Commentaire: Lubanga, juste un 'petit poisson'

Indépendamment de l’éventualité que Lubanga soit jugé en RDC, pour beaucoup ici, il est temps que la CPI inculpe les principaux suspects de crimes de guerre congolais

Commentaire: Lubanga, juste un 'petit poisson'

Indépendamment de l’éventualité que Lubanga soit jugé en RDC, pour beaucoup ici, il est temps que la CPI inculpe les principaux suspects de crimes de guerre congolais

La Cour pénale internationale, CPI, envisage actuellement la possibilité de tenir une partie du procès de Thomas Lubanga en République démocratique du Congo, RDC. Cette initiative digne d’éloges présente certains avantages mais aussi des difficultés.



Parmi les avantages, on compte la nécessité de rapprocher la justice internationale de la population concernée par les crimes internationaux. C’est dans le pays où les crimes ont été commis que se trouvent les victimes, les suspects et les preuves. Il est donc légitime et plus facile que la justice soit rendue là où les crimes ont été commis. De la même manière, le fait de tenir les procès au Congo permet d’instruire toute la société et de renforcer la crédibilité du travail de la CPI.



Lubanga est l’ancien président de l’Union des patriotes congolais, UPC – une milice dont l’objectif était de protéger les intérêts du groupe ethnique Hema sur le territoire de l’Ituri. Ce groupe fut impliqué dans des massacres ethniques, actes de torture et viols.



Lubanga fut transféré à la CPI le 17 mars et inculpé pour crimes de guerre, comprenant le recrutement d’enfants soldats. Les juges ont confirmé les charges en janvier, et nous attendons désormais le début du procès.



La CPI devra faire tous les efforts nécessaires pour expliquer aux habitants de la RDC les importantes procédures juridiques actuellement en cours à La Haye.



Alors pourquoi ne pas tenir une partie du procès au Congo même ?



D’un certain côté, la situation sécuritaire dans le nord-est pourrait amener la CPI à abandonner son idée d’organiser une partie du procès Lubanga ici.



Il serait difficile, peut-être même impossible pour le gouvernement congolais d’assurer la sécurité de toutes les parties lors d’un procès en Ituri, même avec l’intervention de la MONUC, la mission des Nations Unies en RDC. De quelle manière les victimes et témoins pourraient-ils être protégés ?



C’est pourquoi certains observateurs proposent que le procès se tienne dans la capitale, Kinshasa.



L’arrestation et le transfert de Lubanga à la CPI ont donné lieu à de grands espoirs pour les victimes en particulier et pour la population congolaise en général.



Cependant, selon nous, Lubanga n’est qu’un ‘petit poisson’ comparé à d’autres qui continuent à bénéficier de l’impunité au Congo.



Les ‘gros poissons’ ne sont pas inquiétés par la justice nationale ou internationale. C’est la raison pour laquelle la population est sceptique au sujet de la CPI.



En effet, les Congolais espèrent que les gros poissons seront tenus responsables pour leurs actes devant la CPI, mais la réalité sur le terrain donne lieu à de nombreux doutes.



Des crimes ont été commis en Ituri avec la bénédiction de certains des chefs de milice de la région. Ces personnes n’ont jusqu’à présent pas été visées par quelque procédure juridique que ce soit et certaines d’entre elles sont d’ailleurs même membres de la nouvelle armée nationale.



Human Rights Watch a révélé dans son rapport de 2002 sur l’Ituri que les actes de cannibalisme, viol et massacres avaient été commis par les groupes armés, notamment les milices Ngili et Lendu, les forces Hema de l’UPC, et le RCD-N (Rassemblement Congolais pour la Démocratie- National) et le RCD-ML (Rassemblement Congolais pour la Démocratie - Mouvement de Libération).



La CPI n’a pas encore délivré de mandats d’arrêt contre des chefs Lendu, malgré leur implication présumée dans un certain nombre de crimes graves. Et le public attend toujours, après trois ans, les noms d’autres personnes qui pourraient être visées par des mandats d’arrêt internationaux.



« Il n’y a plus de justice dans notre pays », est une plainte courante de la part des Congolais. Quelle stabilité, quel futur peuvent être espérés d’une nation où les citoyens de font plus confiance à la justice ?



Il est clair que pour construire une société démocratique et paisible, la RDC devra surmonter des défis majeurs. Un des plus importants sera de lutter contre la tradition de l’impunité.



La question qui se pose pour la CPI est de savoir si elle va être capable d’aider à surmonter des ces défis en frappant plus haut et plus fort.



Eugène Bakama Bope est le président du Club des amis du droit du Congo.

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