiqué la détention.



“Les choses ne vont pas mieux du tout,” a-t-il dit à l’IWPR. “Même s’ils sont relâchés après leur arrestation, c’est uniquement une question de temps avant que [les autorités] ne les reprennent. Le système judiciaire est corrompu et les juges sont soumis à une forte pression de la part du gouvernement pour rendre des condamnations.”



Mbuya pense qu’il est important de maintenir la pression sur le gouvernement pour qu’il mette fin à de telles arrestations arbitraires et harcèlements des activistes des droits de l’Homme.



“Il faut indiquer au gouvernement la bonne chose à faire, parce que, tant que les juges seront rattachés au pouvoir, ils feront toujours ce que veut le gouvernement et non pas ce qui est juste,” a-t-il dit.



Mbuya avait été arrêté avec Misabiko, mais relâché à peine quelques heures plus tard.



Les ONG au sein du pays ont également appelé à ce que Misabiko soit relâché, dénonçant sa détention comme illégale.



“Nous demandons à la sécurité provinciale du Katanga [d’abandonner les charges retenues contre Golden] et de garantir en toutes circonstances la sécurité des activistes des droits de l’Homme,” a déclaré Jacques Mbuya d’Action contre l’impunité.



Floribert Chebeya, de la Voix des Sans voix, une autre ONG, rejette toute affirmation selon laquelle Misabiko constituerait une menace à la sécurité nécessitant l’engagement des services de renseignement de l’ANR.



“Dans le rapport, il n’y a rien qui constitue une atteinte à la sécurité nationale et les faits avancés peuvent tous être vérifiés sur le terrain,” a déclaré Chebeya. “Nous voulons que le président de la République cesse toute interférence du pouvoir exécutif dans l’administration de la justice.”



L’opposition politique au Katanga s’est emparée de l’affaire, utilisant l’arrestation de Misabiko pour s’en prendre au bilan du gouvernement en matière de droits de l’Homme.



“Les élection seules ne suffisent pas pour garantir une société démocratique,” a indiqué Jean Raymond Muyumba, président provincial pour le Rassemblement des forces sociales et fédéralistes, un parti d’opposition. “Nous avons aussi besoin d’un pouvoir judiciaire indépendant, d’un parlement dynamique, d’une presse libre et d’une société expressive. La défense des citoyens d’un pays repose d’abord sur son gouvernement.”



En dépit de l’arrestation de son président, ASADHO-Katanga maintient sa position, et indique que l’exploitation illégale continue à la mine de Shinkolobwe.



La mine, très connue pour avoir fourni l’uranium utilisé pour produire les bombes atomiques qui furent lâchées sur le Japon en 1945, avait été officiellement fermée au début de l’année 2004, suite à un effondrement.



Misabiko, qui souffre de mauvaise santé permanente, reste en liberté conditionnelle en attendant d’autres audiences.
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