Commentaire: inquiétudes au sujet d'une réforme constitutionnelle
Certains craignent que le processus puisse renforcer le contrôle de Kabila sur le pouvoir et continuer à miner l’indépendance judiciaire.
Commentaire: inquiétudes au sujet d'une réforme constitutionnelle
Certains craignent que le processus puisse renforcer le contrôle de Kabila sur le pouvoir et continuer à miner l’indépendance judiciaire.
Alors que certaines modifications constitutionnelles mineures peuvent sembler justifiées, une grande prudence devrait être adoptée pour que de tels ajustements ne soient pas utilisés comme une excuse pour une refonte de plus grande portée qui renforcerait la mainmise de l’exécutif sur le pays.
Une commission d’experts a été mise en place il y a plusieurs mois pour évaluer la constitution et proposer tout amendement qu’elle estimerait nécessaire.
Le comité comprend des représentants de la présidence, du bureau du premier ministre, des deux chambres du parlement et de la Cour suprême.
Il est regrettable que la société civile ne soit pas représentée, et il existe un danger très réel que le président Joseph Kabila, qui détient une majorité absolue au parlement, puisse faire passer des changements à la constitution qui bénéficient à sa carrière politique plutôt qu’à tout le pays.
Un des projets les plus préoccupants est la discussion relative à l’extension de la durée maximale qu’un président puisse servir à son poste, actuellement fixée à deux mandats de cinq ans.
Certains commentateurs ont suggéré que le groupe d’experts se prépare à proposer une révision constitutionnelle qui porterait le mandat présidentiel à sept ans, et permettrait aux présidents de se présenter un nombre de fois illimité.
Si un tel changement était accepté, les élections de 2011 seraient certainement repoussées et le contrôle de Kabila sur le pouvoir du pays serait renforcé.
Certains conseillers gouvernementaux ont cependant rejeté de telles discussions, les qualifiant de circonstancielles et indiqué que Kabila n’avait pas le projet d’étendre son mandat.
Une autre question devrait être aussi réglée. Une clause constitutionnelle gênante expose clairement que la durée du mandat présidentiel ne peut pas être révisée.
Ainsi, avant qu’un allongement du mandat ne puisse être envisagé, le groupe d’expert devra d’abord trouver un moyen de surmonter ce problème.
Une autre idée profondément inquiétante est la suggestion que le président et le ministre de la justice puissent être intégrés au haut conseil de la magistrature.
Cet organe, mis en place en 2006 pour promouvoir l’indépendance judiciaire, manque cruellement de fonds et souffre d’une interférence permanente de la part du gouvernement.
Dès le départ, cela a porté atteinte à la revendication d’indépendance du haut conseil et à sa capacité à mener les tâches ayant motivé son établissement.
Le fait d’intégrer des départements du gouvernement à l’organisation ne fera qu’empirer les choses.
Certains soutiennent que, étant donné que le gouvernement devrait avoir la responsabilité finale pour le système judiciaire, il serait peu judicieux de séparer complètement la justice de l’exécutif.
Mais de tels idées sont dangereuses, et ignorent la lutte perpétuelle visant à diminuer l’interférence gouvernementale dans le travail des tribunaux en RDC – en particulier au vu des déclarations faites par Kabila en juin dernier, appelant à renforcer le combat contre la corruption au sein de la magistrature.
Sans un pouvoir judiciaire vraiment indépendant, bénéficiant d’un budget consistant et n’étant pas assujetti aux caprices du gouvernement, il sera très difficile d’atteindre un ordre démocratique durable en RDC.
Il existe un argument permettant d’envisager une révision constitutionnelle.
Lorsqu’elle fut rédigée en 2006, la constitution donna au gouvernement 36 mois pour gérer l’éclatement des 11 provinces existantes en 26 autres entités.
L’idée des 26 provinces était motivée, en partie, par le besoin de consolider l’unité nationale, affaiblie par des guerres successives en RDC.
Il était avancé que le fait de diviser le pays en de plus petites régions semi autonomes, aiderait à réduire le conflit interethnique en créant des administrations locales plus homogènes.
Cependant, jusqu’à présent, peu de progrès significatifs ont été fait pour aborder le problème.
En vertu de la constitution, les deux chambres du parlement doivent s’accorder sur la délimitation des frontières à une majorité qualifiée aux trois cinquièmes.
Etant donné que le gouvernement dispose d’une importante majorité au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat, la chambre basse et la chambre haute, il ne serait pas difficile pour lui de faire passer ce changement s’il le souhaitait.
Mais le gouvernement de Kabila montre visiblement peu d’enthousiasme à la mise en place des nouvelles provinces.
Si le gouvernement pense qu’il ne peut pas mettre en place les 15 provinces supplémentaires avant les élections, il est possible que la constitution puisse être modifiée pour empêcher de tomber dans l’illégalité.
Mais cette révision doit être conforme aux principes de la constitution, et un grand soin doit être pris pour qu’elle ne soit pas utilisée pour bricoler d’autres éléments juridiques.
Sans cette prudence, il n’y aura pas d’élection en 2011 et les droits démocratiques fondamentaux seront mis en péril.
Eugène Bakama Bope est analyste sur le Congo auprès de l’IWPR.
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de l’IWPR.