Commentaire : les racines de l'impunité
La corruption au sein du système judiciaire et des forces de sécurité signifie qu’un grand nombre de criminels présumés sont rarement jugés.
Commentaire : les racines de l'impunité
La corruption au sein du système judiciaire et des forces de sécurité signifie qu’un grand nombre de criminels présumés sont rarement jugés.
Mais les policiers, soldats et juges chargés d’amener devant la justice ceux qui commettent de tels crimes ne font pas leur travail.
Il servent et détruisent la nation en même temps. L’impunité au Congo est comme un géant baobab avec des racines si ramifiées qu’il est difficile à détruire.
Les juges et les magistrats extorquent l’argent des parties en conflit, et ne rendent pas de jugement final avant de s’être rempli les poches. Les inculpés achètent leur innocence avec de l’argent. La justice n’est pas rendue pour ceux qui la méritent. Au lieu de cela, la corruption, le tribalisme et le trafic d’influence prévalent. Les malfaiteurs sont épargnés et des innocents punis à leur place.
Et la police ne fait pas mieux.
Des cas tels que celui de la famille Mbemba du district de Masina à Kinshasa ne sont que trop communs. Cette famille a expliqué qu’elle avait été forcée par la police à quitter sa propre maison après qu’un homme en possession de faux documents ait prétendu en être le propriétaire. L’homme avait ensuite construit des nouvelles maisons sur les terres des Mbemba pour les vendre, assuré du fait qu’il n’allait pas être puni étant donné que, comme la famille l’a indiqué, il avait soudoyé la police et les autorités.
Très récemment, un homme accusé du viol d’une fille de 13 ans dans la province du Nord Kivu s’est échappé de sa prison avec l’aide d’un garde et d’un policier. Le procureur du Nord Kivu a choisi d’émettre un mandat d’arrêt pour le violeur présumé mais n’a pas poursuivi les officiers de police impliqués. La mère de la victime a fait remarquer à raison que 500 dollars US suffisaient pour que cet homme puisse disparaître et que l’affaire ne soit pas poursuivie.
Cela arrive souvent si la personne accusée d’avoir commis un crime a de l’influence au sein de la communauté. Une telle personne condamnée à 20 ans de prison peut facilement recouvrer la liberté après tout juste un an en échange de quelques billets de banque.
Certains criminels ne sont jamais punis du tout. Un bon nombre des bandits, voleurs à main armée, meurtriers et violeurs agissent sous des parapluies politiques et militaires. Même s’ils sont pris sur le fait et envoyés en prison, il s’agit là d’une pure formalité et ils sont relâchés quelques mois plus tard.
Les bas salaires des fonctionnaires contribuent à cette terrible impunité et à l’irrégularité avec laquelle ils sont payés. Un policier qui m’a parlé à condition de rester anonyme, a déclaré, “Je travaille au service de la nation congolaise depuis 1980, mais curieusement, je n’ai pas été payé depuis mars 2007.”
Un grand nombre de policiers sont face à la même situation. Dans le seul Nord Kivu, plus de 200 hommes d’une force qui en compte 4 200 n’ont pas été payés depuis plus de 18 mois.
Leurs salaires sont mis à disposition chaque mois par le gouvernement et donnés à des administrateurs de la force de police à Kinshasa. Mais l’argent n’arrive pas jusqu’aux officiers sur le terrain. L’administration de la police nationale fait la sourde oreille face aux plaintes des pauvres policiers dans les provinces et également par rapport aux allégations de vol et meurtre commis par ses officiers.
Quand ils sont payés, les officiers du Nord Kivu reçoivent un salaire uniforme de 21 650 francs congolais par mois, ce qui représente 35 dollars, quelque soit leur rang. Le salaire de leurs collègues de l’armée est plus élevé. Un sergent de l’armée gagne 37 000 francs.
En résultat, les policiers dans l’est vivent une vie misérable, extorquant de l’argent auprès de la pauvre population. Lorsqu’un policier impayé est pris en flagrant délit de tuerie, vol ou de trouble à l’ordre public, l’affaire est souvent traitée sans l’intensité nécessaire par son supérieur hiérarchique direct, pour éviter que toute irrégularité ne soit révélée. Cela signifie que les méfaits passent souvent inaperçus.
Il est difficile de savoir jusqu’à quand l’impunité va persister. Il faudra assez de temps pour que ce baobab géant aux feuillages verdoyants dont les fruits amers sont le désespoir de vivre pour une nation pourtant appelée à vivre, soit déraciné.
Sara Nsimire est une collaboratrice de l’IWPR à Goma.