Commentaire : l'amnistie ne peut pas éteindre la violence

Une commission de vérité et réconciliation capable de révéler les crimes commis dans l’est doit d’abord être mise en place.

Commentaire : l'amnistie ne peut pas éteindre la violence

Une commission de vérité et réconciliation capable de révéler les crimes commis dans l’est doit d’abord être mise en place.

Des réactions diverses ont succédé à l’adoption par le Parlement congolais le mois dernier d’une loi offrant une amnistie pour faits de guerre et d’insurrection dans les provinces des Kivus.



L’amnistie, qui, selon l’Assemblée, annonce une nouvelle ère de paix pour le pays, couvre les crimes commis à partir de juin 2003 était prévue par l’accord de paix de Goma censé mettre fin aux combats dans l’est du pays.



Les rebelles Mai Mai des groupes Mongol et Rwenzori ont salué le respect par le gouvernement de l’accord du 29 janvier. Mais d’autres, tels que l’Union des Patriotes congolais, UPC, de Thomas Lubanga, inculpé par la Cour pénale internationale, CPI, pensent que la loi est sélective et discriminatoire dans la mesure où elle ne couvre pas les crimes commis par les groupes armés dans la province de l’Ituri.



La loi d’amnistie était l’une des nombreuses conditions imposées par les rebelles, y compris ceux du CNDP de Laurent Nkunda, pour signer la signature de l’accord de Goma. En tout, 22 groupes armés avaient promis de déposer les armes et de mettre un terme à la violence qui a provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes dans la région.



Cependant, malgré les promesses faites à Goma, cette violence a continué. Le Congo Advocacy Coalition – un groupe de 64 agences d’aide et de groupes de défense des droits de l’Homme – a déclaré le mois dernier que dans les six mois ayant suivi la signature de l’accord “des violences épouvantables” avaient continué dans l’est. Au moins 150 000 personnes ont été expulsées de leurs maisons et plus de more 2 200 viols ont été enregistrés en un mois au seul Nord Kivu. Plus de 200 civils sont morts et 200 violations du cessez-le-feu ont été relatées.



Il est peu probable que cette loi d’amnistie – une bouée de sauvetage utilisée par les criminels contre les vagues des poursuites pénales – mette fin à la violence orchestrée par Nkunda et les autres groupes armés. L’amnistie – qui doit maintenant être approuvée par le Sénat du Congo puis être transmise au Président Joseph Kabila pour signature – ne changera pas la situation sur le terrain.



Elle pourrait plutôt favoriser le sentiment d’impunité pour les groupes de milices et les encourager à commettre d’autres crimes. La solution aux problèmes de l’est de la RDC se trouve ailleurs, mais pas dans l’adoption d’une loi d’amnistie.



Les Congolais ne comprennent pas comment l’impunité des auteurs de crimes épouvantables peut être promue au nom de la paix.



Malgré ce qui a été dit, une amnistie n’est pas une étape essentielle pour atteindre la paix. L’expérience congolaise montre que les amnisties adoptées avant n’ont pas fonctionné. Une amnistie préalable, portant sur les actes de guerre et infractions politiques commis entre 1996 et 2003 n’avait pas mis fin aux combats.



Il faut noter que qu’aucune de ces amnisties ne comprend les actes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les inculpés de la CPI tels que le fugitif Bosco Ntaganda ne peuvent pas non plus en bénéficier.



La dernière amnistie a été adoptée le 12 juillet en l’absence de nombreux députés de l’opposition qui avaient boycotté les travaux du Parlement depuis le meurtre du député Daniel Boteti le 6 juillet. Membre du Mouvement pour la libération du Congo, MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba, il avait été tué par balle dans la capitale, Kinshasa. Bemba est à La Haye où il attend d’être jugé pour des chefs d’accusation liés à des crimes commis en République centrafricaine.



Bien qu’elle ait été prise au nom de la réconciliation nationale, cette amnistie n’aide malheureusement pas les milliers de victimes de la guerre. Leurs intérêts n’ont pas été pris en compte. Elle bafoue les droits des victimes à la justice et porte atteinte au principe-même de justice. Les victimes perdent le droit d’être reconnues comme victimes sur le plan national. Pour elles, cela signifie l’impunité. Cette loi est une insulte aux victimes.



Il est également peu probable que cette loi d’amnistie vienne promouvoir la réconciliation nationale– un processus long mais indispensable pour la paix.



Pour que cela arrive, il faut qu’une commission de vérité et réconciliation, capable de révéler les crimes commis soit mise en place.



Cela devrait être fait avant qu’une amnistie ne soit accordée. Avant qu’une page puisse être tournée, elle doit avoir été lue.



L’exemple sud-africain peut illustrer cela. Dans ce pays, la commission de vérité et réconciliation accordait une amnistie à une personne en échange de ses aveux. Ce n’est pas le cas en RDC avec cette nouvelle loi. En Afrique du Sud, l’amnistie a été le prix à payer pour que les forces de sécurité se rallient au processus de transition, pour éviter un bain de sang et mettre un terme au cercle infernal de la vengeance.



Il est possible d’aboutir au pardon mais uniquement une fois que la vérité a été établie, et une fois qu’une indemnisation symbolique a été accordée, conformément à une commission de vérité et réconciliation. La nouvelle loi d’amnistie acceptée par le Parlement congolais ne permettra pas que cette vérité soit établie.



Eugène Bakama Bope est président du Club des amis du droit du Congo.
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