Cruel destin pour les filles des rues

Malgré des peines plus sévères pour les abus sexuels, de nombreux crimes restent impunis.

Cruel destin pour les filles des rues

Malgré des peines plus sévères pour les abus sexuels, de nombreux crimes restent impunis.

Thursday, 30 July, 2009
Bijou, 16, parle doucement et à voix basse alors qu’elle dépeint la situation cruelle que constitue la vie pour une jeune fille vivant dans les rues de Lubumbashi, la deuxième plus grande ville en République démocratique du Congo, RDC.



Lors de la première journée qu’elle passa hors de chez elle, des hommes plus âgés qu’elle mais vivant aussi dans la rue lui rasèrent la tête et lui arrachèrent ses habits. Ces “grand frères”, comme elle les appelle, la torturèrent aussi en mettant des sacs plastiques fondus sur sa peau puis la violèrent.



“Cela a continué jusqu’à ce qu’ils m’aient tous eue,” se rappelle-t-elle. “C’est le baptême rituel. Cela arrive à toute nouvelle personne.”



Bijou fut ensuite envoyée dans la rue pour gagner de l’argent comme prostituée. Elle raconte que quand elle revint, elle fut battue et l’argent lui fut arraché.



Elle était âgée de seulement 11 ans quand elle commença à vivre de la sorte.



Plusieurs centaines de filles sont forcées à vivre de cette manière dans toute la ville, où la pauvreté et le chômage sont monnaie courante. La vie de famille s’est souvent écroulée et le divorce a augmenté à la suite de deux guerres dans les années 90, en raison desquelles de nombreux enfants ont quitté leurs maisons ou été jeté dehors.



Le nombre exact d’enfants des rues présents dans la ville n’est pas connu, mais une étude de 2006 menée par l’Université de Lubumbashi suggérait un chiffre de près de 17 000. Lubumbashi a une population estimée à près de 1,2 million.



Depuis lors, la crise financière mondiale a exacerbé la pauvreté générale et le chômage dans le pays.



Depuis deux ans, Bijou reçoit des soins de Bumi, une organisation non gouvernementale locale. Pour elle, la terrible épreuve de la vie dans la rue a pris fin. Mais pour beaucoup d’autres jeunes filles, il s’agit toujours de la réalité quotidienne.



D’autres filles qui ont fui la vie dans la rue racontent des histoires similaires.



“La nuit était étrange, pas bonne,” se rappelle Judith, 19 ans. “Les soldats nous chassaient. Les hommes nous prenaient par la force à plusieurs reprises. Cela arrivait souvent et ils ne mettaient pas de préservatifs.”



Emilie, 14, déclare que, au cours de tels supplices sexuels, elle quittait son cours et entrait dans un état proche de la transe, “C’était le seul moyen de survivre.”



Emilie indique qu’elle se sent triste, menacée et effrayée. Chaque fois qu’elle couchait avec un homme, elle était dégoûtée et se sentait sale. Elle aimerait retourner à ses études, mais elle n’a pas d’argent pour payer les frais.



Rosalie, 14, a déclaré qu’avec une autre fille elle avait quitté sa maison pour vivre dans la rue quand elle avait tout juste 12 ans, “Une grande sœur m’a accueillie chez elle... Comme j’étais vierge, la grande soeur m’a prêtée à un vieil homme qui m’a dépucelée. Il a payé. C’est devenu mon travail. J’étais sa propriété privée, quelque chose qu’elle pouvait vendre.”



La nouvelle législation visant à lutter contre la violence sexuelle a été introduite en 2006, mais les critiques indiquent que trop de crimes continuent à être commis en toute impunité et qu’il y a souvent une attitude d’indifférence envers les filles des rues, ce qui rend difficile pour elles de chercher à obtenir justice.



La nouvelle loi a élevé l’âge du consentement de 16 à 18 ans. Tout acte sexuel avec une fille de moins de 18 est désormais qualifié de viol.



La peine prévue pour le viol, tel que défini par la loi de 2006, se site entre cinq et 25 ans de prison, à la discrétion du juge. La loi a également renversé une législation antérieure qui permettait aux personnes condamnées pour viol de payer une amende en échange d’une peine amoindrie.



Mireille Ngandwe, coordinatrice du Centre pour l’intégration des femmes abandonnées de Lubumbashi, a critiqué la loi parce qu’elle donne trop de pouvoir aux juges.



Elle indique que les juges n’ont souvent pas la volonté d’imposer des peines sévères pour le viol des filles des rues, qui sont déjà stigmatisées par la société et par les autorités.



“Il ne devrait appartenir au juge de déterminer la peine,” a-t-elle dit. “La loi devrait fixer la peine pour des violences sexuelles à 25 ans, au lieu que cela soit entre cinq et 25 ans.”



Patricia Nseya, avocate et activiste des droits de l’Homme, a déclaré que plus d’efforts devaient être faits pour lutter contre le silence et les tabous qui entourent la violence sexuelle.



“L’ignorance de ce qu’est la violence sexuelle, et les conséquences qu’elle a, conduisent à la banalisation de ces crimes,” indique-t-elle. “Lorsque les victimes sont des filles des rues, cette indifférence est intensifiée et ces agressions continuent à être perpétrées en toute impunité, renforçant un sentiment d’impuissance [parmi les victimes].”



Thérèse Lukenge, ministre provincial à la famille et à l’enfance, a déclaré qu’elle conduit une campagne de sensibilisation pour encourager les femmes, quelque soit leur age ou leur statut social, à dénoncer ceux qui leur ont fait subir des viols ou des formes d’exploitation sexuelle.



Un nouveau centre d’hébergement pour les enfants des rues a ouvert le 30 juin à Lubumbashi. Lukenge indique que le but du centre est d’essayer de rééduquer les enfants après des années passées dans la rue, et de les aider à retourner dans leurs familles s’ils le souhaitent.



Héritier Maila est un reporter formé par l’IWPR à Lubumbashi.
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