Controverse au sujet de la restructuration des prisons

Les prisonniers craignent d’être transférés vers des endroits dangereux du Nord Kivu, dans le cadre d’une restructuration des prisons locales.

Controverse au sujet de la restructuration des prisons

Les prisonniers craignent d’être transférés vers des endroits dangereux du Nord Kivu, dans le cadre d’une restructuration des prisons locales.

Des plans visant à transférer les détenus d’une prison de Goma vers une autre située dans une partie anarchique de la région du Nord Kivu, ont amené nombre d’entre eux à craindre pour leurs vies.



Les plans font partie d’une restructuration du système local de prisons qui verra la rénovation d’une prison à Goma, la capitale de la province du Nord Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, RDC, et la reconstruction d’une autre à une certaine distance, dans une partie de la région ravagée par les conflits.



Le surpeuplement de l’ancienne prison sera résolu en transférant les prisonniers vers cette dernière.



La rénovation a déjà commencé à la prison de Munzenze, à Goma. L’Union européenne a déjà promis 40 000 euros au programme de réforme du secteur de la justice au Congo, REJUSCO, qui entreprend le travail – destiné à relier le système électrique de la cour centrale au réseau électrique national, et à reconstruire les sanitaires, les murs, les douches, les portes, le toit et le sol de la prison.



La majeure partie des rénovations intérieures de la prison sera effectuée par les prisonniers qui recevront une compensation en vertu d’un accord passé avec le directeur de la prison et l’ingénieur chargé de l’exécution des opérations.



Certaines améliorations ont déjà eu lieu. Les prisonniers ont désormais des matelas et des couvertures, et ne doivent plus dormir à même le sol. En outre, une unité séparée de la prison a été créée pour les femmes et les mineurs, ainsi qu’un dispensaire. Une clôture a été érigée autour de la prison pour renforcer la sécurité.



Robert Amisi, le coordinateur provincial adjoint de la REJUSCO en charge de l’infrastructure des prisons, a indiqué que les rénovations étaient à moitié terminées. Depuis près d’un mois, toutes les cellules de Munzenze ont un éclairage.



Outre les rénovations à Munzenze, les officiels veulent reconstruire la prison de Nyongera et la ferme de Rutshuru, à près de 75 kilomètres de Goma, qui est actuellement utilisée pour cultiver de la nourriture pour les détenus, telle que des haricots ou du maïs.



Une fois opérationnelle, la prison de Nyongera aura une capacité d’accueil de 300 à 400 détenus, et sera utilisée pour désengorger la prison surpeuplée de Munzenze. Bien qu’elle ait été destinée à accueillir 150 détenus, Munzenze en a aujourd’hui plus de quatre fois plus.



Nyongera est une vieille prison, dont les portes avaient été ouvertes en novembre 1996 par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, AFDL, de l’ancien président congolais Laurent Désiré Kabila.



Bien que la prison de la région de Nyongera soit occupée par des unités de l’armée fédérale des Forces armées de la République démocratique du Congo, FARDC, elle reste dans une situation instable.



Les habitants de la région se plaignent d’attaques fréquentes, de meurtres et de pillages par les forces fédérales des combattants Mai-Mai anarchiques. Pour cette raison, la plupart des résidents de Nyongera vivent dans des camps de réfugiés protégés par les forces des Nations unies et assistés par les organisations humanitaires.



Bien que des responsables de la justice aient déclaré que la reconstruction de la prison de Nyongera sera bientôt achevée, peu de prisonniers veulent y être transférés en raison des combats.



Les détenus de Munzenze ont déclaré qu’ils préfèreraient mourir en prison plutôt que ”sous l’épée des Mai-Mai”.



Prête à tout pour éviter un éventuel transfert vers la prison de Nyongera, près d’une dizaine de détenus a récemment essayé de s’échapper de Munzenze. Les responsables de la prison ont indiqué que l’un d’entre eux avait été tué lorsque le gardien avait ouvert le feu sur les fugitifs, et qu’un deuxième était mort après avoir sauté d’un mur.



Mais la sécurité à Nyongera n’est sans doute pas la seule préoccupation des prisonniers.



Lubamba Lundambwe, un avocat de Goma qui défend les droits des détenus, a indiqué que ceux originaires de Goma préféraient rester proches de leurs familles qui complètent leurs maigres rations de nourriture.



Joseph Mirindi, le directeur de la prison, a indiqué qu’il avait demandé au gouvernement de la province de s’assurer que les détenus soient nourris chaque jour. “La rénovation par le REJUSCO est une bonne chose,” a-t-il déclaré, “mais l’État doit aussi réfléchir au problème actuel de l’approvisionnement en nourriture des prisonniers.”



A l’heure actuelle, les prisonniers sont nourris de deux louches de mbungule, un mélange de haricots et de maïs, préparé sans sel ni huile, mais ce n’est pas toujours le cas. Certains indiquent qu’il sont restés à jeun pendant quatre jours ou plus et qu’ils ont survécu en buvant l’eau du robinet.



De sa cellule de prison faiblement éclairée, un jeune prisonnier qui purge une peine de trois ans de prison pour viol, interrogé au sujet des rénovations répond “à quoi sert de blanchir les murs d’une cellule qui abrite un désespéré sans avenir?”



Ce détenu se plaint de graves douleurs à l’estomac en raison du mauvais régime alimentaire de la prison.



D’autres remettent également en question les bienfaits de la rénovation de Munzenze.



Pierre Mazambi, un avocat et professeur à l’Université libre de la région des Grands lacs à Goma, a suggéré que l’État devrait construire une nouvelle prison plus grande dans la zone.



Il a également suggéré que des terres soient mises de côté pour les cultures des prisonniers, afin qu’ils soient capable non seulement de cultiver leur propre nourriture, mais aussi d’acquérir des compétences agricoles et de devenir des citoyens utiles.



Mais l’État reste focalisé sur ses plans pour Munzenze et Nyongera.



“Dès que la situation sécuritaire se sera améliorée, il ne fait aucun doute que Nyongera servira à désengorger Munzenze,” a indiqué Amisi.



Amisi a appelé les habitants de Goma à croire aux rénovations menées par le REJUSCO qui amélioreront la justice pour les habitants du Nord Kivu.



Sara Nsimire est stagiaire auprès de l’IWPR.
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